Un new deal entre annonceurs, agences et media est nécessaire

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Bertrand Beaudichon

Bertrand Beaudichon

Le 08 décembre, Bertrand Beaudichon, CEO de Mediaplus France sera l'un des nombreux speakers à intervenir lors du BAM Congress. Surtout, il tentera de répondre à cette question : "Media landscape 2017, time for a new deal". C'est dans ce contexte que nous lui avons posé trois questions....

Selon vous quels sont les principaux défis que devront relever les marketers en 2018 ?

En cette période de sortie de crise, pendant laquelle les plateformes ont pris un rôle considérable sur la détention de données cruciales sur le comportement des clients des marques, les marketeurs sont tous devant un défi majeur. D’un côté, des budgets d’investissements réduits, et qui ne reviendront pas aux niveaux d’avant, de l’autre, l’exigence de reprendre la main sur ce que la donnée a apporté en termes de connaissance clients, d’amélioration de la pertinence des messages, et d’amélioration du retour sur investissement. Pour y arriver, ils vont devoir constituer autour d’eux, en interne mais surtout en externe, de véritables équipes solidaires et apprenantes, constituées d’agences, d’instituts d’étude, de régies, de sociétés de conseil et de spécialistes de la technologie, pour organiser leur écosystème de mesure et d’apprentissage, prendre la bonne décision orientée par les choix et les comportements des consommateurs, et … prendre la bonne décision.

Ils vont devoir aussi résister à la tentation de se mettre en trop grande dépendance vis à vis des GAFAs, et qui ont profité de la crise pour capter, au travers de l’investissement publiciataire, l’essentiel de la donnée individuelle de leurs clients et prospects. Car, selon nous, l’agenda de ces plateformes ne s’arrête pas à l’uberisation de l’industrie de la communication : elles deviendront tôt ou tard des concurrents directs de chaque entreprise.

Il en ressort qu’un new deal entre annonceurs, agences et media est nécessaire, pour lequel la restauration de la confiance entre acteurs, le respect de chaque apport, et le cassage des silos entre les spécialités est indispensable. Dans ce deal, la question de la rémunération des agences semble un sujet clé, et chacun devra de plus en plus être payé pour sa contribution au ROI plus que pour ce qu’il produit ou ce qu’il achète.

Concernant le paysage médiatique, quelles sont les nouveautés auxquelles vous vous attendez et/ou que vous espérez pour le futur ?

Le paysage médiatique ressort terriblement transformé de cette période de crise que nous avons connu. Et les marques médias qui ont survécu en ressortent plus fortes qu’avant : elles ont innové, ont investi, et proposent désormais des capacités de ciblage, d’accès aux contenus et d’expérience cross-devices encore impossibles à imaginer il y a seulement deux ans. La TV adressable est désormais lancée dans la plupart des pays européens, l’utilisation du mobile comme moyen publicitaire explose, et tous les medias proposent désormais des solutions datas de plus en plus pertinentes, quitte même, comme en France, avec l’exemple de Gravity, à se réunir entre concurrents pour limiter la fragmentation des offres et lutter plus efficacement contre l’hégémonie des GAFAs.

Du côté des métiers de la communication, nous sommes passés de l’ère du mass-média et du ciblage socio-démographique à l’ère du ciblage comportemental, sur tous les medias. Les acheteurs d’espace, en cassant le silo entre offline (le ciblage large et de masse) et le online (le ciblage comportemental et la mesure directe), sont désormais devenus des gestionnaires de scénarios d’exposition individualisés et sur tous les médias, online ou offline, en ayant replacé le consommateur et son parcours au cœur de l’élaboration de sa stratégie. Et comme, pour faire fonctionner ces scenarios, il faut être capable d’adresser un message pertinent pour chaque profil, le lien entre les agences medias, les agences digitales et les agences de création va inéxorablement se renforcer.

La place des data dans le paysage médiatique : avantages et inconvénients ?

Si les marketeurs arrivent à surmonter le chaos que représente la mise en œuvre d’un projet data, la data ne présente que des avantages ! En effet, bien mise en œuvre, une stratégie data permet d’améliorer la connaissance des consommateurs, d’améliorer la pertinence du message, de l’envoyer au bon moment, au bon lieu et sur le bon device, donc, d’améliorer la pertinence et la posture de la marque, tout en limitant considérablement le gaspillage publicitaire en payant des contacts inutiles. De plus, la data permet d’assurer un continuum entre deux métiers qui jusque-là ne se parlaient pas : le média, qui recrute, et le CRM, qui fidélise et fait racheter.

Mais pour y arriver, il faut organiser le chaos que la data représente. D’abord parce-que trop de data tue la data, et que la data est aujourd’hui pléthorique, indigeste, et hétérogène. Se lancer dans un projet data, c’est d’abord résoudre le casse-tête du strockage et de sa structuration. Ensuite, il faut trouver des talents, les data-scientists, qui, par définition représentent une ressource humaine rare et chère, à un moment où l’heure est plutôt à la réduction des effectifs. Et puis quand on en tient un, il en faut un qu’on comprenne, qui comprenne les enjeux des métiers, et qui fouille pour eux dans cette donnée pléthorique. Enfin, se lancer dans un projet data, c’est accepter de devoir faire travailler ensemble des départements au sein de l’entreprise qui, jusque-là, vivaient chacun leur vie dans leur silo, et avec leurs données propres.

Pour accompagner les marketeurs dans ces projets, les agences doivent donc s’organiser pour aider leurs clients à surmonter les affres que les premiers qui se sont lancés ont connu, et concevoir des offres facilement activables, rendant la data opérationnelle et permettant de lui trouver un vétitable ROI.

Ainsi, elles devront être capables d’aider à répondre aux questions simples que les marketeurs se posent, comme :

  • De quelle data parle t’on exactement?
  • Comment mêler les datas que j’avais avant (les études) avec toutes celles qui sortent des systèmes digitaux et de l’open data ?
  • Quel ROI réel puis-je attendre ?
  • Quelle limite à l‘hypersegmentation ?
  • Comment la lire facilement pour modéliser et décider mieux ?
  • Enfin, comment faire travailler ensemble tous ces départements de mon entreprise qui jusque-là vivaient chacun leur vie dans leur silo ? Quel réferentiel commun ?
  • Comment ne pas augmenter ma dépendance aux détenteurs principaux de la data mondiale
  • Comment concilier GDPR et amélioration de mon ROI ?