Comme tout petit nouveau qui débarque sur le marché, les réseaux sociaux ont connu leur période de « hype ». Chaque marque voulait y être, peu importe comment et pourquoi, de toute façon c'était gratuit! Aujourd'hui, on en revient. Le secteur se professionnalise et des stratégies bien réfléchies se dessinent.
« Nous ne sommes désormais plus dans un écosystème qui démarre; nous sommes dans un écosystème qui fonctionne, qui évolue encore certes, mais qui a prouvé son efficacité dans une certaine mesure. C'est également un endroit où les gens – les consommateurs – passent une majeure partie de leur temps. C'est donc devenu un canal de masse, au même titre que la télévision, la radio,... » résume Olivier de Decker, Managing Partner de Be Connect. « Le rôle des agences comme la nôtre, c'est de voir comment on va intégrer une approche 'social media' dans l'ensemble de la stratégie d'une marque. Si l'on veut que ça serve l'objectif global, il faut que ce soit intégré. » Bien entendu, les annonceurs peuvent choisir de gérer eux-mêmes leurs réseaux sociaux. D'autant plus que depuis l'apparition de ceux-ci, il y a maintenant une petite dizaine d'années, « le travail d'évangélisation porte ses fruits. Chacun en sait plus sur la direction dans laquelle il doit aller, en fonction de son secteur d'activité ou de son public-cible, » constateLuc-Olivier Rahier, Social Media Project Leader chez Voice. « Seulement, les entreprises entrevoient maintenant combien gérer leurs pages de profil ou leurs comptes, c'est du boulot! C'est extrêmement chronophage, tant au niveau de la création du contenu que par l'entretien, l'activation au quotidien et la modération des différents espaces. Et ce d'autant plus que la connaissance est remise en question en permanence: même les annonceurs, qui ont de bonnes pratiques, n'ont pas forcément la possibilité de les mettre à jour et de suivre l'actualité des réseaux sociaux concernés. Ils se font vite dépasser. » On le sait, quand il s'agit de digital, les choses évoluent énormément et rapidement. « Paramètres, algorithmes, fonctionnalités qui apparaissent ou disparaissent, nouveaux réseaux qui émergent, utilisateurs-types qui varient,... On doit constamment se tenir à la page. Ce pour quoi les entreprises n'ont pas le temps, encore moins quand il s'agit de PME ou TPE comme la majorité de nos clients, » témoigne Audrey Techy, Studio Manager chez SocialCom.
LA CRÉATION DE CONTENU EST TRÈS TACTIQUE. Luc-Olivier Rahier
En fait, ces médias qui ont pu sembler au départ faciles d'utilisation révèlent jour après jour leur complexité. « C'est tout le paradigme qui change: d'une communication intrusive, qui s'immisce dans la vie des gens de manière intempestive (la TV et ses programmes interrompus par de la pub qui n'intéresse pas ou peu), on passe à une communication qui se focalise davantage sur ce que veut le public. Elle cherche à être intéressante et pertinente au yeux de celui-ci et s'adresse donc davantage aux individus qu'à une masse, » souligne Olivier de Decker. « De plus, sur les réseaux sociaux, les marques sont confrontées à un sacré concurrent: le cercle proche des internautes! Le tout est donc de trouver comment l'histoire qu'on veut raconter peut s'intégrer dans la vie des consommateurs... et que cette histoire fasse, in fine, vendre. »
FAIRE LE TRI
Faire son marché entre les différents réseaux est une tâche également toujours plus ardue. Facebook est très généraliste. Twitter rassemble davantage un public d'avertis, journalistes ou blogueurs et sa partie « advertising » requiert des budgets moins conséquents depuis septembre dernier, ce qui rend plus envisageables les campagnes-tests. LinkedIn cible la sphère professionnelle. Youtube est une bibliothèque multimédia et sa facette publicitaire – soit en pré-roll, soit dans le search – permet des ciblages en fonction des données socio-démographiques mais aussi des intérêts qui peuvent être touchés via Google Adwords. Pinterest et Instagram conviennent bien à tout ce qui présente un univers visuel fort. Google+ présente une grande force au niveau du référencement naturel. Snapchat doit encore grandir en Belgique mais vient de lancer des options « pub ». Et puis il y a aussi les réseaux de géolocalisation, tels Yelp ou Foursquare qui permet d'envoyer des notifications push lors d'un check-in ou lors de l'entrée dans une zone géographique. Tout ceci en ne considérant que les plus gros! Parce que les médias sociaux tendent à éclater en micro-réseaux, visant des communautés toujours plus étroites, plus spécifiques.
CONTENUS COMPLEXES
Au niveau du « community management » – le passage obligé pour activer sa communauté, entretenir une relation avec elle et créer de l'engagement – les choses ne sont pas plus simples. Il y a d'abord la création de contenu propre, qui correspond à un territoire de communication pré-établi. « Il s'agit de trouver un thème qui soit d'une part plus sexy que le core business du client et, d'autre part, qui permette d'établir un calendrier éditorial à l'avance, de manière à suivre un fil rouge entre les différentes conversations, » détaille Luc-Olivier Rahier. Pour soutenir ce territoire de communication, on recourt à la curation de contenu – « trouver du contenu existant sur le web, dans la presse,... pour alimenter la thématique première » – ainsi qu'au recyclage de contenu, c'est-à-dire la réutilisation de contenus que l'entreprise a développé par le passé, pour sa communication interne, pour des prospectus, des catalogues, etc. Au-delà de cela, « on voit de plus en plus du 'user generated content' émerger: des histoires en messages privés, des témoignages spontanés, des commentaires sur la page, des partages de photos,... Un contenu riche et puissant... Tout comme le 'ambassador generated content', à savoir des blogueurs ou journalistes qui s'expriment suite à une activation, un lancement. » Du contenu gratuit, de valeur, mais qu'il faut encore utiliser à bon escient.
« Au départ, les dispositifs étaient très forts cloisonnés dans l'un ou l'autre réseau; aujourd'hui, c'est beaucoup plus transversal, chaque réseau est un canal et sert à rapatrier un maximum de trafic chez les marques, » fait remarquer Olivier de Decker. « On se sert des fonctionnalités de Facebook, comme Facebook Connect, pour nourrir le site web. On essaye d'avoir quelque chose d'assez holistique, avec des portes d'entrées un peu partout, à partir des device mobiles également. La plus grosse difficulté, c'est alors de garder une certaine cohérence et une consistance entre les messages qui apparaissent sur les différents canaux. » Qui plus est, même si elles délèguent à des agences spécialisées, « les marques doivent absolument collaborer. Nous n'avons pas accès à tous leurs contenus: des photos prises lors d'un événement, les nouvelles livraisons en boutique ou tous les 'behind the scenes' que réclame la communication sur les réseaux et qui humanisent la relation, » signale Benjamin Plastria, Content Strategy Director chez SocialCom. « Et il faut que tout ce qu'on annonce comme contenu plus stratégique, plus commercial – soit les concours, promotions, réductions, offres spéciales, avantages fans, invitations à des événements, soldes, annonces de nouveautés,... – ait effectivement lieu! »
PUB MAIS AUSSI MONITORING
En parallèle à la stratégie de contenu, vient la publicité et toutes les manières payantes de promouvoir des publications. « Tous les annonceurs n'ont pas vocation à posséder une fan page, mais rien ne les empêche, tout comme ils utilisent d'autres canaux, de se servir des réseaux sociaux pour mettre leurs produits en avant. Tout dépend de leurs objectifs. En revanche, il ne faut pas tomber dans l'écueil de croire qu'on peut faire de la performance sur les réseaux sociaux comme on en fait dans d'autres domaines du marketing digital, que ce soit de la filiation ou de la pub à la performance justement, » éclaircit Olivier de Decker. Toutefois, agrémenter les publications d'un peu de pub semble inéluctable. « On donne généralement un petit coup de Facebook Ads au moment de lancer une communauté, pour acquérir une relative visibilité et passer un certain seuil de fans, sinon on stagne. Ensuite, on forme nos clients à utiliser l'outil, à maitriser efficacement la fonction de ciblage, à en saisir les subtilités. Si on ne fait pas appel à un peu de pub ciblée, il faut énormément de rigueur pour parvenir à un résultat, » explique Benjamin Plastria. Naturellement, les médias sociaux « encouragent » quelque peu l'usage de pub payante. Facebook, notamment, a modifié son algorithme de façon à réduire son reach et donc la portée naturelle des publications. « C'est là où les dimensions d'observation et d'analyse entrent en jeu. Quand nous lançons un contenu, nous scrutons les statistiques pour déterminer si, oui ou non, on peut miser sur son reach organique. On capitalise évidemment sur les contenus qui fonctionnent, pour éviter d'en produire inutilement, » décrit Luc-Olivier Rahier. « On réintègre aussi de temps en temps certaines données qui ne marchaient pas forcément pour voir si c'est vraiment mort, ou si on peut encore les utiliser à certains moments. Et puis, on essaye de comprendre pourquoi certaines publications remportent du succès et d'autres pas. C'est très tactique. »
LE SOCIAL IMPOSE DE SE TENIR À LA PAGE. Audrey Techy
Être sur les réseaux sociaux, ce n'est pas seulement se montrer, c'est aussi observer. Être là de manière passive et effectuer de l'« online monitoring » de manière à analyser le marché, sentir les tendances, voir si une future présence sociale est nécessaire, identifier les nouvelles opportunités et ce que fait la concurrence, anticiper les crises, trouver les 'influencers', sonder les consommateurs,... « Là où réside le tournant, c'est au niveau des données. Maintenant que les choses se tassent, les excès des débuts percent. Les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés à la protection de leurs informations personnelles et n'hésitent plus à refuser qu'on aspire ces dernières, » constate Olivier de Decker. « Ce n'est pas un problème en soi: on pourra toujours demander permission aux utilisateurs, mais peut-être plus tard dans le processus, en leur démontrant la pertinence de cette requête par rapport au service qui leur est rendu. Cela participera à la transparence, à cette relation de confiance vers laquelle les marques doivent absolument se diriger. »