Du coupon à Facebook

Du coupon à Facebook - Daniel Morel -pub10-2012

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Direct & Interactive / A bâtons rompus avec Daniel Morel

Présente dans une cinquantaine de pays, l’enseigne Wunderman, spécialisée dans les marketing services, conjugue l’interactivité à tous les temps. Pour son ceo Daniel Morel, entre les coupons des années 50 et les réseaux sociaux d’aujourd’hui, la priorité reste la même: les consommateurs avant les marques.
·        Les J.O. et 44 élections au niveau mondial ont soutenu les investissements
·        Les réseaux sociaux en passe de vivre une situation oligopolistique
·        Smartphone: deux tiers du budget consacrés à la technologie, un tiers à la communication

"Certains disent qu'on n'a pas encore démontré l'efficacité de l'approche social média sur Facebook. Je leur réponds, tout le monde y est présent, si vous n'y êtes pas, vous ratez sans doute quelque-chose!" Daniel Morel

Le réseau Wunderman, partie prenante de Young & Rubicam et donc membre du groupe WPP, a pignon sur rue depuis la fin des années 50. Il se distingue à travers le monde dans le registre des marketing services. Aujourd’hui encore, il fait sienne la devise de son fondateur Lester Wunderman: «Don't write an ad. Start a conversation.» Le dialogue entre l’agence et les consommateurs reste une priorité. Si, certes celle-ci roule pour ses clients, c’est avant tout avec les consommateurs qu’elle entretient le dialogue. Son ceo Daniel Morel ne tient pas un autre discours. A la tête de Wunderman depuis 2001. Il n’a de cesse de renforcer l’emprunte de son enseigne. «Toutes les agences de publicité sont maintenant sur notre territoire, le direct interactif. Le travail créatif est différent, mais nous nous devons d’être attentifs, en associant la dimension storytelling avec l'aspect data insight.»

Lorsque l’on parle de perspectives en termes d’investissements publicitaires, les médias ont une visibilité à court terme. Qu’en est-il à vote niveau?
Daniel Morel: « Mon travail est plus simple parce que je ne m'arrête pas à l'Europe. J'ai une vision globale. Le travail de mes agences à Bruxelles, Paris, New-York est plus compliqué. Elles ont peu de boutons sur lesquels appuyer. En communication, nous bénéficions cette année de deux grosses locomotives: les J.O. et des élections. Au total 44 à la surface de la terre, avec notamment les présidentielles américaines et françaises. Ces facteurs nous ont porté. Deuxièmement, nous sommes un indicateur tardif des trains d'économie, mais un baromètre avancé des reprises. Les marques ne vont pas annuler une campagne publicitaire alors que l'on est à la moitié du chemin et que des réservations média ont été opérées. On traine un petit peu, mais on continue, parce qu’il s’agit d’investissements qui ont été consentis. Le quatrième trimestre 2011 était déjà très faible aux Etats-Unis, on est remonté en début d'année 2012 et retombé un peu suite à la crise grecque... Nous allons avoir une bonne seconde année. 2013 pose davantage de problèmes. La première partie de l'année va être relativement dure partout, il n'y a rien qui nous pousse. La seconde partie plus positive. »

Considérez-vous que les agences traversent, parallèlement à la crise économique, une crise structurelle?
«C'est une questions qui s'adresse davantage à mes collègues publicitaires. Ils vivent une révolution et ne savent pas trop bien où aller. Pour notre part, c'est différent. Nous sommes interactifs depuis 1958. Nous avons toujours été habitués à la réalité des deux axes de communication avec le consommateur au centre. Je dis toujours à nos clients que nous ne sommes pas une agence de communication de marque, mais une agence de communication pour le consommateur. Nous lui avons toujours parlé directement. Nous avons communiqué à l'aide du coupon, d'un catalogue, pour passer ensuite à la direct response television et aujourd'hui à une interactivité online. Nous maitrisons des données depuis les années 60. Je note, que lorsque l'on parle de monétisation de données à Facebook ou Google, ils ne se présentent pas comme des sociétés high-tech mais comme des entreprises média, gérant des données. »

L'omniprésence d'internet, des réseaux sociaux et des moteurs de recherche s'accompagne aussi d'une multitude données qui ne sont pas pertinentes, fiables… Est-ce problématique?
«Ca ne m'inquiète pas trop. Si vous me posez une question au niveau de la télévision, je dispose de 50 années de données. Le web est émergent, il débute à peine. Nous accumulons des montagnes de données,  parce que c'est facilement réalisable et ce n'est pas cher. Nonante pourcents des ventes de voitures commencent sur internet. Les gens arrivent ensuite chez un concessionnaire avec un aperçu imprimé de leur voiture complètement configurée. Tout le travail, qui s'opérait dans le show room, se fait désormais à la maison face à son écran. L'efficacité de ce canal là est énorme, il assure le travail de prévente. Certains disent qu'on n'a pas encore démontré l'efficacité de l'approche social média sur Facebook. Je leur réponds, tout le monde y est présent, si vous n'y êtes pas, vous ratez  sans doute quelque-chose!   Si j'ai un million de dollars supplémentaires, où dois-je les placer? Online, en télé, en promotion ...? Tout le monde essaye de démontrer l'efficacité relative d'un million de dollars investis surFacebook, par rapport à la même somme en search engine optimisation ou dans un call center? Les gens passent 25% de leur temps sur internet, or 6% des investissements médias se retrouvent sur ce canal. Il y a donc un fossé qu'on essaye de combler. Jusqu'à présent on n'a pas encore trouvé la manière d'utiliser ce médium dans ce qu'il a de plus original. »

Si l'audience des réseaux sociaux est indéniable, nombre de démonstrations attestent qu'ils ne contribuent pas la à la vente. Certains prédisent même leur mort à moyen terme. Interpellant?
« Il y avait une exposition d'anciennes voitures à Paris; des marques qui existaient voici plus d'un siècle, comme Dion Bouton, Panhard & Levassor et beaucoup d'autres encore. La France comptait à l'époque entre 50 et 80 marques de voitures. Aujourd'hui, il y en a trois. Si vous me dîtes qu'il va y avoir à termes une agrégation de ces plateformes et que certaines vont disparaître. Je vous concède le point immédiatement. Dans toutes les industries, on arrive à une situation oligopolistique où seules quatre ou cinq plateformes en bonne santé vont survivre. A un moment, il faut que ces réseaux arrivent à vivre de leur business, notamment grâce aux investissements publicitaires qui fonctionnent ou via une forme de souscription. Mais tout dépend des marchés... En Chine, où il y a 92 millions de blogs très actifs, nous avons lancé un modèle Ford en utilisant uniquement cette voie là, sans publicité. Nous avons vendu la voiture avant même qu'elle soit exportée! Si GM dit que Facebook ne fonctionne pas c'est parce-ce qu'ils ne savent pas l'utiliser correctement. »

Nous avons tous un smartphone ou un mobile, par contre on constate que la publicité ne décolle pas. Une explication?
« En 2012, le taux de pénétration mondial du smartphone est de 33%. Le CFO de City Bank à New-York, à l'occasion d'une présentation, montrait deux tableaux. Deux milliards de personnes possèdent un compte en banque au niveau mondial et cinq milliards un téléphone. Sa question était: Comment peut-on transformer ces détenteurs de téléphones en acteurs au niveau bancaire? Parallèlement, il n'y a qu'un tiers de ces personnes qui disposent d'un smartphone. Parmi ceux-ci la plupart ne sont pas aussi sophistiqués que l'on croît. Ils ne supportent pas toutes les applications qui circulent. De plus, c'est très cher de communiquer par ce biais, en regard de la multitude de standards. Sur un budget de 100.000 euros, deux tiers sont dépensés au niveau technologique et un tiers en communication! Quand émergera un standard technologique commun, les investissements suivront. Chez P&G, quand le taux de pénétration d'un produit arrive à un tiers de la population, ça devient intéressant d'investir. »

Le nombre élevé d’applications ne gangrène t-il pas la communication sur smartphone?
« Non, à Londres j'ai pu tester avec ma fille, une application liée au Victoria & Albert Muséum. J'ai visité le musée l'application en main et quand je suis sorti vers 17h. j'ai reçu un message me proposant de prendre le thé dans des établissements à proximité. Je n’ai donc pas du sortir de mon application. Nous nous dirigeons vers une ‘app economy’. Les gens se retrouveront plus sur une application que sur un moteur de recherche. Quant à l'overdose, je n'y crois pas car il y a cinq milliards de personnes à la surface de la terre et qui ont toutes des besoins particuliers. Il n'en faut pas cinq milliards mais un grand nombre qui nous permettent de ne pas perdre de temps sur les moteurs de recherche. J'ai une app British Airways qui me permet de voir tous mes vols en Europe. Je fais du ski dans le Colorado. Grâce à une app, je vois toutes les stations ou je peux en faire… Les gens se tournent vers le côté one to one de l'internet. Ces applications regroupent des communautés, elles deviennent des réseaux de communication. La population va se partager en tranche d'affinités. »

Notre conversation est fort teintée de digital. Pensez-vous que les médias classiques ont fait leurs temps?
« Mon smartphone est à l'origine un téléphone, mais c'est aussi une télévision portable, une radio, un magazine... Je consulte toujours des magazines quand j'ai du temps, parce que j'aime les belles photos. La plateforme devient neutre. Il faut arriver à monétiser le Wall Street Journal online, Le National Geographic ... Il faut assurer cette monétisation. Je n'ai pas de problème à payer pour lire FT online. Ce n'est naturellement pas encore entré dans les mœurs. Il aurait fallu mettre un timbre sur chaque e-mail pour l'envoyer! Les gens acceptent de payer pour une chanson. Il suffit de mettre en place de bonnes plateformes facilitant le paiement. Les gens n'accepteront pas de payer si le contenu est nul mais bien s'il a de la valeur ajoutée. Je n'ai pas de problème à payer un contenu qui a de la valeur et qui est exclusif. »

Coup d’œil sur These Days
Déjà présent en Belgique avec l’agence éponyme, Wunderman a renforcé sa position sur notre marché en 2007 en acquérant These Days. Cette dernière, fondée en 2001, partage les mêmes valeurs que sa maison mère avec un savoir-faire consommé en interactivité digitale. Réseaux sociaux, community management, gestion de contenus, CRM… voilà autant de disciplines pratiquées par ses équipes, basées à Anvers et Amsterdam. Pour Daniel Morel, la place de These Days au sein du groupe n’est pas négligeable. «Je suis très content de leurs prestations. Je souhaite qu'on comprenne davantage que These Days œuvre à l'intérieur de Wunderman. Les comptes globaux représentent un tiers de leur business. These Days travaille à la fois sur la Belgique et les Pays-Bas. Désormais, ils vont devenir très proches du réseau Wunderman, premier réseau CRM mondial. Nous espérons qu'il y aura une collaboration encore plus étroite entre leurs activités et celles du groupe. Ca va venir, car ils vont hériter de comptes internationaux et européens à valoriser.»