Presse quotidienne : la qualité a un prix

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En cette période de fake news, les journaux marquent des points en matière de fiabilité et de transparence. Pol Deltour et Frank Hellemans enfilent leur casquette d'enquêteurs et passent à la loupe la qualité des journaux quotidiens. - Erik Cajot

Depuis 1998, Pol Deltour est secrétaire national de la Vlaamse Vereniging van Journalisten (VVJ) et de l'Association générale des Journalistes Professionnels de Belgique (AGJPB). Auparavant, il était employé chez De Morgen en tant que spécialiste de la politique et de la justice. Frank Hellemans enseigne depuis plus de 25 ans dans le département de journalisme de la Thomas More hogeschool à Malines. M. Hellemans a écrit pendant 30 ans pour l'hebdomadaire Knack en qualité de critique littéraire.

Frank Hellemans (Foto Bas Vinckx) : « Je constate que les journalistes et les éditeurs ont adopté ces trois dernières années une attitude d'autonettoyage. »

« Par rapport à l'étranger, le profil de nos quotidiens se caractérise par son excellence, » souligne M. Hellemans. « Belles images et infographies élèvent encore plus le niveau. Le danger étant que la profondeur du journalisme en pâtisse. Le journalisme d'investigation reste timide en Belgique. Aux Pays-Bas, le journal De Groene Amsterdammer prouve qu'une approche différente est possible. » M. Deltour ajoute : « Nos journaux francophones continuent de beaucoup investir dans un journalisme de qualité. La qualité des titres tels que Le Soir, La Libre et La Dernière Heure peut aisément être comparée au niveau international. »

Un des points sensibles reste les compétences linguistiques. « Les quotidiens misent beaucoup sur la rédaction finale, » constate M. Deltour. « Cela ne se limite pas à la correction des quelques fautes d'orthographe et de grammaire, mais prend souvent la forme d'une relecture de texte approfondie. » D'après M. Deltour, le contrôle qualité final revient aux lecteurs. « Ils décrochent dès que la qualité diminue. Les derniers chiffres du CIM sont prometteurs dans ce domaine. Ils indiquent une hausse de 12 pour cent en une année du volume de lecture pour les journaux. En cette époque de fake news et de désinformation, les gens se tournent de nouveau vers des titres et des informations fiables. »

Pol Deltour : « En cette époque de fake news et de désinformation, les gens se tournent de nouveau vers des titres et des informations fiables. »

Renforcement de la défense

Le Raad voor de Journalistiek a récemment revu son code d'éthique professionnelle. Le texte a été actualisé sur la base de plaintes présentées au cours des 17 dernières années et tient compte de la numérisation croissante et de l'attention sociale portée aux fake news. « Une des évolutions positives est la directive renforcée sur le droit de réaction, » estime M. Hellemans. « Ce droit doit être appliqué lorsqu'un rapport émet des accusations sérieuses qui touchent à l'honneur et à la réputation. Désormais, le code stipule que le droit de réaction s'applique lorsque les accusations ne sont pas seulement émises par un journaliste, mais aussi par un tiers. »

Investir dans le personnel

La déontologie est-elle synonyme de qualité ? « Le code est ni plus ni moins une base pour le secteur, il définit les règles minimales auxquelles les journalistes doivent se tenir, » estime Deltour. « Mais la qualité des quotidiens s'étend au-delà de la question déontologique. Il en va également du choix des journalistes en matière de contenu, et des engagements qu'ils incarnent. Dans ce contexte, les journaux belges sont effectivement garants de qualité. Notre paysage journalistique est d'ailleurs très diversifié. Même si l'époque des quotidiens politisés est révolue, notre presse reste une presse engagée et forte sur le plan du contenu. Les informations sur la problématique du climat en sont un exemple significatif. » D'après M. Hellemans, la déontologie n'aboutit pas à une amélioration de la qualité. « Celle-ci commence surtout par l'investissement dans le personnel. Pensez au journaliste de la VRT Tim Pauwels et à Karin De Ruyter chez De Standaard. »

Depuis l'actualisation du code, une charte sociale pour le secteur des médias a été approuvée fin juin. Le secteur audiovisuel et la presse écrite ainsi que les médias d'information en ligne sont concernés. La charte reprend des accords sur toute une série de thèmes sociaux importants tels qu'un embauchage correct et transparent contre une rémunération adéquate, et aborde la flexibilité et la pression au travail, la propriété intellectuelle et l'approche à privilégier en cas de comportement inacceptable. M. Hellemans approuve d'un hochement de tête : « Un par un, elle évoque les sujets brûlants. Je constate que les journalistes et les éditeurs ont adopté ces trois dernières années une attitude d'autonettoyage. Ils font de leur mieux pour affiner la déontologie. »

« La qualité des quotidiens s'étend au-delà de la question déontologique » – Pol Deltour

Prêts pour le monde du travail

Chaque année, des hautes écoles et universités de Flandre diplôment quelques milliers d'étudiants, prêts à travailler comme journalistes. « Depuis le début des années 2000, la formation préparatoire en journalisme n'a cessé de se professionnaliser dans notre pays, » déclare M. Hellemans. « À la Thomas More hogeschool, par exemple, des formats spécifiques de journalisme imprimé, en ligne, vidéo et audio sont simulés depuis 10 ans. Beaucoup de temps et de moyens ont été investis dans ce domaine. Armés des compétences pratiques adaptées, les étudiants peuvent immédiatement entrer dans le monde du travail. » M. Deltour ajoute : « Il existe une large offre de formations journalistiques de qualité de niveau bachelier et master. Pour exercer la profession de journaliste, vous n'êtes néanmoins pas tenu d'avoir suivi une formation spécialisée. Mais il est clair que les rédactions récoltent elles aussi les fruits des formations préparatoires. »

« Le journalisme d'investigation reste timide en Belgique » – Frank Hellemans

Un apprentissage tout au long de la vie

Certaines initiatives intéressantes se concentrent sur l'apprentissage tout au long de la vie. La Mediacademie Journalistiek, par exemple, vise à équiper les rédacteurs et professionnels des médias des compétences journalistiques, commerciales et techniques nécessaires pour renforcer la qualité de la presse écrite. Elle propose ainsi un prolongement de toutes sortes de formations internes organisées par les maisons médiatiques pour leurs collaborateurs. « La Mediacademie bénéficie de soutien public à hauteur de la moitié de ses frais, » explique M. Deltour. « Un autre aspect positif est l'échange d'expériences professionnelles du monde journalistique entre la Flandre et les Pays-Bas. »