RTL au menu des ceo de Rossel et DPG

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RTL Belgium a changé de propriétaire et doit faire face à une transformation numérique. La bonne occasion pour inviter chez Pub Kris Vervaet, ceo de DPG Media Belgie et Bernard Marchant, ceo du Groupe Rossel, pour un double entretien. - Philippe Warzée et Wim De Mont

Le Groupe Rossel est actif en Belgique et en France, DPG Media l’est  en Belgique, aux Pays-Bas et au Danemark. Bernard Marchant est ceo du Groupe Rossel, Kris Vervaet est ceo de DPG Media Belgium et a une deuxième casquette : il est également responsable de la transformation numérique pour l'ensemble du groupe. Ces deux casquettes sont bien utiles maintenant que les actions de RTL Belgium sont réparties à parts égales entre les deux groupes. Mais commençons par le début : l'acquisition conjointe de RTL Belgium s'est-elle faite à partir d'une position défensive, ou DPG Media et Rossel ont-ils d'abord vu des opportunités pour leur propre croissance ?

Bernard Marchant:  « Non l’acquisition ne se s’est pas opérée dans un esprit défensif. Rossel était présent chez RTL depuis des années...  Nous avions l’œil sur Bertelsmann et ses ambitions de vendre. Nous avions fait une offre à l’époque où ils ont racheté nos parts d’actionnaire minoritaire. Mais, elle n’avait répondu à leurs attentes du moment niveau européen. Notre ambition est de transformer cette entreprise sur le plan digital. Et j’ajouterai qu’au regard du marché belge de la pub, celui-ci se structure aussi grâce à l’offre, pas seulement la demande. Avoir une offre cohérente entre le nord et le sud du pays permettra de renforcer les structures du marché publicitaire belge. C’est la logique de ce partenariat.»  

Kris Vervaet:  « Chez nous, l'attitude était également offensive. Nous sommes en concurrence avec Google et Facebook depuis quelques années maintenant, et nous pensons que nous avons besoin de changer d'échelle pour être pleinement compétitifs dans le domaine de la publicité numérique. En outre, nous avons notre savoir-faire en matière de radio et de télévision, que nous sommes heureux de le partager avec RTL. »

Il y a bien sûr les différences culturelles entre le Nord et le Sud...

BM : « Certainement lorsqu'il s'agit de produits. Mais cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de coopération possible. Il existe également des différences entre la France, où nous sommes actifs, et la Belgique francophone. Mais un échange d'expériences et de connaissances est possible. Nous avons maintenant l'opportunité d'une coopération plus structurelle entre le Nord et le Sud, ce qui ne s'est jamais produit auparavant. Pour The Voice, la production représente 70% des coûts et c'est le même travail pour le Nord et le Sud. C'est un exemple facile, mais d'autres choses sont possibles. »

Quelles sont les synergies qui vont être mise en place ... ?

KV : « Il y a beaucoup de synergies au niveau de la transformation digitale. Notre groupe a développé un écosystème I.T. appelé ‘Trust and/@ Web’ qui se positionne face à un Google qui domine les marchés. Nous avons développé ceci pour les Pays-Bas et la Flandre, maintenant nous allons pouvoir avoir une approche nationale.»  

BM : « Nous étudions cette question bien avant le dossier RTL, nous demandant si nos plateformes devaient être plutôt en cohérence avec la Flandre ou la France. On connaît la réponse aujourd’hui. Niveau synergies, celles-ci concerneront aussi les contenus. Nous en parlerons un peu à la rentrée de septembre, mais le chantier se déclinera entre 2023 et 2025. Cela va apporter un changement important par rapport à l’actionnariat précédent. Nous allons mettre en place des synergies qui n’existaient pas auparavant, comme par exemple au niveau des outils de diffusion.  RTL aura plus de moyens pour accélérer sa transformation digitale. »

KV: « RTL restera une entreprise autonome avec son propre conseil d’administration. Le nouveau ceo pourra utiliser les ressources des deux actionnaires. »

La régie est désormais répartie entre le national vers DPG Media et le régionale vers Rossel. Selon quel scénario ?  

BM: « C'est lié aux connaissances et au profil des deux régies. Le grand danger réside dans un audiovisuel qui prendrait le lead au détriment des petits médias et du print. Nous voulons éviter une vampirisation générée par une grande régie unique. Rossel n’étant pas acteur dans l’audiovisuel, nous préférons capitaliser sur les forces de DPG dans ce domaine-là. Il faut que 1 + 1 face plus que 2. »

Ce faisant, ne risquez-vous pas de créer une distance entre les contenus et la régie ?

KV : « Bonne question, mais je pense que nous avons déjà une expérience en la matière. Nous créons des équipes qui entretiennent des liens étroits avec les éditeurs de contenus. »

BM : « Avec une seule régie, le danger d'une telle distance est encore plus grand ! »

Les noms IP et RTL Belgium seront-ils conservés ?

KV : « Nous étudions actuellement la manière dont nous allons aborder le marché... »

BM : « Mais le nom RTL Belgium reste ! C'était un aspect important lors des négociations. C'est un nom fort et il est intéressant pour l'ensemble du groupe RTL de le conserver. »

Y a-t-il un modèle VTM à appliquer à RTL ?

KV :  « RTL News et VTM news travaillent ensemble depuis des années. Ils se partagent des reportages. C’est une collaboration naturelle.   Il n'est pas prévu concrètement de conclure des partenariats substantiels, notamment éditoriaux. Nous allons nous entraider dans la transformation numérique, un domaine dans lequel nous avons déjà beaucoup investi chez DPG Media. Nous avons plus de 500 informaticiens et avons beaucoup investi dans la technologie : pour VTM GO, pour le streaming et pour la publicité. Nous pouvons partager ces connaissances. Ce sera la plus grande synergie à court terme. »

BM:  « C’est le principe d’une opération de ce genre. Les médias vont s’enrichir par les contacts mutuels. Niveau contenus, cela va aussi jouer au niveau de l’achat de droits. Les marchés sont différents, on ne consomme pas la télé de la même manière au Nord et au Sud du pays. Le challenge côté francophone est de restreindre l’overflow français. Nous ne trouverons pas une solution demain, mais dans le moyen et le long terme. Nous allons nous inspirer de l’approche des chaînes flamandes du groupe. »

KV: « Le plus grand défis pour la télé est le streaming. Niveau radio c’est moins urgent mais ça va le devenir : podcast on demand, etc... Le modèle de consommation va changer. Nous devons nous adapter à cela. Sur le plan technologique mais aussi niveau création de contenus. Par exemple ‘Masked Singer’, un programme très populaire, bénéficie d’une format différent de 20 minutes pour VTM Go.  ‘Behind  the Mask’ est devenu un gros succès dans ce format de 20 minutes. Cela amène la jeune génération à revenir à la télévision linéaire. Si nous sommes créatifs et commercialement solides, le linéaire et le numérique peuvent se renforcer mutuellement et nous aurons un avantage sur les concurrents qui ne font que du streaming. Pour la radio et l'audio, les défis sont les mêmes. »

Quelles consignes a reçues le nouveau ceo Guillaume Collard?

BM : « Sa mission est relativement claire. Elle est en ligne avec les objectif du groupe : la transformation digitale. Pour se faire il va travailler sur  le talent management. C’est quelqu’un qui appartient à la jeune génération. C’est important pour préparer l’avenir. Philippe Delusinne a dirigé RTL pendant 20 ans. Il faut opérer un changement avec une vision sur le long terme. Sa mission consistera à consolider les acquis et rajeunir les audiences. Il a déjà commencé à travailler et il peut toujours compter sur Philippe Delusinne. »  

DPG Media se concentre fortement sur les axes linéaire, AVOD (vidéo à la demande basée sur la publicité) et SVOD (vidéo à la demande basée sur l'abonnement). Cela restera ainsi ?

KV : « Nous sommes heureux d'être actifs sur ces trois axes. Dans le domaine de l'AVOD - VTM GO - nous constatons une forte augmentation, avec plus de 800 000 utilisateurs par mois. La SVOD est un défi, surtout maintenant que vous voyez que Netflix et Disney sont sous pression en tant que leaders du marché mondial. Les deux voudraient passer à l'AVOD maintenant, cela deviendra probablement hybride, avec des gradations. Et tout le monde se jette désormais sur le marché de la SVOD, ça ne peut pas rester comme ça. Notre force, comme celle de Rossel, est que nous sommes localement forts. »

Le défi de la télévision est-il le même que celui de la presse avec ses lecteurs papier ?

BM :  « C’est une évidence. La presse n’a jamais eu autant d’audience qu’aujourd’hui. Nous avons consolidé nos audiences. Le canal de diffusion évolue. Le Soir est en ligne depuis 1996.  Le papier continuera à exister mais sera un produit de luxe. La télévision s’inscrit dans un modèle freemium de consommation.  Or, il n’est pas possible de financer 100% des contenus par la publicité. La consommation de la télé via une box ou de l’IP va créer des ruptures sur ce modèle freemium.  On perçoit la télé comme étant  gratuite, ce qui n’est pas le cas. Les modèles freemium et paywall vont énormément évoluer. En télévision, tout ne sera pas gratuit. Le mode de distribution des contenus est évolutif. Il reste encore des chapitres à écrire. Aujourd’hui tout le monde n'a pas encore quitté sa box pour de l’IP. Les médias de masse, que nous sommes, bougent en fonction des générations.

Nous devons créer la différenciation par la proximité. Exemple : Sud Info a géré Miss Belgique en réalisant des scores d’audience jamais vu lorsque le programme était diffusé par une télévision linéaire. »

KV: « Lorsque vous passez de l'ancien au nouveau, c'est un avantage d'avoir cet ancien, à condition de vous transformer assez rapidement. Netflix est rapidement passé de l'envoi de DVD ou même de vidéos au streaming. Et ce ne sont pas deux choses distinctes : VTM et VTM GO ne sont pas ennemis l'un de l'autre, mais se renforcent mutuellement. »

Komt er een fusie van nieuwsredacties? News City bij DPG Media, de samenwerking tussen Gazet van Antwerpen en ATV bij Mediahuis…

BM: « L'Echo, Le Soir, RTL Info et SufInfo : ce sont quatre rédactions, mais l'ADN de l'audiovisuel n'est pas le même que celui de la presse écrite. Peut-être pourront-ils un jour travailler sur la même plateforme, sans intégrer les rédactions elles-mêmes. Il y a beaucoup de complémentarité et cela profitera à la qualité de l'information pour RTL Info, qui a beaucoup de concurrence. D’un côté la RTBF, de l’autre les chaînes françaises. L’apport de Rossel va certainement l’aider. Il faut naturellement que RTL conserve son ADN. Nous travaillons à le définir ! Une fois cela accompli RTL Info pourra s’appuyer sur nos moyens. Le modèle s’inspirera de News City ; nous voulons rester des médias locaux. Quand on parle de La Meuse à Liège, les gens savent qu’on parle du média et pas du fleuve. Nous opèrerons un travail sur la convergence des audiences et des datas en parallèle. » 

KV: « Nous avons 35 marques, mais en cas de coopération ou de synergie, vous devez vous assurer que votre public ne trouve pas cela dérangeant. VTM et HLN sont très populaires, donc ça s'est bien passé. Il y a quelques échanges avec De Morgen et Humo, mais les rédactions sont plus éloignées, physiquement aussi. Vous ne devez jamais contrarier le consommateur.”

Rossel et DPG Media possèdent en partie ou en totalité des agences de communication : Done By Friday et At-thetable. Coïncidence ou stratégie ?

KV : « Une combinaison de coïncidences. Flexus était la société de Dirk Lodewyckx (actuel CCO de DPG Media Belgium, ndlr) et c'était l'occasion de la reprendre. Chacun pénètre sur le territoire de l'autre - regardez le rôle des cabinets de conseil - mais nous avons toujours eu une sorte de cellule créative. At-thetable nous donne la chance de comprendre le monde des agences de communication, mais encore une fois : c'est une petite entreprise. Cela ne perturbe pas l'écosystème. »

BM : « Si on avait eu la volonté d’investir dans ce domaine, on aurait acheté un gros poisson. C’est en effet le résultats de rencontres qui fait que nous possédons Done by Friday. Ce sont des talents qui peuvent être complémentaires aux nôtres. »

Qu'attendez-vous des autorités locales ou européennes pour maintenir la qualité et la viabilité financière des télévisions nationales ?

KV : « Nous voulons que les règles du jeu soient équitables et qu'elles s'appliquent également aux acteurs dominants. Encore une fois avec la publicité pour les jeux d'argent : Google Search s'échapperait ! Les personnes qui fournissent un journalisme fiable doivent être correctement rémunérées et toutes les règles qui s'appliquent aux acteurs locaux doivent également s'appliquer aux acteurs internationaux. »

BM : « Au niveau publicitaire, je trouve étonnant qu’on prenne des mesures régulatoires pour certains secteurs au niveau belge. Nos politiciens devraient se battre au niveau européen. On capte 200 chaînes télé en Belgique   C’est un non-sens absolu de créer des règles plus strictes que chez nos voisins . Il faut de la régulation européenne sur des éléments majeurs Pourquoi ce sont seulement les médias qui s’activent vis à vis des Google par exemple et pas les annonceurs !? » 

Pour conclure quels sont les points forts de RTL Belgique ?

KV : « J’ai rencontré beaucoup de passionnés à RTL et ça c’est le début de tout. Ils sont ouverts c’est très importants. »

BM :  « C’est une marque profondément ancrée dans la Belgique francophone populaire. Ce ne sont pas des médias de buzz , leurs contenus sont de qualité. On le voit notamment avec le Télévie ! Les équipes portent le projet au sein de l’entreprise et ça reflète une passion. »