(Interview) Data & marketing: a match made in heaven?

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Agilytic est une startup belge de Terhulpen spécialisée en Data Science. L'entreprise se compose d'une vingtaine de (jeunes) data scientists qui construisent quotidiennement des ponts entre les entreprises d'une part et les données disponibles d'autre part. Il suffit de penser à l'IA pour mieux trier les déchets ou, dans le cas du marketing, à des analyses de données et à des modèles de grande envergure pour rapprocher les marques de leurs clients.

Et parce qu’on le sait tous : les marques ne connaissent plus leur client idéal. Le comportement des acheteurs est devenu extrêmement volatile depuis les différentes crises. Les marques qui commencent à ne s'intéresser qu'aux données sociodémographiques perdent le contact avec leurs groupes cibles. Ajoutez à cela la complexité du online/offline, le GDPR, la protection de la vie privée in-app et le coût par clic qui a triplé, et vous obtenez un cocktail explosif pour les marketeurs.

Selon Julien Theys, cofondateur d'Agilytic et également professeur de Digital Transformation à Solvay, les marques doivent tester des hypothèses basées sur les données disponibles et les intégrer dans une stratégie de données. Un client achète-t-il dix fois le même produit ou dix clients achètent-ils un produit à chaque fois ? En obtenant ce type d'informations, les marques peuvent adapter leurs stratégies de marketing et retirer des rayons les produits qui se cannibalisent les uns les autres, par exemple.  

Selon Julien, la plus grande évolution est également le retour des first party data et des "data clean rooms", un terme que vous entendrez de plus en plus souvent pour désigner les services qui combinent et vendent les first party datas des consommateurs à des fins de marketing. Selon Julien, les données acquises par les consommateurs eux-mêmes sont l'un des principaux piliers sur lesquels les marques pourront se différencier à l'avenir.

Quelles sont les données qui ont de la valeur pour un spécialiste du marketing ? Et comment construire une stratégie de données au sein du département marketing ? Comment faire en sorte que l'avenir de votre marque soit à l'épreuve des données ? Nous avons rencontré Julien, à droite de l'image ci-dessous, qui a répondu à toutes nos questions !

Une stratégie DATA cohérente est-elle devenue encore plus importante avec la crise COVID19 ? 

Julien : Oui, au cours de cette période, de nombreux clients sont passés par les canaux digitaux puisque que les canaux physiques n'existaient plus. Le premier impact de cette crise a été de confronter les entreprises aux limites qu'elles s'étaient fixées dans leur utilisation du digital. Cela nous a permis de voir quelles entreprises étaient plus ou moins bien digitalisées parce qu'il n'y avait plus de "béquille" physique pour les aider. Les entreprises disposant d'une meilleure DATA ont pu comprendre beaucoup mieux comment le comportement de leurs clients variait dans un monde en mutation. Aujourd'hui, la poussière retombe et nous avons pratiquement sauté quelques années dans la digitalisation. Nous avons mis l'accent sur l'importance du numérique et nous n'avons donc plus besoin de convaincre, mais plutôt de comprendre par où commencer.

L'omni-canal, ou le lien entre le online et le offline, reste extrêmement important, ne serait-ce que pour comprendre les comportements d'achat. De nombreux acteurs souhaiteraient aller plus loin dans leur approche qu'ils ne le font aujourd'hui, simplement pour connecter des données qui ne se parlent pas entre elles. Certains acteurs ont plus de trois bases de données différentes (retail, online, vente par catalogue, etc.), ce qui est difficile à maintenir lors de la mise en place d'actions promotionnelles. Il y a beaucoup de valeur à débloquer en faisant le lien entre ces habitudes de consommation qui peuvent parfois ne concerner qu'une seule personne. La première chose à faire est de comprendre le comportement des clients en regroupant toutes ces informations dans une seule base de données, une fois centralisées, il est possible de comprendre le lien entre le online et le offline, de comprendre si le online va booster la fréquentation du magasin ou s'il est un plutôt un frein à la croissance en soi. Il n'y a pas de solution toute faite et il est très important d'analyser acteur par acteur car ce n'est pas parce que cela fonctionne chez un concurrent que la même chose se produira dans une entreprise particulière.

Quelle sera l'importance d'une telle stratégie de données pour les marques à l'avenir ? 

Historiquement, les marques ont toujours été un peu dans le flou car elles ne pouvaient s'appuyer que sur des données parcellaires. Quand je parle avec des marques, je comprends souvent qu'elles ont beaucoup d'idées mais manquent de précision dans la granularité. C'est assez surprenant qu'elles soient si vagues sur toute une série de questions assez critiques, alors qu'en parlant avec des distributeurs, on se rend vite compte que les réponses sont là. Ce qui va se passer pour les marques et pour les distributeurs sera probablement une forme d'entraide pour glaner des informations et affronter des géants comme Amazon, elles y gagneront toutes les deux. 

Quelles sont les données les plus précieuses pour les spécialistes du marketing aujourd'hui ?

Je pense que ce sont les données comportementales. Les données socio-démographiques et historiques, il sera toujours possible de les avoir ou de les deviner, mais comprendre comment le client vote avec son portefeuille est le plus important. 

Selon vous, la plus grande évolution serait le retour des "First Party Data", comment les spécialistes peuvent-ils augmenter cela compte tenu de toute la complexité liée aux données de la vie privée ?

C'est à la fois une opportunité et une obligation, puisqu'on se retrouve à un moment à se dire : "J'ai navigué en étant dopé aux cookies durant des années, et maintenant je commence à réaliser que je risque d'en être dépourvu". Pour faire le lien avec la question précédente, il faut vraiment comprendre quelles sont les vraies questions auxquelles j'ai besoin de réponses : quels sont les types de comportement, de promotions qui fonctionnent, etc. Il est important de se faire une feuille de route et d'analyser les angles morts en termes d'informations afin d'aller les chercher. Ce qui est important pour les First Party Data, c'est de savoir qu'il n'y aura pas de source miracle. Ce sera plutôt une logique d'accumulation de sources d'informations que je vais moi-même traiter comme des sources de First Party. Mais il faut être aussi créatif pour les collecter et les consolider afin de faire un tout cohérent.

Pour le contexte de GDPR, en tant que consommateur, on doit s'en réjouir, car cela part d'une bonne intention. Forcément, pour nous, cela complique un peu les choses, mais ce n'est pas catastrophique, car nous arrivons tout de même à avoir le consentement du client et de la manière dont l'information va être utilisée. À mes yeux, il faut dédramatiser le consentement du client qui va souvent accepter les données de First Party lorsque cela est pertinent. Je suis donc assez optimiste dans le sens où je pense que si tu communiques bien avec ton client, il n'y a pas de raison que cela ne soit pas accepté.

Comment construiriez-vous concrètement une stratégie Data au sein d'une direction marketing ?

Ce que nous disons toujours, c'est "Commencez par votre objectif commercial et la data suivra". Si vous établissez votre stratégie Data de manière complètement isolée des objectifs que vous souhaitez poursuivre, vous risquez d'investir beaucoup d'argent pour très peu de rendement. La vraie stratégie Data efficace est quelque chose qui se fait en symbiose avec la priorité business. Être dans un marché saturé, avec une logique de fidélisation, ce n'est pas du tout la même chose que si vous êtes dans un secteur en forte croissance, donc selon le poste dans lequel vous vous trouvez, vous définissez une infrastructure de base et des actions analytiques adaptées aux besoins.

Quels sont vos plus gros clients et comment voyez-vous l'avenir ?

La genèse de Agilytic vient du monde des télécoms où, il y a plus de 10 ans, on cherchait à trouver des techniques analytiques avancées afin de pouvoir répondre à des questions concernant des domaines comme la fidélisation. Aujourd'hui, les services financiers tels que les banques, l'automobile, etc. sont très exigeants : ce sont généralement les secteurs dont la valorisation des données a un réel impact d'un point de vue marketing. Les services publics et le secteur du commerce font également partie de notre panel de clients, pour le second, la pandémie a joué un rôle majeur dans le rappel de l'importance de la digitalisation. Le potentiel en marketing B2B est également formidable et progresse tout doucement.

Actuellement nous sommes environ 25 chez Agilytic et nous espérons grandir de 4-5 personnes par an afin d'être une structure de référence pour toutes ces organisations qui se posent ce type de question. Nous voulons nous développer sur le marché belge mais aussi au Luxembourg et en France ; Il ne faut pas être 25 000 pour le faire, mais juste une dizaine de personnes qui travaillent et s'allient bien.