Audit mode d’emploi

Audit mode d'emploi - Koen Pieraerts - pub5-2012

Articles traduits

Les audits… pas souvent appréciés par les agences média.

Les audits sont souvent au cœur des problématiques du monde de la communication. Les agences média n’échappent pas à cette réalité. Mais qu’en pense-t-on dans les rangs de ceux qui signent ces rapports? Nous avons donné la parole à un acteur de terrain.

·        La Belgique un cas unique?
·        Hausse du nombre d’audits depuis 2008

En août 2011, l’UMA se fendait d’une prise de position claire et constructive à l’attention des sociétés d’audit. En cause, certaines pratiques et principalement la méconnaissance qu’ont certains auditeurs du secteur qu’ils sont censés analyser. Dans ce contexte, il nous a paru intéressant de donner la parole à la «défense». Il faut dire qua dans les rangs de cette dernière, on ne se bousculait pas au portillon. Finalement, nous avons frappé à la bonne porte en contactant Koen Pieraerts, partner de KPI Consultancy, travaillant en tant qu’auditeur pour des clients tels qu’Accenture, Red Bull…
Koen Pieraerts est partner de KPI Consultancy. Il travaille pour des clients tels que Accenture, Red Bull et d'autres qui garderont l'anonymat.

Pour quelles raisons vous demande-t-on de réaliser un audit?
« Un annonceur peut avoir diverses raisons, objectives ou subjectives, de demander un audit. Souvent, ces raisons sont liées à la recherche de davantage de transparence, de clarté. Le marché des agences média est structuré selon les principes d’un marché oligopolistique sur lequel un nombre limité de fournisseurs proposent un même service/produit exclusif. Souvent, ces fournisseurs s'unissent au sein d'organisations professionnelles excluant toute ingérence de l'extérieur. Une agence média fait des recommandations stratégiques sur la base de données de marché semi-exclusives; au départ de ces recommandations et des objectifs de l’annonceur, le média mix idéal est défini, ainsi que le budget adéquat. Les conditions sont négociées avec les différents médias puis les achats médias sont réalisés. Les cibles propres sont définies et l’on procède aux optimalisations, après quoi les agences média évaluent leur propre travail. Ce sont souvent ces évaluations qui permettront à l’agence média de calculer son propre bonus… Bref, le processus est entre les mains de l’agence de A à Z. C’est pour cela, notamment, qu’un deuxième avis est nécessaire. De plus les dépenses média sont souvent substantielles, d’où le besoin de transparence sur une base objective et neutre. L’audit des performances media par une tierce partie est par ailleurs une pratique courante dans la plupart des pays européens. Mais en Belgique, à ce jour, cette démarche rencontre encore beaucoup d’opposition.»

Y a-t-il une augmentation du nombre d’audit depuis ces dernières années? Et pourquoi?
«Une chose est sûre, depuis la crise de 2008, on constate une demande croissante d’audits média. Cette demande croissante cadre avec l’optimalisation de l’efficacité des achats média, la demande croissante de MROI (depuis la fin du 20e siècle) et la quête de davantage de transparence. Il y a également de plus en plus d’annonceurs qui remettent en question les médias traditionnels ou qui se demandent pourquoi en Belgique les médias numériques sont encore tellement peu recommandés. »

Avez-vous une obligation de résultat pour vos clients?
« Vous vous demandez peut-être si un auditeur s’engage à atteindre un certain pourcentage d’économie? Un auditeur a un rôle neutre et objectif. Par définition, les économies les plus importantes ne sont pas forcément la meilleure alternative. Par ailleurs, l’agence achète des médias et pas l’auditeur. Nous ne nous engageons dès lors pas à réaliser un certain pourcentage d’économies. Parfois, on nous demande de procéder à une évaluation du pourcentage total d’économie possible, en tenant compte de paramètres qualitatifs et financiers. Parfois ça fonctionne, parfois pas. Pour réaliser une évaluation, nous allons toujours devoir analyser les données au préalable. J’ai toutefois connu des cas où l’on me demandait juste de lire le contrat et de poser quelques questions, afin de voir quelles étaient les éventuelles économies possibles. »

Un audit peut-il faire l’objet lui-même d’un audit? Dans quelles circonstances?
« En Belgique, j’ai toujours l’impression que c’est avant tout l’auditeur qui est audité. Et toujours par l’agence média qui fait l’objet de l’audit. Mais blague à part, un annonceur - notre commanditaire est en droit de poser des questions critiques quant à notre mode de travail.»

L’auditeur est rémunéré par un salaire fixe ou celui-ci peut évoluer en fonction des résultats obtenus?
«Personnellement, je suis payé à l’heure, donc pas d’incentives ni de commissions secrètes. Je suppose que pour les contrats d’audits internationaux, l’on négocie probablement des bonus, qui sont dans ce cas mentionnés dans les contrats. J’ai déjà refusé des missions pour lesquelles on me demandait si j’acceptais une rémunération sur la base du pourcentage d’économies réalisées. Pour des raisons déontologiques, je refuse ce genre de propositions. Je souhaite en effet pouvoir accomplir mon travail de manière objective et refuse d’être tenté d’influencer les résultats afin d’accroître ma rémunération.»

Comprenez-vous les critiques émises par l’UMA par rapport aux audits?
« Je comprends partiellement les critiques de l’UMA, personne n’apprécie de voir son travail contrôlé. Ceci dit, la Belgique est un petit pays avec deux paysages médiatiques totalement différents. Cela signifie que les équipes plus petites doivent accomplir un travail double pour des honoraires internationaux identiques et des dépenses média plus modestes et ce, dans un paysage médiatique qui, au niveau de la complexité des études de marché, se trouve en avance par rapport aux autres pays. Si on ne tient compte que de la rémunération officielle, pour certains annonceurs, les agences média belges travaillent quasiment à perte. Je pense aussi qu’une agence média ne peut plus travailler de manière indépendante, à cause du mode de rémunération et des commissions parfois cachées et des incentives.  Je pense que nombreuses critiques de l’UMA disparaîtraient si les auditeurs pouvaient obtenir les données CIM à un prix correct. Je me souviens qu’en 2005/2006, on était absolument contre l’éventualité de communiquer les données CIM aux auditeurs. Depuis lors, on a connu une évolution positive; au terme d’une longue réflexion, les auditeurs ont enfin pu acheter les données, mais à un prix exorbitant… On progresse…»