Hungry Minds : Quand Paul Vacca et Fred Colantonio attirent l'attention !

Media / News

Le consommateur accorde 7’’ d’attention à un message...Un poisson rouge, 8 !
C’est à partir de ce constat qu’Hungry Minds a organisé l’AD for ADD (Advertising for Attention Deficit Disorder…), le jeudi 13 février à The EGG, Bruxelles, afin de faire le point sur comment capter l’attention de nos cibles. Nous ne serions pas étonnés d’apprendre que la génération Z scrolle jusqu’à 1km par jour… ou que la production quotidienne de data dans le monde, imprimée sur du papier format A4, équivaudrait à 3 aller-retours jusqu’au soleil… Mais alors, comment tirer son épingle du jeu et toucher la bonne personne, au bon moment ? Paul Vacca, romancier, essayiste, chroniqueur et consultant, a animé une présentation autour de « La tension qui capte l’attention » et Fred Colantonio, conférencier, consultant et auteur, a parlé de « The Lost Consumer ». Tous deux ont partagé leur expertise lors de cette conférence animée par la spicy et talentueuse, Fanny Ruwet, étoile montante du stand-up belge, chroniqueuse sur France Inter, Pure, et qui rappelle détester cette manie du secteur à utiliser des mots anglais pour faire plus « cool ». Au menu? talks, music, networking, fun, beers… of course !

Paul Vacca - « La tension qui capte l’attention »

 « Avec un marché de plus en plus densifié et un nombre de supports de plus en plus élevé, le but des médias et ce, depuis le siècle dernier, est de vendre du temps de cerveau disponible pour les marques comme Coca-Cola par exemple. On parlait déjà à l’époque de cette économie de l’attention. Celle-ci prenant de l’ampleur, tout est devenu "serial" et décliné en plusieurs épisodes/phases/événements,… Au-delà de capter, c’est essayer de captiver sur le long terme. »

Pour internet, selon Paul Vacca, nous sommes passés du linéaire à l’immersion. C’est-à-dire qu'au début, nous surfions sur la toile, nous nous rendions sur des sites chercher des infos secondaires sans entrer profondément dans les choses. Et puis, deux événements ont déclenché le changement : le haut débit et les algorithmes. « De la linéarité de l’attention, on est passé à un aspect de plongée. On parle aujourd’hui d’une notion de profondeur. Maintenant, l’attention se fait en profondeur. Nous arrivons aussi dans quelque chose de différent avec l’arrivée des réseaux sociaux, surtout à partir de l’apparition du pouce bleu, apparu il y a 10 ans. C’est là que nous sommes passés de l’attention à la tension. En 2009, le like devient le booster du système de Facebook et fait exploser le réseau. Zuckerberg veut renforcer cet aspect en captivant toujours plus les utilisateurs et en leur donnant une réelle raison de rester. C’est le moment Frankenstein pour Zuckerberg où son réseau lui échappe totalement. Tout le monde a découvert ce que procurait ce pouce : une drogue qui flatte l’égo et qui exprime la reconnaissance, la dopamine. »

Ce pouce est devenu révélateur de quelque chose et a amplifié la raison d’être des réseaux sociaux qui est notre identité : « L’identité, on l’exprime souvent par des moyens négatifs comme l’indignation (devenue excessive aujourd’hui), ça nous met à la place de quelqu’un de bon et d’intéressant. L’indignation amène un autre point dans l’identité, c’est la polarisation. Les oppositions se renforcent mutuellement entre les contres et les pour. Ce qui nous amène à la radicalisation où ça monte crescendo. Et ces algorithmes et ces likes finissent par nourrir ce genre d’oppositions. Par exemple, si on laisse des vidéos en lecture automatique sur Youtube, petit à petit celles-ci vont devenir radicales... » Danger !

Aujourd’hui, comment faire passer un message positif ? « Il faut détourner la chose et par exemple, pour défendre la paix, il faudrait dire « je suis opposé à ceux qui sont contre la paix ». En gros, avec cette idée de polarisation, on arrive dans un système de double négation, ce clivage aura plus d’impact qu’un simple message positif. »

Le chemin de l’attention vers la tension, d’après Paul Vacca, serait le suivant : au début, il fallait capter l’attention. Ensuite, avec la fidélisation, il a fallu captiver et nous devenions nous-mêmes captifs d’un système. Aujourd’hui, avec l’attention identitaire, nous sommes capturés dans un système identitaire où l’attention a un rôle très fort à jouer. La moindre chose négative, qui s’oppose à une opinion, est tout de suite prise comme quelque chose qui va à l’encontre de notre identité.

Pour les marques, comment faire pour se démarquer sous cette tension des réseaux sociaux ? : « La marque est un peu tiraillée car elle doit tenir des discours positifs et avoir du sens, des valeurs fédératrices. Est-ce que finalement l’engagement promulgué par les réseaux sociaux n’est-il pas plus un engagement pour les réseaux sociaux eux-mêmes, plus que pour les marques ? Ça c’est la grande question. Mais nous pourrions aussi nous demander si nous n’avons pas intérêt à trouver d’autres terrains quitte à les relier après sur les réseaux, mais d’essayer de créer de la valeur dans le contenu... »

 

Fred Colantonio - « The Lost Consumer »

Il compte jusque 7, regarde son audience et laisse un moment de silence… Il a capté l’attention. Fred Colantonio pose une première question : quelles sont les caractéristiques de cette attention aujourd’hui ? Premier élément, c’est le contexte de la compétition ; compétition informationnelle, commerciale, … « Commençons par Amazon qui vend du service client et non un produit que l’on peut trouver ailleurs. Ses points forts ? Je peux être livré quand je veux, où je veux et sans problème. Amazon s’est basé sur cette obsession client et a réussi à créer une expérience client optimale accompagnée d’une évaluation permanente. »

Le deuxième aspect de la compétition, vu que tout est évalué tout le temps, c’est de donner du crédit au consommateur, explique Fred Colantonio ; "car on a l’impression de bien faire les choses quand on doit les noter. Notre attention, radar décisionnel, tête chercheuse, est aussi conditionnée par ça. En tant qu’évaluateur, nous nous sentons investis d’un certain devoir, notre voix compte. Tout ça produit une masse d’informations, qui dans la communication promotionnelle, rend les choses difficiles. »

Selon le speaker, le fait que tout soit devenu flou s’entretient avec notre relation à l’argent, qui est centrale mais là aussi, la focale se serait déplacée. Ronaldo par exemple, gagne plus d'argent avec Instagram que quand il joue au foot. Il y a une perte de sens et de repères et donc nous sommes perdus.

"Tout ça nous conduit à quoi ? À une incertitude… Comment savoir si une décision que nous prenons aujourd’hui sera bonne demain ou après-demain ? Cette incertitude elle touche tous les secteurs et elle est renforcée. Il suffit de regarder tous les grands enjeux comme le diesel, politique, religion, l’expertise, le climat, … Personne n’est sûr de la vérité."

Dernier élément dans ce contexte qui est flou et confusant c’est la distraction : « Une hypothèse que je formule c’est quand on a le stress de situations, on s’échappe. Combien de personnes préfèrent se distraire sur son smartphone plutôt que d’avoir une relation sexuelle ? »

"Nous ne sommes plus, aucuns d’entre nous, dans des contextes propices pour consommer une information. Et c’est un nouveau facteur à prendre en compte lorsqu’on établit un plan de communication, une stratégie commerciale ou autre,…" Deuxième point d’attention, si nous voulons que les gens accordent un minimum d’attention à ce qui est proposé ; il faut identifier les éléments sur lesquels l’attention se base. C'est à dire que l’attention n’est pas si limitée qu’on ne le pense (binge-watching), ensuite il faut redistribuer cette attention qui est fractionnée. Enfin, l’attention est auto-centrée, il faut donc qu’une marque réussisse à détourner l’attention pour arriver dans le radar du consommateur et à les détourner de ce qu’ils sont en train de faire.

Là où il y a plus de technologie, il y a besoin de plus d’humain et donc il y a 3 tendances pour créer des liens avec le client : la collaboration (co-créer, co-produire,…) qui se traduit de deux manières, avec les individus et les algorithmes. La personnalisation qui prend de l’importance avec la massification de l’information. La facilitation. C’est Amazon. Si nous avions le réflexe dans tous nos services, sites web, … de trouver une manière de créer une expérience où on arrive à réduire au maximum tous les points de frictions, nous serions tous gagnants, d'après Fred Colantonio.

"Cela passe notamment par la prise en charge : la plupart d’entre nous se contentent pleinement de contacter un service client qui nous prend en charge et qui revient vers nous quelques jours après pour régler notre problème. Le tout est de pouvoir barrer cette tâche sur notre to-do list ! Cet élément permet de réduire le facteur de stress, pas besoin d’être constamment connecté, pas besoin d’un support client 24/24,… L’urgence d’une solution est donc illusion, or c’est ce que nous vendons tous…"

Photo principale : Facebook - Hungry Minds.