Publicité pour l'alcool : un enjeu de santé publique en Belgique

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Communication / News

L’alcool reste le seul psychotrope pour lequel la publicité est encore autorisée en Belgique. Une situation que le Conseil supérieur de la santé (CSS) juge préoccupante, notamment en raison de ses conséquences sur la santé publique et les comportements sociaux. Lors d’une récente intervention, Martin de Duve, alcoologue et membre du CSS, a rappelé les multiples enjeux liés à la publicité pour l’alcool et plaidé pour des mesures plus strictes.

Un problème de santé majeur

En Belgique, l’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac. Cette drogue culturelle, largement banalisée, est omniprésente dans la société : on en trouve partout, à toute heure. Pour beaucoup, consommer de l’alcool est une norme sociale, voire une injonction implicite, tandis que l’abstinence est parfois mal perçue.

Cette consommation généralisée a des conséquences considérables. Le mésusage de l’alcool coûte chaque année entre 4 et 6 milliards d’euros à l’État belge. De plus, la consommation en Belgique est supérieure à la moyenne européenne, tandis que la législation sur la publicité pour l’alcool reste, selon le CSS, insuffisamment claire et contraignante.

Le rôle de la publicité

La publicité pour l’alcool influence directement les comportements des consommateurs. Martin de Duve cite des exemples révélateurs : on associera plus volontiers une bière à un match de football, ou un Perrier à un match de tennis, en fonction des messages véhiculés par les campagnes publicitaires.

Ces messages ne se contentent pas de promouvoir un produit. Ils influencent également des comportements problématiques, comme le binge-drinking ou l’abaissement de l’âge de la première consommation d’alcool.

Pendant la pandémie, certaines marques ont multiplié les initiatives pour maintenir une consommation active : promotion d’apéros virtuels ou incitation à acheter des boissons en avance pour soutenir l’HORECA.

Certaines marques vendent, encore aujourd’hui, comme les cigarettes au chocolat de l’époque, des produits imitant des boissons alcoolisées. Si cela peut paraitre anodin au premier coup d’œil, ils inculquent aux enfants dès le plus jeune âge que fête rime avec alcool et bulles.

Martin de Duve déplore également les clichés véhiculés par la publicité pour l’alcool. Souvent, ces campagnes exploitent des figures emblématiques, comme James Bond, dont la consommation d’alcool est problématique. Elles utilisent également des représentations sexistes et réductrices, contribuant à perpétuer des stéréotypes sociaux dépassés.

Un cadre légal jugé insuffisant

La législation belge impose déjà certaines restrictions :

Les publicités ne doivent pas cibler directement les mineurs ni utiliser des éléments qui les attirent. Il est interdit de présenter l’alcool comme un moyen d’améliorer les performances physiques, sociales ou sexuelles. Les messages ne doivent pas banaliser les risques liés à l’alcool ni inciter à une consommation excessive. Les publicités audiovisuelles pour l’alcool sont interdites pendant les programmes destinés aux enfants.

Cependant, le CSS estime que ces mesures restent insuffisantes face aux stratégies des annonceurs.

Bien que le Jury d’éthique publicitaire (JEP) ait récemment revu son code de conduite pour les publicités sur l’alcool, le CSS pointe son manque de réactivité. Les délais pour examiner et traiter les plaintes sont jugés trop longs, ce qui permet à des publicités problématiques d’avoir un impact avant d’être sanctionnées.

Vers une interdiction totale ?

Pour le Conseil supérieur de la santé, l’interdiction totale de la publicité pour l’alcool pourrait constituer une réponse efficace aux dérives actuelles. Inspirée des mesures appliquées au tabac, une telle interdiction viserait à réduire l’influence des campagnes publicitaires sur les comportements de consommation et à limiter l’impact de l’alcool sur la santé publique.

Entre liberté commerciale, normes sociales et impératifs de santé publique, la question de la publicité pour l’alcool pose des enjeux complexes mais cruciaux pour l'avenir des politiques de santé en Belgique.


- Mélot Camille, étudiante à l'IHECS.

 

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