Traiter les enfants comme si c’étaient les siens

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Faire le forcing des marques auprès des adolescents est absolument exclu. C’est un contenu pertinent qui est à la base d’une communauté. Les jeunes glanent les informations qui les intéressent à une vitesse incroyable. En tant que marketeur, il vaut mieux tenir compte de tout cela lorsque l’on choisit son arsenal de médias. Si vous vous adressez à des enfants, il y a tout un groupe cible secondaire qui veille au grain – parents, famille, enseignants… Une approche transparente est de mise. 

Le magazine pour jeunes Joepie n’existe désormais plus en format papier. « Les jeunes d’aujourd’hui sont constamment en ligne, ils sont connectés, » explique Lynn Van der Velde, project manager marketing pour Joepie, Vitaya et Goed Gevoel. « Communiquer envers des jeunes est un défi, il faut un contenu qui s’intègre bien dans leur monde. Pour ce groupe cible, le format du magazine hebdomadaire est dépassé. Si vous avez des « news » sur des célébrités, des stars ou de la musique, il y a de grandes chances qu’ils soient déjà mis au courant par les réseaux sociaux et même qu’ils en aient déjà parlé sur Facebook et compagnie. Par le passé, nous avons publié un magazine mensuel avec des petits conseils sur l’amour, la beauté, la vie et la mode. Nous voulions répondre à des demandes spécifiques. Cette année, Joepie devient exclusivement numérique et nous proposons de nombreuses possibilités d’interactions sur de multiples canaux. Des vloggers racontent leur expérience personnelle devant la caméra. Vous recevez de vrais conseils, comme s’ils étaient vos meilleurs amis. Tout part du contenu, intégré dans le monde des jeunes et nous ne mettons aucune marque en avant. Nous voulons que les jeunes aient l’impression que le contenu leur est exclusivement destiné. Nous organisons des concours, des sondages, des enquêtes, etc. Les jeunes apprécient ce genre d’interactions. De cette façon, nous pouvons avoir une communication qui va dans les deux sens, et c’est très important dans le marketing jeunesse. » En cas de doute sur les actions marketing ou d’abonnements que nous prévoyons, nous nous tournons vers notre juriste interne. Cela nous permet d’éviter la vente directe à de jeunes adolescents et de toujours demander l’accord des parents. C’est également pour ces raisons que nous n’avons pas d’e-shop pour les jeunes. Et pour toute communication, un opt-in complet est d’application.

 

Le contenu d’abord, le produit ensuite

 

Entre temps, la communauté Joepie compte 5.000 membres en Flandre. Les membres reçoivent chaque année quatre éditions spéciales en format papier par la poste. Les éditions spéciales font partie d’une stratégie cross média. Vous y découvrirez, par exemple, des conseils pour décorer votre maison pour une fête. Sur Facebook vous trouverez des recettes de cocktails sans alcool et sur le site, vous apprendrez quels sont les ingrédients d’une fête réussie. L’application Joepie est mise à jour deux fois par jour, à des moments de pic, lorsque les jeunes ont généralement du temps libre, c’est à dire à 8h et à 16h. On y trouve, entre autres, des concours, des sondages, des petits tests et des hot news. « Tout se base sur le monde des jeunes, » explique Lynn Van der Velde. « Cela ne marche pas s’ils ont l’impression qu’on leur impose quelque chose. Tout le look & feel tourne autour d’eux. Nous nous adressons à eux dans un langage jeune, avec des couleurs vives et de belles images. Les filles sur les photos ne sont pas plus âgées que le public cible de Joepie. Nous renforçons notre marque de façon numérique, nous interagissons sans cesse et construisons la communauté Joepie. » C’est tout un apprentissage et un canal de test important. Cela ouvre également de nombreuses portes pour les annonceurs. Pensez par exemple à un concours organisé sur le sujet des cocktails sans alcool en partenariat avec Oasis. On pourrait y gagner un kit pour l’été et on verrait des images de ce kit dans les éditions spéciales de Joepie, sur les posts Facebook, etc. Dans la revue mensuelle, on pouvait gagner des tickets pour un parc d’attraction, un parfum, un fer à lisser, une trousse de maquillage ; dans la formule numérique le contenu et la publicité sont plus étroitement liés. Les marques y trouvent leur place à condition d’être pertinentes. Le contenu d’abord, le produit ensuite.

 

Transparence

 

Daan Van Leeuwen est expert jeunes et enfants chez Medialaan Kids. Ici aussi, tout part du contenu. Programmation, marketing, sales et online sont étroitement liés. « Ce qui est beau, c’est que sur une chaîne pour enfants comme VTMKZOOM, on peut créer un environnement spécifique où il n’y a que du contenu qui intéresse les enfants, » s’enthousiasme Daan Van Leeuwen. « Les enfants ont même un rôle important à jouer. Prenez par exemple une émission comme De Drone School (l’école des drones). Les enfants sont fascinés par ces objets volants. Ils y apprennent à quoi il faut faire attention lorsque l’on veut faire voler un drone, mais aussi ce qui est strictement interdit. De cette façon, les parents peuvent eux aussi s’enthousiasmer pour l’émission. Les enfants reçoivent une formation sur les drones conçue spécifiquement pour eux et ils ont la possibilité de participer à un stage sur les drones à la mer. » Il souligne qu’il ne s’agit pas de les influencer, mais de leur fournir des informations qui les intéressent. La chaîne écoute les enfants, répond à leurs besoins avec des informations utiles mais sans jamais leur forcer la main. Dans l’émission Disco Dans Show, la présentatrice, Bab Buelens, surprend chaque semaine un enfant en lui organisant une fête d’anniversaire en musique dans son école, et VTMKZOOM est de la partie. Toute la classe fait la fête et danse. « Lors de l’enregistrement de ces émissions, nous en profitons pour en apprendre plus sur ce qu’il se passe dans le monde des enfants, à quels jeux ils jouent, etc. » explique Daan Van Leeuwen. « Nous sommes constamment en contact avec le terrain. » La collaboration avec l’école est transparente, les enseignants participent activement. Même chose pour l’émission De Slimste Klas (la classe la plus intelligente) à laquelle participent 70 écoles. Le but ? Tester le niveau de connaissance des enfants, les faire coopérer entre eux, les stimuler pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes.

 

Développer la vie sociale

VTMKZOOM

VTMKZOOM s’adresse à des enfants de 6 à 9 ans. A cet âge-là, la présence sur les réseaux sociaux et sur internet est encore limitée. Généralement, les enfants reçoivent leur propre téléphone vers 10 ou 11 ans et commencent alors à développer leur propre vie sociale et à devenir plus indépendants. Ils surfent souvent sur des sites qui les intéressent et téléchargent des applications. L’émission K3 zoekt K3 a misé sur cet aspect. Après l’émission sur VTM, VTMKZOOM diffuse une autre émission où la présentatrice Bab montre des petites vidéos qu’elle a filmées en backstage avec son téléphone portable. Un tel contenu est alors disponible en « multidevicebroadcasting » : télévision, réseaux sociaux, application… Il s’agit de mettre le contenu sur plusieurs plateformes et de laisser l’utilisateur décider lui-même de ce qu’il regarde et quand. La stricte réglementation en la matière est-elle un obstacle pour de tels projets ? « Cela ne nous pose pas vraiment de problème, » répond Daan Van Leeuwen. « C’est important d’avoir un cadre réglementaire bien défini et qu’il y ait un dialogue entre le régulateur et les fournisseurs, in casu les chaînes et les entreprises concernées. Cela permet de tester des nouveautés. Il faut également tenir compte de la société. Est-il vraiment recommandable de demander à de jeunes vloggers de « vendre » des produits ? Est-ce adapté à la marque concernée et à la chaîne ? Ce sont des questions auxquelles doivent absolument réfléchir toutes les parties prenantes. Si elles ne le font pas, elles risquent d’en payer le prix tôt ou tard. » Enfin, il y a une règle d’or : traiter les enfants comme ses propres enfants. Considérez-les comme des personnes, et non comme des consommateurs. Rendez-les heureux et apprenez-leur à s’amuser ensemble.

 

Une approche douce

 

Lotte Van de Werf, responsable de la marque pour les livres enfants et jeunesse aux Editions WPG, partage le point de vue de Daan Van Leeuwen. « Dans notre domaine, le marketing ‘dur’ est moins présent, » pense-t-elle. « Nous ne vendons pas directement au consommateur. Nous voulons immerger notre public cible dans le monde de ses héros. Une belle expérience fait vendre. A côté de cela, nous constituons une communauté de fans, avec de véritables ambassadeurs. Les « influenceurs » jouent également un rôle important. Regardez le jury enfants et jeunesse, qui octroie des prix pour les meilleurs livres jeunesse, les bloggeurs qui recommandent des livres aux parents, aux grands-parents et aux enseignants… » Le département des livres enfants et jeunesse s’adresse à un public très large, de 0 à 18 ans, et parfois même 25 ans. Il y a aussi bien des marques de masse que des livres de niche. « Nous ne menons jamais de communication produit pure, » explique Lotte Van de Werf. « Mais nous donnons vie aux histoires en lisant des extraits et lors d’évènements. » Par exemple, 450 filles (de 9 à 13 ans) ont passé une nuit dans un Kinepolis lors d’un événement ‘sleep over’. Elles y ont vu un film, ont participé à des ateliers… L’événement était en plein dans l’univers des livres For Girls Only. Les filles ont reçu un livre, mais rien ne leur a été vendu. Pendant ce temps-là, les classiques se réinventent sans cesse. Bob et Bobette s’adresse à un nouveau public avec la série Amoras et Le Chevalier Rouge se remet au goût du jour avec un relooking. « Tout commence avec un bon produit, dans ce cas-ci, une histoire, » explique Lotte Van de Werf. « Avec des partenaires extérieurs, comme Idee Kids, nous regardons comment nous pourrions faire vivre le contenu de façon authentique. Les librairies aussi ont leur part à jouer. Par exemple, nous organisons des journées entre copines For Girls Only chez Dreamland. Chez Standaard Boekhandel, où se retrouvent plutôt les (grands-)parents, ce sont plutôt des actions de vente. Nous incitons également des libraires indépendants à recommander nos livres. » Pour les livres pour enfants, l’éditeur s’adresse aux parents par les réseaux sociaux. Le site a été transformé en plateforme de contenu. Les histoires se retrouvent aussi sur YouTube, où de jeunes vloggers parlent des livres qu’ils ont lu. On les écoute avec la plus grande attention, ajoute Lotte Van de Werf. Car les enfants peuvent aussi se montrer très critiques. Ils sentent tout de suite si une histoire ne tient pas debout ou si on essaie de les manipuler pour leur vendre quelque chose.