« S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème »

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Le Néerlandais Richard Mulder a fait de Nike une grande marque du football. Il est aussi Founding Partner et Global Executive Creative Director chez Anomaly (Ad Age Agency of the Year 2017), qui compte sept bureaux dans le monde. Que lui a apporté la créativité ? - Nils Adriaans

Richard Muller

Richard Mulder


« J’ai connu ma révolution créative le soir du 13 décembre 1995, lorsque l’équipe néerlandaise a gagné contre l’Irlande à Anfield Road, grâce à deux buts de Patrick Kluivert, qualifiant les Pays-Bas pour le championnat d’Europe de 1996 en Angleterre. Ce jour-là, au matin, il y avait une publicité de Nike dans le journal De Telegraaf : « Patrick’s Day – Just Do it ». Avec une photo de Patrick Kluivert à 19 ans. C’était l’une des premières vraies publicités que j’avais imaginées quelques jours plus tôt alors que j’étais stagiaire chez Van Walbeek Etcetera. En janvier 1996, je commençais chez Nike Nederland. Tout ça grâce à Patrick Kluivert. Parfois il faut tenter un coup de poker et y aller all-in (rires).
Bien sûr, ce genre de pari n’est pas toujours gagnant, c’est même parfois un fiasco total. Mais c’est justement ça qui est chouette. On apprend quelque chose à chaque fois. J’ai certainement quelques échecs cuisants à mon actif, des spots publicitaires très couteux que personne n’a vus, ou encore des affiches qui ont dû être retirées pour éviter des débâcles de relations publiques. Il arrive que l’on aille droit dans le mur. Pour moi, l’important c’est de ne pas prendre peur des échecs. Si on n’ose plus prendre de risque, il y a peu de chance pour que l’on fasse quelque chose de révolutionnaire. Pour reprendre les mots du pilote de Formule 1 Mario Andretti : ‘Si tout semble sous contrôle, c’est que vous n’allez pas assez vite.’
J’ai appris une autre leçon « créative » en 2000 lorsque j’ai déménagé d’Amsterdam à Portland, dans l’Oregon avec ma femme, alors très enceinte, et notre fille d’un an. Ce n’était pas vraiment notre idée, mais Nike nous avait fait une proposition et nous nous sommes dit que ce serait sympa et excitant de se lancer dans quelque chose de complètement nouveau. Pour moi, c’est l’essence même de la créativité. Il faut être enthousiaste à l’idée de sortir de sa zone de confort, dans sa réflexion comme dans sa vie. La curiosité est à la base de la créativité. En fait, je ne peux pas m’empêcher d’être curieux. J’ai une envie irrépressible, parfois très pénible, de voir et faire les choses autrement que la norme en vigueur à un moment donné. Les règles, les lois, les normes, les systèmes, les formules et les dogmes me mettent toujours mal à l’aise.
A quoi ressemblerait la vie sans créativité ? Je ne peux me l’imaginer. Un monde sans musique, cuisine, art, sport, films, humour, idées, individualité ? Sans créativité, on n’apprend rien de nouveau et on ne grandit pas. Creativity is life. Personne ne survivrait sans créativité. A part peut-être la planète elle-même, après s’être débarrassée de l’espèce humaine. Le plus grand créatif selon moi c’était Johan Cruijff. Je ne connais pas beaucoup de monde qui soit plus indépendant, original et créatif que lui, ou qui ait aussi peu de doute et de peur. La créativité de Cruiff se trouvait dans sa façon complètement unique de penser et dans sa capacité à approcher les problèmes de façon brillante et à les décomposer avec une logique qui pourrait faire l’objet d’un brevet. Il disait par exemple : ‘Avant de commettre une erreur, je ne commets pas cette erreur.’ C’est lui qui m’a inspiré mon propre adage créatif : ‘S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème.’
 

Qui est Richard Mulder?
Richard Mulder a fait carrière chez Nike (1996-2006) en Europe, aux USA et en Asie. Il a été responsable de centaines de campagnes et c’est lui qui a imaginé, entre autres, le bracelet jaune ‘LiveStrong’. Chez Nike, il a beaucoup travaillé avec Mike Byrne, Creative Chief de Wieden + Kennedy, avec qui il a ensuite fondé Anomaly (avec les autres  founding partners Carl Johnson, Jason Deland, Johnny Vulkan et Justin Barocas). L’agence a désormais des bureaux aux quatre coins du monde : New York, Los Angeles, Toronto, Londres, Amsterdam, Berlin et Shanghai. Anomaly (du grec ἀνώμᾰλος, qui signifie ‘déviant de la norme’) est né d’un intérêt essentiel de comprendre les problèmes des marques. De là, il est nécessaire d’attirer d’autres talents, comme l’explique Mulder : des créatifs ‘non-publicitaires’, des stratèges, des designers et des entrepreneurs curieux.