Seed Factory rend hommage à Philippe Geluck & Friends
Est-il innocent que le premier dessin de Philippe Geluck qui a marqué les esprits — son faire-part de mariage — représente un couple (de chats) qui fornique ? De un on passe à deux, et bientôt trois (ou plus, selon la portée).
Trois, c’est le nombre de cases du premier strip paru dans Le Soir le 22 mars 1983, dispositif qui devient la norme de la série, et, pour beaucoup, la marque de fabrique : un corps de chat flanqué de deux phylactères. Un, deux, trois, et même vingt, puisque le titre choisi pour la rubrique est L’humour en 20 leçons. Les 15.560 publications hebdomadaires qui suivent pendant trente-cinq ans ne peuvent
le contredire. Ainsi, dès le début et jusqu’à aujourd’hui, c’est un principe d’expansion qui bâtit l’oeuvre.
Suite au premier recueil en 1986, il était logique qu’avec la dernière page du Soir, chaque samedi, l’auteur accumule les moyens, variés, découpages, emprunts, assemblages typographiques, collages, détournements, interventions, références à l’art ancien ou contemporain, etc. Tout y passe. Pendant des années, ces pages servirent de laboratoire, de terrain de jeu d’où aucune trouvaille n’est exclue, exploitée dans tous les sens, quitte à revisiter et réinterpréter l’un ou l’autre gag jadis imaginé par un confrère.
S’étendre, toujours davantage. L’oeuvre se gourmandise des dispositifs mis en oeuvre dont, par exemple, le film présenté à la grande exposition de Paris en 2003, qui montre 300 manières de figurer le Chat, graphiques, à deux ou trois dimensions, mais aussi par des événements et installations dans les domaines les plus surprenants, surtout là où on ne s’y attend pas ! Le processus s’amplifie avec les capsules télévisées qui mélangent et superposent les animations 2D, 3D, les stop-motions, jusqu’à l’utilisation des technologies les plus récentes à destination des smartphones, la réalité augmentée par exemple.
Si le dessin du Chat était maigrichon et fripé dans les premiers gags au début des années 1980, il s’est bien vite tendu comme un ballon que l’on gonfle. Comme son corps d’ailleurs, qui s’amplifie au fur et à mesure du temps. Expansion, encore. Depuis longtemps, Philippe Geluck modèle sa créature dans la terre glaise, en petit, pour s’amuser, ou peut-être, tout simplement, pour se reposer du dessin. Les bulles, plates, deviennent volumes, et les maquettes se concrétisent en corps de plus en plus amples. Passant de la terre au bronze, elles gagnent en taille, en densité et en poids. Jusqu’à ces énormes pièces sur leur socle, hautes de plusieurs mètres, sous lesquelles on éprouve la même sensation que la première fois où l’on s’est trouvé aux pieds de l’Atomium, à Bruxelles : une impression d’amplitude, image en plus. Le Chat, comme ensemble de montgolfières ou de zeppelins. Dès lors, l’appel à la constitution d’une réserve d’originaux réalisés par d’autres créateurs sur la base “Je verrais bien ceci dans mon musée” poursuit cette logique d’expansion qui intègre de nouveaux horizons, car elle est le moteur de l’oeuvre depuis le début.
L’exposition "GELUK & FRIENDS", qui aura lieu à la Maison de l’Image, chez Seed Factory, est ouverte au public jusqu’au 27 décembre 2019 du lundi au vendredi de 9h à 17h.