Plus de travail, moins de moyens

Plus de travail, moins de moyens - Engage BBDO group - pub8-2012

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Des agences mises sous pression

L’activation de marque reste une solution prisée par les annonceurs, bien mesurable et qui permet un retour rapide. Des caractéristiques indispensables en cette période difficile. Cependant, la prudence domine dans les agences. En 2012, les budgets sont serrés et le chiffre d’affaires du secteur devrait s’en ressentir. Dans les agences, on travaille beaucoup pourtant. Souvent en dernière minute. Sans pouvoir vraiment recruter et sans avoir devant soi de grands projets à long termes. Les 3 agences Engage BBDO, The Retail Company et Air nous racontent comment, chacune à sa façon, elles font le gros dos et laissent passer la tempête.

L'équipe de Engage BBDO menée par Stéphan Smets garde une énergie débordante pour faire face aux attentes accrues des annonceurs.

·        La brandactivation embrasse de plus en plus de moyens
·        Les agences ont évolué pour s'adapter aux nouvelles attentes du marché
·        Pression optimale sur les budgets et les agences
·        Pour engager le consommateur, les marques doivent avouer leurs faiblesses

« Clairement, les annonceurs gèlent leur budget de communication et marketing », constate Stephan Smets, Managing Director de l’agence Engage BBDO. « Et 2012 sera assurément une année difficile pour le secteur. Tout est mis sous pression mais en même temps, les annonceurs attendent de plus en plus de leur agence. Cela représente donc plus de travail sans augmenter les moyens dégagés. Les agences cherchent la meilleure façon de croiser ces exigences en gardant l’équilibre».
Fin 2009, Engage BBDO a négocié le virage de l’intégration en réalisant la fusion de ses agences N’Lil et de Navajo. La volonté du groupe à l’époque était de s’adapter aux nouvelles attentes des annonceurs, demandeurs de toujours plus d’intégration. Intégration au niveau des médias utilisés pour communiquer: « La fusion a eu pour effet que l’agence propose désormais une offre élargie en termes de disciplines comme le digital, le search engine, etc.», explique Stephan Smets. Intégration au niveau du contenu aussi. «D’ailleurs, nous avons choisi de ne plus parler de brandactivation mais bien d’engagment. Il s’agit d’engager le consommateur dans la marque. Cela se concrétise notamment dans le « Brand Engagment Index ». Ce modèle que nous avons développé est mis en pratique dans les plans et reconnu dans le secteur ».
Alors que le groupe BBDO s’est efforcé d’élargir l’offre de son agence au départ spécialisée dans l’activation de marques, l’agence AIR a fait en quelque sorte le chemin en sens inverse: historiquement cette agence était très centrée sur l’above. « La conceptualisation et la codification de marques font partie de l’ADN de l’agence », explique Sandrine Dicop, account director et présidente du centre d’experts Brand Activation au sein de l’ACC. « Mais l’agence est parvenue à évoluer, notamment en intégrant des spécialistes dans les domaines nouveaux. Aujourd’hui, Air offre un service complètement intégré de brand visibility, brand credibility, brand experience et brand sales activation ». Et cela lui va bien: après une restructuration importante, l’agence a pu relancer une phase d’engagements. Quarante personnes y travaillent désormais. Elle est également parvenue à élargir le scope de ses clients en engrangeant de nouveaux clients comme Delhaize, les assurances Generali, la banque Degroof, Leffe, le Forem, etc. Résultat, alors que l’heure est à la morosité, Air a connu une vraie croissance en 2011 avec une augmentation de 30% de son revenu. Ce qui fait la force de l’agence dirigée par Eric Hollander et Stéphane Buisseret? «Sa taille humaine et sa personnalité forte qui permet de traverser la crise », estime Sandrine Dicop. « Alors que dans les grands groupes, l’international édicte les moyens et les façons de faire, Air peut s’ouvrir à sa façon aux nouveaux outils que sont le digital, le community management, etc. »

La nouvelle retail company
The Retail Company aussi a changé, mais beaucoup plus récemment. D’ailleurs, il faut désormais parler de The New Retail Company. Le souffle nouveau de l’agence s’est concrétisé par la désignation en avril dernier de Heidi Seys comme Managing Director et de Nadège De Decker devenue Managing Partner. Heidi Seys est entrée à TRC en septembre de l’année dernière avec l’équipe de son agence gantoise Ghost. Nadège De Decker fait partie des meubles depuis 2005. Elle est notamment spécialiste des questions de retail. « Avec ce changement, notre volonté est surtout de capitaliser sur le high quality », explique Nadège De Decker. «Notre ambition: atteindre un niveau de qualité dans les réponses que nous apportons et ce à tous les niveaux: du conseil à l’exécution. Cela passera par une présence accrue du management. Heidi et moi voulons avoir les mains dans le cambouis. En fait, il s’agit de considérer TRC et son offre comme un produit. Nous allons activer la marque en la rendant plus efficace, plus rapide dans ses réponses, plus rentable ». Moins de personnes, plus de compétences et une structure davantage transversale, c’est vers cela que l’agence entend évoluer. « Il faut se mobiliser par rapport aux clients qui sont de plus en plus cadrés. Cela exige une disponibilité de tous les instants. Notamment parce que les agences sont de plus en plus intégrées chez leurs clients. Les annonceurs attendent de leurs agences d’activation d’intervenir très en amont. Cela remonte jusqu'à la réflexion sur l’innovation ou la conception de nouveaux produits. Ils ne veulent plus de simples exécutant mais bien des partenaires » Nadège De Decker ne veut pas en dire beaucoup plus sur l’évolution concrète que cela doit prendre. Il est sûr simplement que cela passera par une seniorisation de l’agence. La New TRC veut-elle faire évoluer sa position au sein du groupe EuroRSCG? « Nous voulons surtout profiter des forces qu’offre le groupe en matière de formation, de partages d’idées, etc. mais nous voulons aussi faire de la réflexion stratégique. The New TRC n’est pas un faiseur de displays. Cela dit, cette évolution s’inscrit dans un mouvement global du groupe ».
TRC fait partie de ces agences traditionnellement d’activation qui ont vu débarquer sur leurs plate-bandes un tas d’agences dites intégrées. «C’est sûr qu’en fait toutes les agences font de l’activation. Ce travail dépasse la notion de média. La compétition saine entre les agences est une bonne chose. Cela exige de chacun de se surpasser pour offrir la meilleure réponse. A chaque agence de prouver sa valeur ajoutée ».

Un digital complètement digéré?
Au niveau de la créativité et des accounts, les agences ont fait le nécessaire pour englober tous les aspects du digital. Il faut dire que plus personne n’envisage aujourd’hui de mettre au point une campagne sans y intégrer du digital. Par contre, les questions d’implémentation et de réalisation doivent être prises en charge par des spécialistes. Chez BBDO, cela se passe en interne soit au niveau du groupe. Stephan Smets: « Nous avons également largement investi dans la formation des collaborateurs. En ce qui concerne toutes les questions relatives aux réseaux sociaux, à Facebook principalement, nous avons créé au sein du groupe la cellule Dialogue. Les gens qui y travaillent s’occupent de content planning, de metrics, de Facebook ads, de sponsor story, d’optimalisation, etc. »
En fait les agences doivent trouver aujourd’hui l’équilibre entre une intégration croissante de moyens et de médias de plus en plus variés d’une part et d’une spécialisation approfondie de certaines techniques. Le conseil par exemple doit être media neutral. Pour traduire le concept par contre, il faudra des connaissances spécialisées en digital, en réseau de distribution, en field, etc. Aujourd’hui, les agences doivent avoir une taille minimum pour pouvoir avoir ces connaissances en interne. Les annonceurs sont demandeurs d’une intégration globale au sein de l’agence. C’est pourquoi les agences travaillent de plus en plus en collaboration étroite avec des partenaires, comme des partenaires en relations publiques par exemple.
Pour répondre aux demandes des clients en termes de social media et d’expertise digital, EuroRSCG dispose maintenant en son sein de la cellule E-RC: « une cellule à l’effigie de l'agence dans le sens local, petite, réactive, flexible et très pertinente! Et qui du coup s'adapte à la mesure du client et pour un prix concurrentiel... »

More for less
Le constat est unanime chez nos interlocuteurs: la grande part des annonceurs attendent toujours plus de leurs agences et ont tendance à les intégrer en amont dans la réflexion stratégique. « Il faut une cellule stratégique forte pour pouvoir apporter une aide en amont », explique Sandrine Dicop. « Le travail de l’agence commence dans la recherche de nouveaux marchés, voire de nouveaux produits. » Tout cela pour des budgets qui n’augmentent guère, et c'est peu de le dire.
Stephan Smets: « En fait, les concepts d’activation se multiplient. Les clients attendent de nous que nous en gérions la totalité tout en serrant de plus en plus les liens des budgets disponibles. Il importe donc pour les agences de proposer des plans réalistes et réalisables, défendables auprès du département procurment. En même temps, les annonceurs attendent de la créativité, de l’innovation, un renouveau, quelque chose out of the box ».
Nadège De Decker ajoute: « L’année 2012 s'avère compliquée. La rentabilité est le mot d’ordre chez les annonceurs mais aussi dans les agences. Les clients attendent de plus en plus de service, de plus en plus de disponibilité. Ils veulent des solutions, ils espèrent trouver dans leur agence une capacité de faire évoluer leur business. La tendance est clairement à la délégation vers les agences d’une partie du travail de réflexion. Cela devient presque du outsourcing. Les annonceurs cherchent des points d’ancrage dans leur agence, points d’ancrage qui leur font défaut en interne. C’est gratifiant évidemment mais il faut que le client comprenne l’importance du temps que cela prend. Réfléchir en profondeur sur les moyens de faire bouger la catégorie du produit en question, apporter des solutions innovantes, des méthodes de différentiation du produit en rayon ou ailleurs, ce thinking ne peut pas se rémunérer uniquement sur des budgets d’exécution».
La crise que nous traversons a aussi pour effet de retarder le moment des décisions. En 2011, l’année avait commencé de façon très frileuse. Le 2ème semestre avait vu des budgets se débloquer un peu en catastrophe. Aujourd’hui, c’est plutôt le règne de la dernière minute: les marques attendent le plus possible de voir comment le marché évolue avant de se jeter à l’eau. Par contre, quand la décision est prise, les agences doivent pouvoir délivrer le travail à très court terme, dans une course contre la montre que l’on sent éreintante pour les agences.
Un travail et une disponibilité que les agences rêveraient de se faire payer aux résultats. Parce que la brandactivation permet d’atteindre d’atteindre un réel impact: que ce soit sur les ventes, sur la notoriété, sur l’engagement du consommateur. Les campagnes primées lors des Best of Activation l’ont encore montré. Les annonceurs n’ont pas vraiment la même vision des choses. Alors les agences font ce qu’elles peuvent pour créer un climat de confiance entre elles et leurs clients. « Il faut travailler sur base d’un vrai partenariat » estime Sandrine Dicop.

Dis-moi qui tu es
Malgré ces circonstances compliquées, les agences de brandactivation s’efforcent de continuer à faire évoluer les moyens d’engager le consommateur. « C’est lui qui a les rênes en main » explique Stephan Smets. « Il faut donner la parole aux clients fidèles pour qu’ils puissent témoigner. Notre travail consiste dès lors en la mise en œuvre d’outils de communication, de moyens d’échanges. Aujourd’hui, plus que jamais, les marques doivent rester à l’écoute. Elles doivent proposer une communication honnête, transparente, respectueuse. Idem dans la promotion des ventes. Toute publicité malhonnête, mensongère ou problématique sera immédiatement mise au jour et dénoncée avec fracas par le consommateur ».
Nadège De Decker et Sandrine Dicop partagent cet avis. Plus que jamais, les marques doivent parler vrai, ne pas se cacher, chasser l’artificiel pour revenir à l’essentiel. Elles doivent être capables de reconnaître leurs erreurs, leurs faiblesses. Une tendance repérée par le site Trendwatching qui la désigne sous le terme de Flawsome. « Les consommateurs n’attendent plus du tout des marques qu’elles soient parfaites. Au contraire, ils valorisent les marques qui parlent ouvertement de leurs points faibles. Cette fragilité avouée, l’ouverture d’esprit, l’humilité et la flexibilité les rendent brillantes. Les consommateurs semblent s’attacher à des marques qui montrent leur « humanité »
On sent également la volonté de revenir à plus de simplicité. « Il est passé le moment d’en jeter un maximum avec une super application que personne ne sait ou n’a envie d’utiliser. Il faut privilégier la simplicité et mettre la technologie à son service », ajoute Nadège De Decker.

Compétitions à gogo
On en parlait l’année dernière déjà: les annonceurs mettent constamment leur budget ou même la moindre action en compétition. « Une façon de mettre la pression sur les prix, bien sûr, mais aussi parce que cela fait partie des process internes de l’annonceur », remarque Stephan Smets. Cette situation difficilement tenable est unanimement regrettée par les 3 patrons d’agences interrogés. L’ACC s’efforce de veiller au respect de sa Charte sur les questions concernant les pitches. Notamment le fait que les annonceurs doivent prévoir une rémunération du travail fourni dès qu’il s’agit de réflexion stratégique ou de conception. Et sur le fait que seules 3 agences doivent être invitées à travailler sur la compétition. De l’avis de tous, la plupart des annonceurs se plient au jeu. La plupart….
Sandrine Dicop conclut: « Il faut bien réfléchir dans quelle mesure l’agence est capable d’apporter une valeur ajoutée à la marque, au produit, à l’action, avant de se lancer dans une compétition. L’agence doit être capable de surprendre… C’est au niveau de la stratégie que se fait le travail surtout. Et cela représente beaucoup de travail. Cela dit, les agences ont aussi signé la charte de l’ACC. Elles sont libres d’y aller ou pas. Les agences ont leur destin entre leurs mains ».

Best of Activation: moins d’inscrits pour autant de qualité
Les Best of Activation Awards ont été distribués le 10 mai dernier. Une édition marquée par une diminution du nombre de cas inscrits. « C’est peut-être un signe des temps », estime Nadège De Decker. « Les clients mettent en balance l’innovation et la sécurité de techniques éprouvées. Et dans ce contexte-là, les médias classiques rassurent. L’activation est aussi une activité moins spécifique ». Sandrine Dicop y voit d’abord le résultat du fait que les agences réfléchissent à 2 fois avant d’inscrire un case. Dans un souci de diminution des coûts, elles n’engageront dans la course aux prix que les campagnes vraiment susceptibles de remporter quelque chose. « D’ailleurs, on a pu remarquer que la qualité globale des BOA était très élevée. Surtout aux niveaux des résultats atteints par les campagnes primées en termes d’activation, d’engagement des consommateurs par rapports aux produits, le nombre de clicks, de participation, etc. Même le jury créatif a été bluffé par l’impact des campagnes plébiscitées. Cela illustre bien le fait que l’activation de marques gagne en maturité. Notamment parce qu’elle fait entrer en conjonction tout un scope de médias. Le shopper marketing, est sorti du seul point de ventes. Il combine aujourd’hui très efficacement les médias payants, les points de vente, le digital, les réseaux sociaux, etc. »
Stephan Smets est également très confiant sur l’évolution du savoir-faire belge en matière de brandactivation. Dans quelques semaines, il emmènera les meilleures campagnes belges aux IMC European Awards, version européenne de nos BOA. Et il est sûr que la Belgique se distinguera à nouveau aux côtés des marchés les plus innovateurs dans le domaine que sont le Royaume-Uni et les Pays-Bas.