« Un bon journalisme d'investigation est crucial dans un État de droit »

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Walter Van Steenbrugge a fondé avec Jo Van Acker le cabinet d'avocats Van Steenbrugge Advocaten. Implanté à Gand, il abrite 21 avocats, dont Christine Mussche et, depuis peu, Johan Vande Lanotte. Walter Van Steenbrugge intervient souvent dans le cadre d'affaires pénales et sportives, et apparaît par conséquent régulièrement à la télévision. - Wim De Mont

À quel moment avez-vous décidé de devenir avocat ?

Walter van Steenbrugge :« J'ai à l'époque opté pour les études de droit, car il s'agissait de la formation avec le moins d'heures (rires). Je me suis vite rendu compte que ce domaine m'intéressait réellement, entre autres grâce à des personnes telles que Willy Callewaert, un professeur passionnant de doctrine juridique, également homme politique. J'ai réussi sans problème les cinq années de droit, puis j'ai passé l'examen d'entrée de Vlerick. J'ai été pris, mais le professeur Walter De Bondt m'a recommandé d'aller chez Luc Van den Bossche. Après un entretien d'une heure, sans que j'aie cherché de stage ni ne me sois engagé à quoi que ce soit, il m'a remis un dossier qu'il m'a d'abord demandé de surveiller pendant les trois semaines à venir, car il partait en vacances. Je me suis plongé dans ce dossier et suis resté cinq ans au cabinet d'avocats de Van den Bossche. Je n'ai pris mon premier jour de congé qu'après quatre ans (rires). Van den Bossche était un bourreau du travail, exigeant, mais brillant. J'ai énormément appris chez lui. Comment suis-je devenu avocat ? En me livrant au hasard !

L'argent et le sport

Quelle raison incite habituellement les gens à pousser votre porte ?

« Nous nous attelons aux affaires qui semblent difficiles. Je n'irais pas jusqu'à dire “impossibles”, mais bon... Souvent, ce sont d'autres avocats qui pointent leur client dans notre direction. Nous n'avons qu'un client institutionnel, une grande banque. Par ailleurs, sept clubs de football professionnel nous ont choisis comme cabinet fixe. Mais la majeure partie de notre travail consiste en des affaires isolées. Nous ne dépendons donc pas d'un gros client, et ce que nous faisons demande beaucoup de travail. L'avantage est que notre clientèle est très variée, ce qui rend notre métier palpitant. »

Comment se fait-il que de plus en plus d'affaires juridiques surviennent dans le monde du sport ?

« Différends disciplinaires, affaires de dopage, problèmes de contrat, problèmes avec des courtiers, questions sur le droit à l'image,... et parfois des affaires pénales, comme avec l'opération “Mains Propres”. Le sport est devenu synonyme d'argent. Cela a des conséquences pour les sportifs. Voilà pourquoi de plus en plus d'avocats sont impliqués dans le monde du sport. C'est logique, quand on voit la piètre qualité des contrats, par exemple avec les courtiers. »

« Avocat médiatique »

Les avocats qui apparaissent régulièrement dans les médias sont souvent qualifiés « d'avocats médiatiques », un terme à la connotation plutôt négative...

« Par définition, les affaires pénales sont celles qui attirent l'attention des médias. Je pense qu'il faut être très prudent en la matière. Une attention excessive de la part des médias aboutit souvent à un procès médiatique, qui n'est pas désirable. Le procès doit être mené où il se doit, c'est-à-dire au tribunal. Mais parfois, de faux rapports sont présentés au public, auquel cas des explications de la part de l'avocat sont nécessaires. »

Comment éviter un « procès médiatique » ?

« La loi pourrait éventuellement être adaptée en limitant ce qui peut être dit tant que le procès n'est pas terminé. Je ne comprends pas ce besoin de toujours tout raconter dès le début, en citant tous les noms. Mais pour les journalistes, il faut souvent être le premier et le plus sensationnel. »

Il y a bien sûr aussi des fuites, qui ne viennent pas des journalistes.

« Les fuites proviennent de tous les côtés, cela ne fait aucun doute, et elles risquent de sérieusement porter préjudice à l'enquête, que ce soit pour le suspect ou la victime. La presse doit absolument pouvoir remplir son rôle de gendarme, mais uniquement dans le cadre d'une déontologie stricte, dans le respect des droits de toutes les parties. On voit souvent des journalistes qui sont de mèche avec le Parquet et ne laissent plus de place à une réponse ou une contestation. La quête de sensationnel l'emporte sur le journalisme nuancé et approfondi. C'est dommage. Un bon journalisme d'investigation est crucial dans un État de droit et une démocratie. »

Vie privée

Arrivez-vous à déconnecter facilement, le soir venu ?

« Ma partenaire ne travaille pas dans le domaine juridique, et je ne parle pas vraiment de cas spécifiques. Récemment, lors d'un débat avec des jeunes, on m'a demandé ce qui était nécessaire pour construire une carrière dans le droit pénal. J'ai répondu : « Avoir le bon conjoint » (rires). Il faut que la vie privée se passe bien. Le ou la partenaire doit pouvoir tenir le rythme, puisqu'il arrive souvent qu'il faille travailler le soir et le week-end. »

Quel est l'aspect de votre travail que vous préférez ?

(Réflexion) « Le travail le plus passionnant, mais aussi le plus difficile, est celui des discussions en prison. Après avoir perdu une affaire, nous tentons de redresser la tête. Vous pouvez gagner une affaire sur la base d'une stratégie, de vos conclusions ou d'un plaidoyer, et souvent grâce à la combinaison de ces trois aspects. Les discussions en prison m'enrichissent par ailleurs en tant que personne. Dans la sphère privée, cela m'a rendu plus calme. Je vois les échecs humains, et cela m'a rendu plus agréable avec les autres dans la vie de tous les jours. On apprend l'humilité. »