Rendez-vous café du e-commerce

Articles traduits

Alors que la Belgique accusait un léger retard par rapport à ses voisins européens en matière d'e-commerce, elle est en bonne passe de rattraper le train. Les ventes en ligne représentent près de 5% du chiffre d'affaires total du commerce de détail, et Comeos – la Fédération du commerce et des services – table sur son quasi doublement d'ici 2018. Des résultats qui ne sont pas pour déplaire à BeCommerce, l'association belge des entreprises actives dans la vente à distance, qui a décerné ses Awards 2014 aux meilleures e-boutiques du pays en mai dernier.

Sur le site et les applis de Vente-exclusive.com, pas la moindre trace de publicité. Mais si la plateforme est un canal de vente, elle est également un canal de marketing de par les mails quotidiens envoyés à ses clients pour annoncer l'ouverture de nouvelles ventes

Parmi les 125 webshops inscrits à la neuvième édition des BeCommerce Awards, le grand gagnant est sans conteste Vente-exclusive.com. Ce spécialiste de la vente privée est en effet reparti avec le « BeCommerce Overall Award », le prix récompensant le meilleur e-shop toutes catégories confondues. C'est que le site – dont la première vente ne remonte qu'à 2007 – affiche une performance exemplaire. En sept ans, l'entreprise est passée de moins de cinq à plus de cent employés. Et alors qu'en 2009, elle organisait 100 ventes par an, aujourd'hui c'est le même chiffre qui est réalisé par mois, pour le plus grand plaisir de près de trois millions de membres et une moyenne de 130.000 visiteurs uniques par jour. Le moment décisif, c'est 2010 où la masse critique de 400.000 membres est atteinte... et explose! En un an, le chiffre grimpe jusqu'à un million de membres. Merci au bouche-à-oreille et à l'effet boule-de-neige qui en découle: si au départ les marques se laissaient difficilement convaincre parce que les clients manquaient à l'appel – et réciproquement – désormais, elles se pressent au portillon. Analyse de cette success story.

DE L'EXCLUSIF CONTRE-INTUITIF

Vente-exclusive.com naît de l'association de deux hommes, l'un fanatique de mode, l'autre fin connaisseur de l'univers IT. Inspirés par le succès du françaisVente-privée.com, ils décident de lancer pareil concept pour le Benelux, s'attaquant d'emblée aux trois pays pour devenir le one-stop shop des marques pour toute la région. Mais si aux Pays-Bas en 2006, l'e-commerce est déjà bien installé, le paysage belge ressemble, à quelques exceptions près, à un désert. En plus, l'e-shop débarque avec un business model atypique, voire contre-intuitif. Côté fournisseurs, le retail a d'abord du mal à comprendre ce qu'il aurait à gagner à travailler avec cette e-boutique qui promet des réductions considérables, risquant de faire de l'ombre à ses propres distributeurs. « Nous n'entrons pas du tout en conflit avec les magasins des marques, qu'ils soient physiques ou en ligne, » clarifiePeter Burin, communications & customer care manager de Vente-exclusive.com. « Cela entre dans une stratégie multi-canaux. Les mondes du prêt-à-porter et du lifestyle détiennent toujours de l'overstock, parce que surproduire est une manière d'obtenir des coûts de production raisonnables. Nos ventes sont aussi limitées dans le temps – elles ne durent que de trois à cinq jours – sur une plateforme en 'closed access': seuls nos membres peuvent y accéder, si bien qu'une recherche sur le net ne mènera jamais à nous. Nous apparaissons donc comme un moyen de liquider rapidement et discrètement des collections excédentaires. Bien sûr, les marques pourraient compter sur leurs propres webshops, mais drainer du trafic est un métier à part entière! Sans compter qu'il faut des équipes pour répertorier les produits en ligne, prendre les photos, suivre les commandes,... et récolter les données. Enormément de moyens donc nous disposons nous-mêmes. Et la possibilité de faire découvrir de nouvelles marques. »

Rendez-vous café du e-commerce - intro beeld - pub6-2014

De leur côté, les consommateurs ont également de quoi être déconcertés. Obligation de devenir membre, accès limité aux produits mis en vente à la période dite, pas de possibilité de lancer une recherche, mail quotidien pour annoncer les nouvelles ventes, mais aussi délai de quinze minutes pour finaliser un achat une fois celui-ci sélectionné et temps de livraison de 10 à 15 jours. Une différence qui semble malgré tout appréciée puisque le site enregistre des taux de satisfaction et de recommandation élevés. « Nous mettons un soin tout particulier à faire attention à ce que veulent et vivent nos clients. Les transactions online – et leur progression future – ne vont pas sans confiance. Voilà pourquoi nous faisons tout pour offrir une expérience au top à nos clients, » explique Peter Burin. La marge de quinze minutes par exemple, permet de garantir au plus grand nombre l'opportunité d'acquérir un bien et d'éviter les frustrations. La livraison moins rapide que la concurrence est à mettre en lien avec les réductions conséquentes. Il faut savoir que les clients de vente-exclusive.com sont régulièrement mis à contribution, interrogés par des sondages (auxquels en moyenne un tiers des destinataires répondent!), invités à des sessions de discussions ou à des tests d'applications. « Nos membres sont très engagés et témoignent d'un fort attachement à notre marque. Ils sont ravis de pouvoir apporter leur feed-back et aiment être conviés dans nos bureaux. Nous apprenons ainsi de quoi nous améliorer en permanence et eux découvrent les personnes qu'il y a derrière la virtualité de la boutique. »

LE CLIENT AU CENTRE DE TOUT

C'est aussi pour dépasser le virtuel que le contact est essentiel. Pas de numéro de téléphone, mais bien un mail qui promet une réaction dans les 24h et un life chat qui répond dans les vingt secondes. Derrière ces moyens de communication, ni robot, ni template: les équipes du service clientèle prennent eux-mêmes la plume (le clavier) et fournissent une réponse très personnalisée, sur un ton amical et humain. « Chaque question est traitée au cas par cas. Notre équipe est libre de juger comment y répondre et quelle solution apporter, » avance Peter Burin. Depuis trois ans, l'e-shop a étendu son « webcare » aux réseaux sociaux sur lesquels les clients peuvent faire part de leurs questionnements... ou exprimer leur mécontentement. « Nous n'effaçons aucun message. Nous y répondons dans la plus grande transparence. » Peu importe le canal du message ou son émetteur, tous les messages de vente-exclusive.com sont signés du même nom: Sophie Courbois. Personnalité fictive, elle est fait partie de la marque. « Elle est devenue l'interlocutrice de référence. Cela apporte une constante aux clients et les rassure. Puis, rappelons qu'on ne sait jamais qui est de l'autre côté sur le net. Une façon donc de 'protéger' nos collègues. »

LE CUSTOMER CARE EST LE COEUR DE NOTRE BUSINESS MODEL. Peter Burin

Une attention donnée au client qui n'est pas un détail... mais bien au cœur de la stratégie de la plateforme d'e-commerce! « Des photographes aux gens qui travaillent dans les retours, en passant par le directeur financier,... Chaque décision que l'on prend, chaque action que l'on engage est évaluée selon l'impact qu'elle va avoir pour nos clients. Nous ne parlons d'ailleurs pas de service mais de 'customer care', une philosophie qui imprègne tous les départements, y compris le marketing et la communication. » Il suffit de se pencher sur la fonction de notre interlocuteur, à la fois manager des communications et du customer care, pour comprendre l'implication de cette dénomination.

ATYPIQUE JUSQUE DANS LA COMM'

Vente-exclusive.com ne se contente pas d'un portail web; depuis 2011, l'e-boutique a lancé son application. Peter Burin commente: « c'est un canal qui sert particulièrement notre business model qui joue sur la rapidité, la rareté. Un smartphone, c'est aussi souvent un réveil. Comme toutes nos ventes sont lancées à 6h du matin, l'app' vente-exclusive fait partie de plus en plus du rituel du matin. Nos panels nous racontent qu'ils commencent littéralement à faire leur shopping dans leur lit, aux toilettes, au petit-déjeuner, dans le train, etc. » Si bien que « plus de 40% de notre trafic provient de 'mobile devices', pas forcément via l'application-même, mais en tout cas via un support mobile. Vu la courbe de progression, nous estimons que d'ici la fin de 2014, près de 40% de nos ventes seront effectuées via le mobile! » Site et applications, du front end au back end, tout est réalisé en interne, par une vingtaine de développeurs in-house. « Pour être hyper flexibles, pour améliorer le site en continu: modifier la structure, développer de nouvelles catégories ou fonctionnalités, se servir des datas, adapter le contenu... »

Pas d'agence non plus du côté communicationnel, tout simplement parce l'e-boutique ne donne pas dans le marketing classique. « Nous avons déjà tenté le coup par le passé, mais ça ne colle pas avec notre modèle très particulier: comment faire de la pub pour un produit qui est disponible seulement quelques jours et en quantité limitée? Ensuite, nous ne voulons pas car on 'harcèle' déjà suffisamment nos membres avec nos mails quotidiens. » Pas de traces de banners sur le site, ni la possibilité de profiter de ses mailing-lists. « Toujours pour garantir l'expérience la plus agréable possible à nos consommateurs. Nos revenus proviennent exclusivement des pourcentages que l'on prend sur les ventes. Par contre, si nous sommes un canal de vente, nous sommes aussi un canal de marketing puisque nous communiquons sur nos marques partenaires chaque jour, à chaque fois que nous ouvrons une nouvelle vente. »

L'E-COMMERCE DE SECONDE MAIN

Equipes de développement en interne pour une réactivité maximum, relationnel entretenu pour aller au-delà du virtuel... Les mêmes caractéristiques s'observent chez 2ememain.beet son équivalent flamands2dehands.be, d'autres pure players de l'e-commerce. « Nous faisons tout pour être le plus proche possible de nos visiteurs, parce que si nous ne les comprenons plus, nous n'existons plus, » témoigneSara Jacobi, Marketing & Community Manager pour ces sites experts d'annonces gratuites pour des objets d'occasion. D'où des blogs au ton très convivial en marge des plateformes web et des invitations à participer à des panels. Mais aussi du « Practise what you preach » avec de nouveaux bureaux entièrement réaménagés grâce à du matériel acheté sur les sites. Et plusieurs collaborations avec des initiatives qui se trouvent dans la même optique: des bourses d'échanges, des salons du vintage, des expositions d'oldtimers, etc. Toujours plus d'occasions d'exister dans la vie réelle.

LE RELATIONNEL EST ESSENTIEL POUR DES SITE D'E-COMMERCE. Sara Jacobi

Et ça marche! Fondée en 2003, la société fait un bond en avant en 2010, avec une augmentation de +30% du nombre de visites. En cause principalement, le contexte économique. « Par nécessité, les gens ont dépassé les préjugés qu'ils pouvaient avoir à propos du marché du seconde main. Ils ont trouvé là un moyen d'acheter moins cher mais aussi de récupérer de l'argent à partir de biens dont ils ne se servent plus. » Toutefois, alors que les effets de la crise commencent à s'amoindrir, les chiffres ne font qu'augmenter: de 2012 à 2013, 2dehands.be a enregistré +40% de visites quand 2ememain.be a fait +60%, soit près de 6,4 millions de visiteurs uniques par mois (source CIM). Les annonces placées sont également en hausse (+40% début 2014 par rapport à 2013). C'est que petit à petit, le seconde main est entré dans les mentalités. Bien entendu, les petits prix restent le principal argument, mais les utilisateurs essayent aussi de consommer moins ou de façon plus écologique. Certains cherchent à se démarquer, à trouver quelque chose d’original, qui cache une histoire. Alors d'aucuns dédaignaient jadis les articles d'occasion, aujourd’hui, acheter du seconde main, c’est branché! « L'on se rend également compte que les utilisateurs ne se débarrassent pas d'objets pour s'enrichir, mais pour faire plaisir, parce que 'ça peut servir à d'autres'. » C'est d'ailleurs sur cet aspect que joue 2ememain.be, avec sa campagne « 100 moments » imaginée par Happiness. Sara Jacobi détaille: « Ces histoires sont d'autant plus importantes pour nous qu'un site a toujours un côté impersonnel. En mettant les rencontres entre acheteurs et vendeurs au cœur des vidéos, on montre la 'vie telle quelle est' dans laquelle tout le monde peut se reconnaître. Cela renforce notre authenticité. Le relationnel est essentiel pour que des sites tels que les nôtres fonctionnent: on se fait confiance. Si bien qu'une sorte de communauté se crée, parce que tous les gens qui utilisent nos sites partagent une même mentalité. »

A votre SERVICE!

L'idée de base du fondateur du site, c'était de rendre un service à tous ceux qui, comme lui, cherchaient du matériel informatique « en pièces détachées ». Très rapidement, les usagers ont demandé l'ouverture d'autres catégories. « Mais le service est resté au centre des priorités de nos plateformes: poster une annonce est gratuit (sauf si vous désirez en accroître la visibilité), les contacts se font entre vendeurs et acheteurs, sans intervention – ni commission – de notre part, » repend Sara Jacobi. « Ce sont les publicités des marques qui financent le tout. Et qui peuvent s'avérer très utiles pour l'internaute: imaginez qu'il cherche une table parmi les offres mais ne trouve pas son bonheur. Une pub pour un magasin de mobilier apparaitrait là à point nommé! »

Sur le plan du design du site cependant, ce n'est pas trop ça. « Puisque notre ambition première était d'être un service, nous avons concentré toute notre énergie sur le développement des rubriques, de la recherche et des applications mobiles. Le look & feel doit paraitre très accessible. Au début, il copiait un peu l'apparence des petites annonces dans les journaux, ce qui est apparu obsolète au fil du temps. Mais pour le moment, les visiteurs indiquent que le plus important c'est qu'ils tombent sur ce qu'ils veulent. » Un argument qui a apparemment aussi convaincu eBay puisque le géant de l'e-commerce a racheté 2ememain.be et 2dehands.be il y a de cela presque un an. Les sites font donc partie du eBay Classifieds Group, même s'ils opèrent toujours de manière locale et indépendante,

Quand les agences (E- et M-)commercent

Pour développer son webshop, Beobank a fait appel à These DaysYR. Déjà partenaire de feu Citibank depuis dix ans, l'agence a pris en charge tout le rebranding violet digital de la marque, optimalisant également la boutique online du site. « Il s'agit d'un véritable site d'e-commerce puisque nous vendons 25% du volume d'affaires par ce canal, soit des cartes de crédit, des comptes courants et des prêts à tempérament, » souligne Olivier Van Cauwelaert, Chief Commercial Officer pour These Days. « C'est la vitrine de commerce de la banque. Nous l'avons transformée en un site en total responsive, c'est-à-dire qu'il a la faculté de s'adapter complètement au terminal de lecture à partir duquel il est consulté. Suite à des tests consommateurs, nous avons également supprimé énormément d'informations – principalement celles qui parlent produits, peu consultées – afin de devenir bien plus lisibles. » L'agence gère la totalité du budget média online: le search SEA et SEO, les affiliations, le display classique sur le site et le retargeting. L'avantage de confier tout cela à une entreprise externe? « Pour lancer un site d'e-commerce, il est nécessaire d'être à la hauteur quant aux nouvelles technologies, le responsive notamment. Notre agence a de l'expérience dans le domaine, ce qui permet une intégration bien plus rapide. Ensuite, cela mobilise énormément de moyens, en personnel et en argent. Nous disposons de toutes les ressources nécessaires. » Mais surtout, l'agence est rémunérée en fonction des résultats, à savoir depuis le renouvellement: 1,03% de conversions, +30% de visites, -55% du taux de rebond. Côté mobile, les visites ont augmenté de +216%, avec un taux de conversion de 1,13%. « Notre métier, c'est être un 'brand builder'. Mais pour bien s'occuper d'une marque, il ne suffit pas d'être un partenaire créatif; il faut aussi devenir un partenaire business, qui agit dans cette optique. »

C'est la liégeoise DJM Digital qui a pris en main l'e-boutique de Carré Noir, un autre pure player qui s'est vu remettre le « Start-Up Starter Award » par le jury de BeCommerce. Le projet de construction d'e-commerce était déjà en cours au moment où l'agence a été appelée à la rescousse parce que ces concepteurs avaient quelque peu sous-estimé les moyens à mettre en oeuvre. « Ils ont eu besoin d'un support plus important, de conseils plus professionnels, plus structurés, » confie Domi Maes, Managing Director de DJM Digital. « Une plateforme d'e-commerce ne s'improvise pas. On ne peut pas s'en sortir avec quelques designers ou développeurs qui 'bricolent' dans le web, cela demande une réelle stratégie, une vision complète et des moyens en conséquence. Parce qu'internet se banalise, on pense qu'il se simplifie. C'est faux! La multiplication des canaux et des écrans rend la tâche beaucoup plus complexe. Réaliser un e-shop, ça ne se limite pas à un site. Il faut aussi penser à la promotion, à l'animation, au service après-vente, à l'organisation des livraisons, au merchandising des produits, etc. C'est également beaucoup de relationnel à entretenir, comme pour une boutique physique. Et tout cela doit être suivi de près, réactualisé en permanence. On croit aussi que cela va très vite, mais il faut d'abord se laisser le temps de se faire connaître. Puis pouvoir assurer derrière car les clients, de plus en plus habitués à ce canal de vente, sont de plus en plus exigeants. Surtout quand les gros sites leur offrent la livraison, les échanges, la rapidité... » Autre conseil aux e-commerçants: « Pour réussir, soit on joue sur les prix en réalisant bien qu'alors, un certain volume est impératif, un volume que seuls les plus gros peuvent se permettre... Soit, on émerge parce en présentant quelque chose d'original, de niche, de différent de ce que proposent les grandes surfaces. » Comme Carré Noir en somme, qui offre un assortiment de chocolats très particulier.