{Interview} Le CSA agit pour des publicités non-sexistes

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Le CSA a publié un guide pratique pour aider le secteur de l’audiovisuel et du marketing à s’engager activement dans les enjeux liés au sexisme dans la communication commerciale. Ce guide accompagnera des modules de formation à destination des éditeurs, du personnel des régies et, sur base volontaire, des annonceurs et des agences de pub pour déconstruire les biais de genre toujours bien présents sur nos ondes et nos écrans. Mathilde Alet, Directrice générale CSA, et Maryam Tchamekh, conseillère engagée pour rédiger le guide et préparer les modules de formation associés, ont partagé des détails exclusifs sur ce nouveau guide pratique. (Interviews ci-dessous)

Constats

Le dernier baromètre du CSA consacré à la communication commerciale en TV (2017) relevait que 41,74% des femmes présentes dans une publicité étaient associées à des stéréotypes de genre et 21,63% des hommes.

Les publicités peuvent paraître inoffensives ou anecdotiques, surtout quand elles sont écrites sur un ton humoristique, mais la répétition d’images et propos usant de stéréotypes sexistes et de genre peut impacter les individus, notamment les mineurs, renforcer les attentes spécifiques de la société quant à la manière d’être et d’agir, et contribuer à définir ce qui est considéré socialement comme normal ou non.

Du code au guide

Suite à l’adoption du Code de conduite sur les publicités sexistes, hypersexualisées et fondées sur des stéréotypes de genre par le Collège d’avis du CSA en juillet 2022, le guide pratique a été pensé pour accompagner son application. Il s’agit d’un outil pratique et pédagogique qui a été rédigé en collaboration avec le comité de suivi du Code, constitué des référentes et référents « genre et communication commerciale » désigné.es par les médias, avec l’appui d'experts et d’expertes et d’institutions partenaires. Ce guide sera notamment utilisé lors de formations pour aider le secteur à déconstruire les stéréotypes et agir sur les représentations véhiculées ou celles qu’ils diffusent.

Basé sur les notions encadrées et définies par le Code de conduite telles l’assignation de genre, la représentation idéalisée du corps, l’hypersexualisation et l’objectification du corps ou encore les violences et discriminations, chaque chapitre reprend les définitions et critères du Code de conduite et liste une série de questions qui permet d’identifier des éléments potentiellement porteurs de stéréotypes sexistes dans une publicité. Des scénarios de publicités fictives illustrent ces différents éléments et tracent aussi des pistes pour imaginer des publicités non sexistes.

En pratique

Deux modules de formation, d'une demi-journée chacun, seront organisés lors du premier semestre 2024 . Le premier aura pour but de cerner les notions que couvre le Code et d’acquérir les prérequis théoriques. Le second sera organisé sous forme d’ateliers pratiques.

Les formations seront en priorité destinées aux personnes chargées de la mise en œuvre du Code de conduite, aux référentes « Genre et communication commerciale » au sein des médias, ainsi qu’au personnel des régies, et - sur base volontaire - des annonceurs et des agences.

Interviews

Le point de vue de Mathilde Alet, Directrice générale CSA

Mathilde Alet

Mathilde Alet

Interrogée sur l'importance de s'attaquer aux stéréotypes de genre dans la publicité, Mathilde Alet souligne que bien que les stéréotypes puissent sembler anodins, leur répétition fige les rôles assignés aux hommes et aux femmes. En encourageant des communications commerciales sans stéréotypes, le CSA espère influencer positivement les normes sociales. Elle met également en lumière le caractère pédagogique et concret du guide : "Avec des exemples concrets tirés de scénarios fictifs de publicités, le guide vise à détecter les pratiques problématiques et à inspirer des publicités non sexistes. Les formations associées permettront des discussions approfondies, contribuant à une meilleure compréhension et à des pratiques plus inclusives," déclare-t'elle. 

Pour mesurer l'impact du guide sur le secteur, le CSA a mis en place un comité de suivi chargé de la mise en œuvre du Code. Mathilde Alet explique : "Ce comité s’est déjà réuni deux fois en 2023 pour discuter du Guide. Début 2024, nous le réunirons à nouveau pour initier sa mission de base : monitorer les communications commerciales qui leur sont proposées à la diffusion, ainsi que leurs pratiques en matière d’autopromotion, jingles et habillages d’antenne, à l’aune du Code. Les éditeurs mèneront une évaluation annuelle des résultats de cette action, transmettront les résultats de l’évaluation au CSA et en discuteront au sein du Comité de suivi. Les éditeurs qui ne disposent pas des ressources suffisantes pour produire une évaluation annuelle écrite pourront contribuer en alimentant les débats du Comité de suivi. Nous avons donc prévu un mécanisme concret de suivi et d’évaluation du dispositif. La première étape consistera à élaborer ensemble une méthodologie de l’analyse des publicités."

Mathilde Alet voit l'avenir de la publicité non-sexiste comme une responsabilité collective. Elle souligne la collaboration positive avec le secteur et encourage chacun à agir dans le cadre de ses compétences. "La publicité non-sexiste est bien sûr l’affaire de toute la chaîne et nécessite l’implication de toutes et tous. À cet égard je tiens à souligner encore une fois combien le travail sur le Code puis le Guide, coordonné par le CSA, est le fruit d’une collaboration très positive avec le secteur : les médias, les représentant.es des annonceurs, le Jury d’éthique publicitaire, les expert.es, la société civile. On sent que c’est une thématique qui touche et mobilise le secteur. Elle s’inscrit d’ailleurs parmi d’autres actions initiées, par exemple, par le Jury d’éthique publicitaire ou l’Union belge des annonceurs. Ce qui importe c’est que chacune et chacun actionne les leviers qui sont les leurs. On ne fera bouger les choses que par des actions multiples, continues et si possible concertées," ajoute-t'elle.

Concernant une collaboration avec le VRM pour un guide équivalent en néerlandais, Mathilde Alet affirme que bien que cela ne soit pas prévu actuellement, le CSA reste ouvert à des collaborations avec ses homologues en Belgique et au-delà. Le Code a déjà été traduit en anglais, facilitant son partage à l'échelle internationale.


Maryam Tchamek : "L'objectif du guide est d’accompagner le secteur dans la déconstruction des stéréotypes sexistes dans la publicité"

Maryam Tchamek

Maryam Tchamek

Maryam Tchamek a rédigé, en tant que conseillère au CSA, le guide pratique et créé des modules de formation sur les publicités sexistes, hypersexualisées et fondées sur des stéréotypes de genre, avec la collaboration de collègues du département Etudes & Recherches, le Secrétariat d’Instruction et la direction du CSA. Cette mission faisait suite à l’engagement du CSA à produire des outils accompagnant le Code de Conduite sur les communications commerciales sexistes, hypersexualisées et fondées sur des stéréotypes de genre adopté par le Collège d’Avis en juillet 2022. Ce travail a également été accompagné de la concertation du Comité de Suivi du Code de Conduite, composé de référent.es « genre et communication commerciale » des éditeurs, ainsi que d’expert.es du monde académique ou de la société civile. "L'objectif du guide," dit-elle, "est d’accompagner le secteur dans la déconstruction des stéréotypes sexistes dans la publicité et la promotion de contenus inclusifs et respectueux de l’égalité de genre. Mais il vise aussi à mettre en place de bonnes pratiques pour des publicités non stéréotypées. Nous espérons que ces outils permettront aux acteurs et actrices de l’audiovisuel de repérer rapidement et efficacement toute forme de représentations sexistes, mais aussi de promouvoir des scénarios inclusifs et respectueux de l’égalité de genre."

En ce qui concerne les principales étapes de création du guide, la phase de rédaction s’est principalement concentrée sur l’approfondissement des 4 grandes caractéristiques d’une publicité sexiste : les assignations de genre ; les représentations idéalisées du corps ;  l’hypersexualisation et l’objectification ; les violences de genre.

Afin d’accompagner le secteur dans la compréhension de ces notions mais aussi l’application de bonnes pratiques, chacun de ces chapitres thématiques propose différents outils : les définitions et les critères tels que définis par le Code de conduite ; une liste de questions permettant d’identifier des éléments potentiellement porteurs de stéréotypes sexistes dans une publicité ; et enfin des exemples de publicités sexistes et non sexistes. "Les scénarios de publicités proposés sont fictifs, car notre objectif n’est pas de pointer du doigt tel ou tel éditeur ou créateur. Cependant, ils sont inspirés de publicités que l’on pourrait voir ou entendre dans le paysage médiatique belge ou étranger," précise Maryam Tchamek. "Enfin, nous voulions rendre ce guide pratique le plus lisible et agréable possible à lire et à manipuler. C’est pourquoi une collaboration avec une illustratrice, Pauline Antoine (Poney Illustrations), a permis d’imager le contenu avec une série de dessins."

Enfin, les formations sont à destinations des éditeurs de SMA, des régies publicitaires, des agences de pub, des étudiants, des agences d’influenceur.euses, … en bref, à tout-e acteur.rice en lien avec les communications commerciales. Elles s’organisent sous la forme de deux modules : le premier approfondit les notions théoriques nécessaires à la compréhension du sexisme dans les communications commerciales. Le second se concentre sur la mise en pratique avec des analyses de publicités sous l’angle du genre et du sexisme.

Les différents liens utiles

La page consacrée au guide pratique et le guide

Le Code de conduite sur les publicités sexistes, hypersexualisées et fondées sur des stéréotypes de genre

Le baromètre 2017 consacré à la communication commerciale en TV

Le baromètre 2019 consacré à la communication commerciale en radio