La pub en pleine crise existentielle

Communication / News

(c) Marian Brannelly

(c) Marian Brannelly

Stan Smith, Mario Testino, Jesse Jackson, Halle Berry, les Pussy Riots, Christine Lagarde. C’est à peu près tout pour les super stars internationales à Cannes en juin. Un tout autre univers que le mois de mai où les célébrités peuvent vous tomber dessus à chaque coin de tapis rouge. Pas de nœuds pap’ ni de limousines aux vitres teintées, mais des barbes, des t-shirts hype et des logos d’entreprise. Il est bon de se le rappeler, les Cannes Lions  fonctionnent dans un écosystème fermé dont seuls les intéressés connaissent les enjeux. Sur place, même les autochtones ne savent pas très bien quel est ce « congrès ». Pourtant ne pensez pas que les Cannes Lions jalousent leur prédécesseur.

Pour prendre soin de notre spleen post-cannois bien trop précoce, on a ressorti un excellent article de 2016 de Raphael Roy (entrepreneur et publicitaire) publié dans la revue Le Débat (Gallimard). On y comprend que si les derniers mois ont connus des bouleversements politiques et technologiques - que tout va très vite - Cannes cette année c’est… du réchauffé. On y parle encore et toujours de big data, de brand content, de social et d’engagement, de confiance, d’éthique, de storytelling, d'innovation et de transformation digitale, d’objets connectés, de réalité virtuelle, de l’humain (avant tout !) et –beaucoup - des millenials. Bref, les enjeux n’ont pas changé et le milieu a toujours du mal à les dompter ! Les réseaux sociaux par exemple, sont devenu un élément substantiel de la stratégie media des annonceurs. Mais si ça l’est depuis un bon bout de temps déjà, il manque encore d'outils et de connaissances pour les maitriser. On croit savoir mais on ne sait rien ! Si la pub restera à jamais et principalement une affaire d’idées, il lui faut encore trouver un certain équilibre entre la data et la création (sans que l'idée ne plie sous le poids de la technologie). D’autant plus que les annonceurs doivent désormais regagner la confiance des consommateurs !

Ce qui nous mène à cet article que nous mentionnons. S’il date de 2016, il est pourtant intemporel. Comme nous l'a confié l’auteur, « les tendances qu'il décrit sont à l'œuvre depuis quelques années maintenant et renforcées d'année en année. Nous avons même l’impression que cet article est plus actuel en 2017 encore que l'année dernière. » Mais que décrit-il ? La crise existentielle de la publicité ! Et il ne parle pas là d’une crise financière. D’accord, la publicité est toujours aussi dynamique - « sa capacité à investir chaque lieu, chaque support, chaque moment, pour en faire un espace publicitaire ou une occasion de voir, d’entendre, de vivre un message promotionnel, avec l’aide et la bénédiction des nouvelles technologies, est devenue hors norme » - mais elle connait une crise identitaire qui dure depuis près de 10 ans. « Ce que nous raconte Cannes, au-delà de l’anecdotique et du pittoresque, c’est l’histoire d’un malaise existentiel, non seulement d’une profession, mais de tout l’écosystème économique et humain dont elle fait partie, sans parler de la mystification intellectuelle qui l’accompagne», continue Raphaël Roy.

En discutant avec les agences et annonceurs cette année, un mot émerge : le multiforme. Tout est bouleversé, entremêlé, on s’y perd car le marché de la communication se fractionne et les publicitaires dans ce joyeux mélimélo se mettent à toucher à tout. S’en suit une fragmentation de la concurrence, une concurrence sur les talents bien plus que sur les clients. Difficile de se démarquer face à des concurrents protéiformes. Bienvenue dans l’ère de la transformation digitale !

Et l’article, que nous vous invitons vivement à lire, de se conclure par cette très belle envolée lyrique :
« La réalité n’est pas à la hauteur de la grande messe rhétorique à laquelle on a assisté. La publicité a enfanté d’un monde qui est parvenu à la mystifier elle-même.

Que faire maintenant ?

"Écrire le grand roman américain. Monter son affaire. S’exiler à la campagne. Prendre le temps de voyager et redonner sens à sa vie. Les vieux rêves reviennent, caressé le temps d’une introspection passagère à la terrasse d’un café de l’Est parisien, dans la solitude de l’open space ou derrière les parois de verre d’un bureau confiné. Un ciel désormais bas et lourd a recouvert les envolées cannoises. Le téléphone vibre. Déjà, la prochaine réunion. Il faut la préparer, arriver avec une idée, une certitude, encore une. Vite, c’est pour demain. L’urgence, permanente. Plus tard, il faudra réinventer notre métier, se disent les derniers publicitaires, et ils clignent des yeux. »