Une femme de choix

Bove Sylvie 07_11_2014

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Après l'audit qu'elle a réalisé pour l'entreprise, Yves Rocher lui demande de rester. Sylvie Bove, tombée sous le charme de cette marque qu'elle avoue avoir alors redécouverte, accepte. C'était il y a un an et demi, alors qu'Yves Rocher recherchait un nouveau souffle.

Télécoms, grande distribution, automobile, banque d'image, parti politique,… B2B et B2C… Pendant les huit années où elle travaille à son propre compte, Sylvie Bove touche à de nombreux secteurs. Une diversité qu'elle retrouve en quelque sorte chez Yves Rocher. « Ici, mon rôle est un peu transversal. Il faut savoir que jusqu'il y a un an, Yves Rocher était structuré en silos, en business units, par canal. Il y avait une personne qui était responsable de la vente par internet, une autre de la vente par correspondance et une autre de la vente par magasin. Tout a été restructuré et ma fonction a été créée. Elle me permet d'être impliquée dans tous les éléments de stratégie de la marque, d'avoir un périmètre d'action assez large, jusqu'aux détails du relooking des bureaux. Je suis aussi, de par ma fonction, membre du comité de direction. Ce qui me permet d'être informée à la source de toute une série de décisions, d'avoir un input par rapport à ces décisions et de pouvoir piloter certaines stratégies par la suite. Tout cela est très excitant! »

D'autant plus excitant que l'enseigne est en pleine métamorphose: de marque de vente par correspondance, elle apprend à devenir également un retailer et un joueur digital. Or jusque là, Yves Rocher avait eu tendance à répliquer les méthodes qu'elle connaissait. « Ce sont des habitudes à modifier, une réflexion plus en amont à avoir. Un des gros changements que j'ai conseillé, c'est de choisir les produits qu'on montre et ceux qu'on ne montre pas. Yves Rocher lance près de cent nouvelles références par an, c'est énorme! Auparavant, tous ces produits apparaissait dans des promos différentes selon les canaux. On s'est rendu compte que la cliente n'y comprenait plus rien, qu'elle s'y perdait entre toutes les promotions. Maintenant, on sélectionne consciencieusement les produits qu'on met en avant. Puis, on choisit la manière de les montrer qui devrait le plus plaire, en essayant de comprendre ce que recherchent nos clientes, les journalistes et les blogueuses par rapport à la beauté. »

AU-DELÀ DU MARKETING

Mais il n'y a pas que les consommateurs qui importent à Sylvie Bove. « Ce à quoi je tiens énormément, c'est recréer la fierté d'appartenir à cette belle enseigne. La vision de l'entreprise était devenue un peu floue pour tout le monde en interne, on ne savait pas quelle direction suivre, quel message faire passer. On bradait la marque auprès du personnel, en lui distribuant des restes de stocks. Pourtant – et c'est primordial à mes yeux – les collaborateurs d'une marque en sont les premiers ambassadeurs! Et cela signifie les faire participer: leur montrer en avant-première nos nouvelles campagne de communication, organiser des événements, des concours au sein de l'entreprise, leur donner accès aux nouveautés, etc. En ce sens, mon rôle dépasse le marketing: c'est aussi de la communication interne, des relations publiques, du merchandising, une étroite collaboration avec mes collègues qui sont responsables du soutien des magasins et avec les commerciaux, la vérification de la construction des espaces en boutique,... »

Sylvie Bovie: "Mon rôle dépasse le marketing, c'est aussi de la communication interne, des relations publiques, du merchandising..."

Et puisque, jusqu'alors, Yves Rocher Benelux faisait très peu de communication ou profitait de campagnes françaises, les équipes marketing ont dû retrouver ce que c'est que travailler avec des agences. « Ils ont parfois tendance à faire de la création à la place de l'agence. Il faut donc baliser le terrain de jeu de chacun, » explique Sylvie Bove. « Par contre, j'ai réalisé quand je suis rentrée dans la maison que la marque n'avait pas d'histoires à inventer, elle en a déjà plein: celle du fondateur, de l'éco-conception, de la cosmétique végétale, de la fondation, etc. Le tout, c'est à nouveau de choisir lesquelles raconter, quand et où. »

QUELS BÉNÉFICES POUR QUEL CONSOMMATEUR

Au niveau des clientes également, il faut effectuer des choix. « Je crois fortement en la stratégie de segmentation. Tout le monde n'a pas les mêmes attentes, ni les mêmes besoins, naturellement. Cependant, Yves Rocher est une marque de masse. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de nous adresser à des marchés de niche ou de nous embarquer dans de la micro-segmentation, ce qui implique de sélectionner les produits qui parlent au plus grand nombre. Segmenter, c'est mettre la cliente au centre. Et pour se faire, il faut avoir un discours qui est compréhensible par toutes, qui a une vraie valeur pour les consommatrices, qui montre ce que la marque peut leur apporter. Je pense tout simplement qu'il n'y a rien de plus important que le bénéfice-consommateur. Si j'entre et j'entretiens une relation avec quelqu'un, c'est parce que j'en retire quelque part un bénéfice. C'est la même chose avec un produit ou une marque, les règles sont plus ou moins identiques »

PLUS DE MÉDIAS ET MOINS DE KPI'S

Si l'enseigne dispose d'une base de données faramineuse – une femme sur trois à un jour acheté chez Yves Rocher – il est temps qu'elle sorte de ce vase clos. « Je ne crois pas dans les campagnes uni-média. Mon principe, c'est d'utiliser au minimum deux médias 'paid', en plus de nos outils propres. Pour le moment, j'ai une préférence pour les médias de construction de marque, parce qu'on connaît un vrai déficit d'image. Mais les réseaux sociaux sont très importants aussi. Encore une fois, il faut sélectionner les médias qui peuvent nous être utile à un moment donné et leur attribuer un rôle précis. »

Idem avec les KPI's. « Beaucoup de marques veulent tout: du chiffre d'affaires, du recrutement, du cross-selling, de l'up-selling, du trafic en magasin,… Selon moi, on ne peut atteindre les divers objectifs qui émaillent une année qu'en choisissant un ou deux KPI clairs. Tout dépend du produit, du moment sur l'année, chaque action n'a pas les mêmes objectifs. » Et la porte d'entrée, c'est avoir une stratégie. « Une ambition, une vision, sur le long terme, cinq voire dix ans. Se dire qu'on aimerait avoir x pourcent d’augmentation des ventes d'ici la fin de l'année, ce n'est pas une stratégie, c'est un objectif commercial. »

 

Photos: Luc Hilderson (Image4You)