2012... Les enjeux

2012 Les enjeux - Bernard Cools - pub1-2012

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Deux analystes média au chevet des régies

Que ce soit en télévision, radio, affichage, presse quotidienne... les régies se doivent de porter haut leurs couleurs, dans un contexte économique peu favorable. La concurrence est rude en ces temps où il n'est plus question de corne d'abondance. Bernard Cools de Space et Remi Boel d'OMD se sont penchés sur les défis qui les attendent.
Bernard Cools, deputy general manager de Space.

Remi Boel, marketing intelligence director chez OMD.

·        Les régies online manquent de discipline
·        En télévision, VT4 intimide ses consœurs
·        Les journaux payent la disparition de Scripta et Full page

C'est en toute sérénité que Bernard Cools, deputy general manager de Space et Remi Boel, marketing intelligence director chez OMD ont analysé l'état de santé des régies. Sur le terrain, la même quiétude est loin d’être observée. En télévision, tous les regards sont tournés vers VT4 et même côté Sud où, selon Nielsen, on regrette une surreprésentation des investissements télévisuels au Nord du pays. En presse quotidienne, la disparition de Full Page et Scripta déforce le média. Tandis que online, la désorganisation règne dans la majorité des régies... Exception faîte de la radio... peu de médias échappent à la critique. « Dans une année où les budgets ne vont pas augmenter, la seule façon pour les régies d'optimiser leurs revenus est de bannir tous les coûts non productifs. Lorsque leurs équipes enflent, ce n'est pas pour optimiser les contacts avec les agences médias, mais pour chasser l'annonceurs en direct.» souligne Bernard Cools. De son côté Remi Boel pointe des lacunes chez les annonceurs. « Nos interlocuteurs chez les annonceurs et ce depuis qu'il y a eu des vagues de licenciements, n'ont plus une bonne connaissance des médias. En tant qu'intermédiaires, nous avons un rôle à jouer. Avec le GRP nous proposons un cycle de formations aux jeunes, afin de les mettre à niveau. Confrontés à une régie, dont le total des parts de marché de ses titres dépasse les 100%, il faut qu'un annonceur moyen puisse faire la part des choses! »

Télévision
La télévision fait toujours la course en tête, mais ne risque t'elle pas de connaître une érosion cette année?
Bernard Cools: « La télévision se situe à un niveau tellement élevé que je ne la vois pas progresser d’avantage. Ils ne vont sans doute pas vendre plus d’espaces mais plutôt augmenter les prix. »

Remi Boel: « Les annonceurs FMCG ont besoin de la télévision. Lorsqu’ils font des corrélations entre les investissements publicitaires et les ventes, ils constatent que cela fonctionne. En cette période de crise, s’ils veulent maintenir leur part de marché, le moyen le plus sûr reste la télé. »

Que vous inspire la politique commerciale de Transfer?
Bernard Cools: « Un modèle économique reposant sur l’approche 'vous prenez tout ou rien' va vite s’arrêter. Ils y vont assez fort avec un package obligatoire. Vu l’étroitesse des chiffres, je ne m'attends pas à de grands bouleversements. »

Remi Boel: « C’est une régie qui se cherche sur un produit, qui est nouveau en Belgique. Dans d’autres pays, comme la France, la vente en package de chaînes thématiques existe depuis plus de 10 ans. Nous avons besoin de chiffres d’audience pour prouver sa valeur ajoutée dans un plan média. Si elle réussit à avoir 2% du marché, cela lui suffit. »

Connaitra t'on une épreuve de force entre VT4 et VTM et de l'autre côté entre les régies IP TV et RMB contre leurs homologues Flamandes, sur base de l’étude Nielsen, démontrant qu'il y a surreprésentation des investissements télévisuels au Nord?
Bernard Cools: « Chez VTM et dans les régies du Sud, on craint en effet le renforcement programmé de SBS avec les programmes de Woestijnvis. L'attractivité publicitaire de VT4 et de Vijf Tv risque d'augmenter. VTM est certes concernée, mais IP et RMB aussi. Elles pourraient se voir un peu siphonnées, parce qu'il faut mettre plus d'argent au Nord. »

Remi Boel: « C'est un scénario à court terme. Les annonceurs sont très intéressés par le Nord et beaucoup d'entre eux sont aussi néerlandophones. Ils vont éventuellement investir d'avantage au Nord. Une fois que les audiences seront connues, on risque d'assister au phénomène inverse. Grâce au fait que SBS prendra aussi une part d'audience à la VRT et grignotera la part de marché de VTM, avec un même niveau de GRP, on arrivera à une couverture nette plus élevée dans le Nord, ce qui dégagera du budget pour le Sud. Ce sera sans doute pour 2013. »

RMB se situe-t-elle à un carrefour, avec l'abandon du print et le départ de MTV?
Bernard Cools: « La décision de laisser tomber le print est logique, elle va sans doute se renforcer dans le online ce qui est normal par rapport à leur métier de base la télévision et la radio, qui pour sa part est une véritable success story. »

Remi Boel: « Quand on regarde les parts de marché de La Une, de 1998 à aujourd'hui, on voit un effet Philippot. Il y a une stabilisation. En programmant The Voice, la RTBF investit dans des émissions à risque et aussi dans un nouveau profil de programmes. Voici quelques années on n’aurait jamais pu imaginer un programme comme The Voice sur La Une. Cela aura pour effet de rajeunir le profil des téléspectateurs. »

Vous parlez d'un effet Philippot, à l'inverse RTL peut-elle pâtir d'un effet Tacheny?
Remi Boel: « Je crains que oui. Freddy Tacheny était plus qu'un directeur général d'une régie auparavant et de chaînes de télévision par après. Il était RTL! Il était à la base du concept de Club RTL et de Plug TV. En perdant Freddy, ils perdent une partie de RTL. Il n'y aura pas d'impact direct, mais dans quelques années, ça risque de se traduire dans les parts de marché. »

Internet
Les investissements online progressent certes, mais nous restons à la traine par rapport à d'autres marchés. Y-a-t'il une solution?
Remi Boel: « Je ne sais pas si une progression de 18% est mauvaise? Mais on ne les retrouve pas dans les chiffres MDB. Il faut sans doute optimiser la mesure de ce qui est vraiment dépensé sur internet. Nous ne disposons pas de toutes les informations même auprès des régies qui jouent le jeu. Au niveau de la gestion des bons de commande, il y a encore beaucoup de choses à faire. Comme abandonner le fax au profit de l’internet… »

Bernard  Cools: « Sans oublier qu’il y a une pléthore de régies et une perte d’efficacité monstrueuse. Une personne travaillant pour un éditeur cross média me disait que le online représentait 13% de son chiffre d’affaires et 60% de son emploi du temps. »

La donne est faussée au niveau des régies online?
Bernard Cools: « Sur d’autres marchés où les audiences internet proviennent d’un panel, on dispose des audiences des Google, Facebook et cie. Le marché accepte ce taux d’erreur. Le nombre de régies induit une pression à la baisse sur les coûts aux 1000. Ce qui fait la différence c’est le prix. Le message à donner est l’optimisation des procédures! Car à l’exception de quelques régies, comme PebelMedia, qui s’est inspirée des modèles des médias classiques, ou encore Skynet et Beweb, la situation n'est pas optimale. Quand des créatifs d’agences digitales ne lisent même pas les spécifications qu’on leur fournit, ça ne peut pas marcher. La mentalité diva qui existait dans les agences média voici 10/15 ans c’est déplacée côté online. »

Radio

La radio est en excellente santé. Difficile pour elle de faire mieux en 2012?
Remi Boel: « Quand on compare la part de marché de la radio en Belgique - entre 11% et 12% - par rapport à d’autres pays européens, il n’y en a peu où elle est aussi élevée. En 2010, la radio a surtout empiété sur le terrain de la presse quotidienne. Beaucoup d’annonceurs sont passés de la PQ à la radio. »

Côté Sud, on peut parler de maturité, côté Nord de construction?
Remi Boel: « En Flandre, on peaufine les formats, avec l’éternelle question est-ce que MNM doit être une chaîne de service public? Mais ceci est du ressort d’un lobbying politique. Je pense que Q-Music doit penser à revoir sa copie, car sa part de marché est en train de se stabiliser, voire de diminuer sur certaines cibles. Je crois qu’ils ont besoin d’un Q 2.0. Pour sa part Nostalgie a trouvé sa place. »

Presse Quotidienne

L'état de santé de la presse quotidienne est-il alarmant?
Bernard  Cools: « Ce n’est pas facile, même si la presse quotidienne démontre tous les jours qu’elle développe du chiffre d’affaires. La grande distribution conserve une belle place; 70% de ses investissements vont en PQ. Ca prouve que la presse quotidienne permet de vider les rayons!  C’est un média qui doit aussi prouver qu'il participe à la construction de marque et d’image. C’est à ce prix là que les annonceurs reviendront Faute de quoi la spirale descendante se confirmera.»

Y aura-t-il des morts?
Remi Boel: « Ces derniers temps, ils se sont principalement concurrencés entre eux. Il y a un manque de solidarité. On l’a vu avec le détricotage de Scripta, qui était une régie bien structurée et qui défendait les intérêts de la PQ. C’est sans doute le résultat de tensions entre éditeurs. Cette guerre interne leur a coûté beaucoup d’argent. Ils ont détricoté le MP1 et le MP3, ce qui a ouvert la porte aux régies radio.»

Presse magazine

Investir en presse magazine est-il encore porteur?
Bernard Cools: « Les magazines offrent du ciblage, ce qui devrait être bien reçu chez les annonceurs... On peut parler d'une exception Belge, car leur situation à l’international est bien meilleure. En France, lorsque l'actualité est porteuse, c'est tout bénéfice pour la presse magazine. Rik De Nolf reconnaissait que l'affaire DSK était très bénéfique pour L'Express. En Belgique, ce genre d'affaires n'a pas d'effet sur les ventes.»

Remi Boel: « Yves Leterme et ses sms à sa maîtresse, n'ont pas fait de vague... En tant que média de complément à la télévision, il est le premier à tomber. Il pâtit de la crise. La presse magazine avait un monopole sur les groupes cibles pointus et une place de choix en tant que média avec lequel on est seul en face à face. Aujourd'hui, cela se perd avec les iPad et autres tablettes... Les magazines souffrent de tous les côtés.»

Cette situation n'est pas franchement nouvelle!?
Remi Boel: « Ca remonte à 1989, avec la maturité de la télévision. Avec VTM, la part de marché de la télé a augmenté tout d'un coup, en passant de 14% vers 35%. Pour la presse magazine Flamande, c'est le début du départ des FMCG. »

Affichage

Même si le média perd des plumes en période de crise, les régies vont quand même de l'avant?
Remi Boel: « On est déjà dans une situation de quasi duopole. Ceci dit, JCDecaux et Clear Channel sont de plus en plus dynamiques sous l’impulsion de leurs maisons mères. Le dynamisme de Clear Channel n’est pas spécialement généré depuis la Belgique. Les formats digitaux dans les gares sont imposés par l’international. Ce qui est une bonne chose, mais Stéphane Lameire donne l’impression que son cerveau est resté en télévision alors qu’il doit vendre de l’affichage. C’est assez rigide, mais il apprendra. »

Bernard Cools: « Le petit format, qui s'apparente à un investissement tactique, se porte bien. La difficulté réside sur les grands formats, les investissements d'image. Je trouve que la création souffre également. Lorsque l'on voit des annonces presse recyclées en affichage, ce n'est pas bon, surtout en format panoramique. Faute d'idées, le média n'est plus efficace. »