Un secteur sous pression

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Les instituts belges naviguent entre opportunités et défis

En ces temps de crise, les besoins en études de marché s’intensifient, mais pas les budgets. Les instituts doivent donc composer avec des budgets stationnaires et trouver le moyen de se démarquer pour rester dans la course. Autant de défis et d’opportunités.

·         Les études de marché sont moins ancrées dans les mœurs des marketeurs belges que de leurs voisins.
·         Les études online et do-it-yourself sont en progression.
·         La boîte à outils de l’enquêteur se diversifie.
·         Les agences d’études de marché affichent une volonté de se positionner en partenaires stratégiques.

Si, en 2009 et 2010, le secteur des études de marché a connu quelques difficultés en Belgique, la situation semble s’être stabilisée en 2011. Selon Febelmar, l’association professionnelle des bureaux d’études de marché belges, le secteur a enregistré un chiffre d’affaires de 155 millions d’euros en 2011, contre 151 millions en 2010, soit une croissance absolue de 2,3 %.

En termes de dépenses en études de marché, la Belgique demeure cependant loin derrière ses voisins français et allemands, avec 14 € de dépenses par tête, contre respectivement 31 € et 29 €, et ce pour un budget marketing global supérieur en Belgique (266 € par individu contre respectivement 194 € et 233 €).
« Élaborer une stratégie sans informations sur le marché cible, c’est comme jouer au casino. »
(Patrick Coucke)

Ce constat, Johan Schockaert, président de Febelmar, l’explique en grande partie par la mentalité des marketeurs; une mentalité que l’association entend faire évoluer, notamment grâce à des actions de sensibilisation, comme celle organisée à l’occasion du dernier congrès STIMA: « Il est pour nous essentiel de sensibiliser les marketeurs et décideurs à l’importance que revêtent les études de marché dans l’élaboration des politiques commerciales,» souligne Patrick Coucke, directeur général de Febelmar. «Car élaborer une stratégie sans informations sur le marché cible, c’est comme jouer au casino,» conclut-il.

D’autant que, en dépit des spécificités linguistiques de notre pays, les études de marché y coûtent moins cher que chez la plupart de nos voisins. On observe par exemple une différence de 30 % avec les Pays-Bas. Selon la dernière enquête menée par Esomar sur le prix des études, en 2012, la Belgique se classe en 21e position, soit une « régression » de 7 places par rapport à 2010.
C’est qu’en Belgique, la tarification des études est fondée sur les coûts et non sur la valeur, explique Johan Schockaert. Il existe un paradoxe entre l’augmentation des coûts (principalement salariaux) et la diminution des tarifs qui s’explique notamment par le fait que les bureaux n’ont cessé d’accroître leur efficacité, entre autres grâce à une optimisation de leurs processus.
Plus avec moins…
Si les entreprises et les gouvernements requièrent davantage de certitudes en temps de crise, le budget alloué aux études de marché n’a pas augmenté proportionnellement à ces besoins. Les agences doivent donc trouver le moyen d’offrir plus avec moins, ou du moins avec autant; signe que si le secteur est stable, il connaît néanmoins une certaine pression (voir encadré).
Dans ce contexte, l’évolution amorcée en matière de collecte des données se poursuit avec, en tête, une progression constante des études online. Les parts de marché des études quantitatives et qualitatives restent relativement inchangées, les études qualitatives représentant environ 10 % du chiffre d’affaires total. Par contre, au sein de cette catégorie, on observe une tendance à la hausse des études online, qui occupent aujourd’hui près de 2 % des parts de ce marché et devraient continuer à en grignoter, selon Febelmar.

Même constat côté études quantitatives: en 2 ans, les études quantitatives en ligne ont doublé avec, en corollaire, une évolution à la baisse des interviews téléphoniques et en face à face.
Une boîte à outils grandissante
Neurosciences, études de marché sur mobile, médias sociaux… L’enquêteur dispose d’une boîte à outils de plus en plus riche, élargissant les possibilités d’études, notamment en matière comportementale. Autant d’opportunités de mieux comprendre le consommateur.
Ce « golden age » de l’innovation dans le secteur, comme le qualifie Johan Schockaert, pose également de nouveaux défis.
Les médias sociaux, par exemple, constituent une source de données d’un genre nouveau, en ce sens qu’elles impliquent une collecte dite « passive »: il ne s’agit plus de poser des questions, mais bien « d’écouter.»

« Sur le web, les gens relatent des expériences positives et négatives, font part de ce qu’ils aiment et n’aiment pas, partagent leurs intérêts, etc. Il s’agit là de données extrêmement importantes, desquelles nous pouvons extraire de précieuses informations,» commente Johan Schockaert.

Dès lors que les données issues des médias sociaux permettent d’obtenir des informations sans passer par la case « questions », on pourrait se demander si elles ne constituent pas une menace pour les instituts de sondage. Ce n’est en tout cas pas l’avis de Febelmar, car si d’un point de vue qualitatif, les réactions spontanées possèdent probablement une valeur supérieure aux questions directes, encore faut-il les extraire et les convertir en données exploitables. Et c’est là toute la difficulté. D’où le rôle essentiel de l’enquêteur: traduire ces données textuelles en informations valables pour livrer une analyse pertinente et des insights utiles à la prise de décision.

L’enquêteur dispose aujourd’hui d’une série de nouveaux outils. Pour les instituts d’études de marché, le challenge est donc de comprendre les opportunités qu’offrent ces outils et d’intégrer les données issues de différentes sources afin d’offrir aux décideurs des informations plus riches, explique Johan Schockaert. « Pour moi, il ne s’agit pas d’une menace, mais bien d’une opportunité. »
Do-it-yourself
Autre tendance souvent perçue comme une menace pour le secteur: l’importance croissante des études « do-it-yourself ». Aujourd’hui, grâce aux logiciels disponibles et aux possibilités offertes par internet, il est facile et bon marché de réaliser soi-même une enquête. Si le phénomène n’est pas neuf, il tend à s’amplifier, restrictions budgétaires obligent. Alors, le DIY, menace pour le secteur des études de marché?

D’une part, les études DIY offrent aux petites entreprises la possibilité d’obtenir par elles-mêmes des informations auxquelles elles n’avaient pas les moyens d’accéder. D’autre part, force est de constater que les agences d’études de marché traditionnelles se trouvent confrontées à une série de concurrents (universités, entreprises de marketing direct et de télémarketing, agences de communication, etc.); une situation à laquelle les études DIY ne sont pas étrangères.

Mais ici encore, Johan Schockaert tempère: le rôle des agences d’études de marché ne se limite pas à la seule collecte des données. Si les agences pâtissent, sur ce point, d’un manque à gagner, cette concurrence leur offre l’opportunité de se démarquer par la valeur ajoutée de leurs services, c’est-à-dire pouvoir apporter aux décideurs des réponses à trois questions: le quoi, bien entendu, mais également le pourquoi, et surtout le comment.

L’agence doit se muer en un véritable partenaire stratégique et l’enquêteur, en consultant. La combinaison de tous les outils dont il dispose lui permet de mieux comprendre le comportement et le raisonnement du consommateur. Il s’agit dès lors de présenter au marketeur non seulement des faits, mais aussi une analyse et des conseils. C’est là le second grand défi pour le secteur.
« Il devient de plus en plus difficile d’impliquer les gens dans des études de marché et de trouver des répondants. »
(Patrick Coucke)
Trop d’études de marché…
Toute médaille a son revers: l’accessibilité des études de marché entraîne avec elle leur multiplicité. Et ce foisonnement d’études induit une nouvelle difficulté, à savoir une diminution du taux de réponse aux sondages. « Il devient de plus en plus difficile d’impliquer les gens dans des études de marché et de trouver des répondants,» observe Patrick Coucke, «C’est pourquoi nous devons sensibiliser le grand public à l’importance des études de marché, afin d’intégrer ses points de vue au processus décisionnel.» Une nouvelle mission que s’est donnée Febelmar dans le cadre de sa réorientation en une organisation professionnelle incluant toutes les parties prenantes du secteur.
Ce foisonnement d’études pourrait également ne pas être étranger à l’importance croissante des séances de co-création qui permettent l’instauration d’un dialogue plus riche entre une marque et ses consommateurs, une autre évolution avec laquelle le secteur devra compter.

 

Études de marché: état de santé du marché belge
D’un côté, 5 agences full services se partagent plus de 60 % des parts du marché; de l’autre, on retrouve une palette variée d’agences de plus petite taille, principalement actives sur le marché des études qualitatives… des agences très performantes et très spécialisées qui gagnent en importance.

Par rapport à 2010, on notera la disparition du tableau de deux grosses agences full services: IMS Health, qui n’a plus déposé de comptes depuis décembre 2008 et affiche un indice de -5,0 selon le baromètre de santé de Companyweb, et Synovate, rachetée par Ipsos.

Au rayon difficultés, on notera également la faillite, depuis décembre 2011, de Information & Data. Quant à Dedicated Research, l’entreprise est en réorganisation judiciaire depuis octobre 2012 et affiche elle aussi un indice de -5,0, toujours selon le baromètre de santé de Companyweb.

A contrario, Profacts, Solutions-2 et IRB ont toutes 3 vu leur chiffre d’affaires progresser et sont passées à la catégorie supérieure.

Enfin, 3 nouveaux petits acteurs ont fait leur apparition dans le tableau: Field Quality Control, Sens-21 et Consumerhouse.

Les agences d’études de marché belges en 2011, classées par tranche de C.A. (Febelmar)