L'avènement de la télé sociale

L'avènement de la télé sociale - intro beeld - pub11-2013

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Après la presse écrite, c'est au tour de la télévision d'être contaminée par les réseaux sociaux. Plus question pour eux d'être les simples faire-valoir du petit écran, ils entendent bénéficier des revenus tirés de leur présence intrusive. Second écran, analyse des interactions, profil des internautes... Bienvenue dans l'ère de la social TV!
Le pourcentage de lecture d'un article de presse généré par Facebook ne dépasse pas en moyenne les 5%. Pour Twitter, qui par nature entretient une relation privilégiée avec l'information, on serait tenté d'espérer plus, mais tout ceci ne pèse pas lourd face au raz-de-marée qui nait de la symbiose entre la télévision et les réseaux sociaux. Sociologiquement parlant, la relation est aussi autre. Côté presse en ligne, le contenu est partagé et commenté via ces plateformes. En ce qui concerne la télévision, il est moins question de partage de contenus que de participation au show médiatique. Jusqu'à présent, cela se manifestait à travers un réseautage ludique, alimenté par des programmes tels que The Voice, Belgium's Got Talent, certaines rencontres sportives ... On encourage, on critique, bref les internautes se font mousser allègrement et parfois se retrouvent cités à l'écran. Le bonheur absolu.

LE TELESPECTATEUR INTEGRE AU PROGRAMME
Chaque réseau a ses spécificités en termes d’utilisation. « Facebook est intéressant mais pas pendant la diffusion du programme en direct. Les postS se manifestent avant ou après l’émission. Twitter c’est du direct, mais les tweets ne proviennent pas nécessairement de personnes qui regardent la télé. On trouve des adeptes du bon mot et des personnes qui répondent à d’autres. Nous avons aussi nos propres forums et Chat. » explique Jean-Jacques Deleeuw, directeur Newmedia chez RTL. Pour
Stéphane Coruble, directeur du News Business chez IPTV, il faut surtout miser sur une relation gérée en interne: « Rester en interaction avec le téléspectateur ne doit pas nécessairement passer par Facebook. Via RTL Connect, le nouveau jeu 'What do I know', proposera une interactivité via le second écran. Tous nos programmes permettent déjà d'interagir via une fenêtre avec les icônes Facebook et Twitter.»
Adepte du second écran, RTL Belgique se montre très attentive à l'acquisition par M6 Groupe et RTL Allemagne des droits de diffusion « Rising Star », un programme dans lequel le téléspectateur se voit intégré dans le concept. Ce tour de chant, qui devrait ranger au placard des formats comme « Nouvelle Star », « Star Academy », « American Idol » et cie, fonctionnent exclusivement grâce au second écran. Produit par la société israélienne Ted Production, il se définit comme le programme le plus interactif de la télévision. Le concept repose sur le vote des téléspectateurs pendant la prestation d’un candidat chanteur. Armés de leur tablette ou smartphone, ils utilisent Mako Tv, une application dédiée à cette fonction. Les téléspectateurs votent en temps réel via leur compte Facebook. Le candidat se retrouve face à un rideau d’écrans, où apparaissent les photos de profil de ses fans. Lorsqu’il obtient 70% de votes favorables, le rideau se lève et il peut poursuivre! Simple et efficace. Le programme cartonne en Israël, avec 49,4% d’audience et 2,3 millions de votes en direct. La démonstration est faite: Les réseaux sociaux se sont bien invités dans les jardins de la télévision!

IDENTIFICATION
La télévision sociale est une réalité pour nombre de téléspectateurs. Smartphone à la main, application second screen, tout est en place pour que le réseautage fonctionne à plein régime. Concerné au premier chef, un acteur comme Facebook se devait d'entrer dans la danse. A l'occasion du MIPCom, TF1 et Canal+ont annoncé leur partenariat avec le réseau de Marc Zuckerberg. Celui-ci va ouvrir deux de ses outils internes à ces chaînes: «Keyword Insight» et «Public Feed». Le premier permet aux chaînes de mesurer le nombre de publications autour d'un sujet, par exemple une émission, et de repérer quel type d'internaute (âge, sexe, etc.) prend part à ces discussions. Le second mesure le taux de conversation sur Facebook, au moment de la diffusion du programme. Facebook opère déjà de la sorte aux Etats-Unis. Ce fut le cas notamment avec CNN pour l'investiture de Barack Obama. Pour l'heure, ce sont les grands marchés qui sont privilégiés.
«Nous n’avons pas encore été approché par Facebook. Il faut dire qu’en Belgique, la présence est limitée à un commercial,» explique Jean-Jacques Deleeuw, qui ne cache toutefois pas son intérêt pour ces données. «Les informations sur le profil des internautes sont intéressantes pour comparer la cible réseaux sociaux par rapport à celle des téléspectateurs. Nous sommes aussi intéressés par les données liées à Twitter. Tevizz assure la récolte pour nous et Radarly, qui travaille aussi pour le Figaro, se charge de l’analyse. Pour Twitter, l’intérêt réside dans le contenu des messages. Capermet d’avoir une meilleure connaissance de son public et de son comportement. D’avoir un baromètre en termes de contenus et de programmes. »
La collecte des données récoltées sur les réseaux sociaux représente un marché pour quelques acteurs patentés, au rang desquels figure Tevizz. Cette entreprise bruxelloise en plein développement alimente en données d'autres acteurs du marché, comme HavasMedia, EVS... Il faut dire que ce type d'acteurs entretient avec les réseaux une relation comparable à celle du Rémora avec les grands requins. C'est dire qu'il n'est pas toujours indispensable de nouer un partenariat avec les géants américains de la socialisation du web. Tout dépend des attentes de chacun. Mais on le voit bien, les activités satellitaires foisonnent. Et pas toujours pour en connaître plus sur notre profil d'internaute. Ainsi Comcast, filiale de NBCUniversal, est devenu partenaire stratégique de Twitter. A partir d'un simple tweet, il est désormais possible d'accéder directement à un programme télé des chaînes du groupe. 2013 aura réellement été l'année où la télévision est devenue sociale.

Euronews a compris la recette
Depuis quelques semaines, la chaîne internationale d'information, Euronews a opéré un déploiement numérique à 360°. Ce ne sont pas ses premiers pas online, mais ce coup ici, on peut parler d'une omniprésence qui s'accompagne d'une gestion pointue. Renforcement de sa présence sur Youtube, où elle est la troisième marque d’infos au niveau mondial. Elle dispose sur ce réseau de 20 chaînes qui comptent 500.000 abonnés. Euronews est le premier média en nombre de chaînes sur Youtube. «Mon ambition pour la fin 2014 est devenir la première marque d’info », nous a précisé Michael Peters, président du directoire. Au rayon des innovations majeures, notons sa présence sur Google Glass, en partenariat avec Watchup. Euronews est ainsi le premier média européen présent sur ces lunettes 3.0. Ce service est pour l'heure uniquement disponible aux USA. Parmi les nouveaux déploiements d’Euronews, soulignons son partenariat premium avec Flipboard et le lancement de quatre applications mobiles sur BlackBerry et Nokia; rayon App Store, la marque audiovisuelle comptait déjà cinq apps. Son déploiement numérique passe aussi par un accord avec Storyful, la première agence news vidéo de médias sociaux. Celle-ci a une double expertise, elle repère les vidéos (la plupart de source citoyenne) inédites pouvant faire le buzz, les vérifie et les certifie. Storyful a un portefeuille de 38 clients, tous des références internationales, comme: CBS, Google, BBC, The New York Times, Amnesty International, l'UER... A travers sa nouvelle branche d’activité business to business, Euronews Network, elle a aussi mis en place une offre multi-services, qui va de la production de contenus « produit blanc », à la commercialisation d'une large palette de services. Cerise sur le gâteau, prochainement les journalistes et correspondants à l'antenne, seront associés à leur compte Twitter à l'écran.

Le buzz social au menu du Television Key Facts

Baromètre international de la télévision, le Television International Key Facts en est à sa 20e édition. Concocté, comme d’ordinaire, par les responsables marketing d’IP Network, il donne le pouls de la télévision dans le monde. Dans son rétroviseur: l’année 2012.
Volet audience, deux grands rendez-vous sportifs internationaux font la course en tête. L’Euro 2012, avec par exemple le match Espagne / Italie, a rassemblé 19 millions de téléspectateurs. La cérémonie d’ouverture des J.O., 24,5 millions. Les agendas politiques américain et français ont aussi eu la cote. Le deuxième débat de Barack Obama a été vu par 35,5 millions de personnes; 11 millions pour l’annonce de sa défaite par Nicolas Sarkozy. En termes de contenus, les variétés cartonnent toujours (41%) devant l’actualité (21%) et la fiction (38%). On observe dans ce segment une prédominance des séries (83%) par rapport aux films (13%) et aux téléfilms (3%)! Si 2013 est l’année de la social TV, 2012 nous offre ici les prémices. «La télévision apporte désormais de vrais liens avec les réseaux sociaux. On l’a vu, à l’occasion des Elections Américaines, le nombre de tweets par minute est impressionnant. Quand on crée de l’événement, on arrive à générer de l’engagement de la part des téléspectateurs sur d’autres supports. A ces occasions, nous invitons nos téléspectateurs à réagir. Cela fait partie de l’avenir de la télévision,» explique Ludovic de Barrau, Head of Marketing TV chez RTL. Le buzz télé sur les réseaux sociaux en 2012 passe par trois exemples mesurés sur Twitter: L’élection américaine 327.452 tweets, l’Euro 2012 267.200 et le Super Bowl 201.466! On le sait, le côté événementiel de la télé alimente ces fortes audiences.

Increvable
A lire toutes les cuvées du Televison Key Fact, le doute n’est pas permis: la télévision tient la forme et ce, sans prendre ombrage de la consommation d’autres contenus numériques. « Elle continue à bien se porter, même si c’est redondant. +10 minutes au Nord, soit un total de 197 minutes quotidiennes, +7 minutes au Sud soit un total de 231 minutes. La progression européenne est elle de 8 minutes, soit 4 heures par jour. Toutes les nouvelles technologies ont permis d’augmenter cette durée,» explique notre interlocuteur. Au Royaume-Uni, la télévision est regardée 135 heures par mois, contre 41,5 heures pour l’usage d’internet. Une donnée qui peut paraître étonnante quand on se focalise sur les tranches supérieures de la population. Par ailleurs, selon l’institut eMarketer (aux USA) en 2013, les Américains passent plus de temps sur la toile que devant leur téléviseur. En contrepartie, il ne faut pas perdre de vue que tout le monde ne dispose pas d’une tablette ou d’un smartphone! De plus, la télé n’est pas en opposition avec internet, où elle est massivement présente. Au point de rêver à la réalisation d’une étude agrégeant les deux types d’audience!? Pas simple. « Tous les médias européens étudient le meilleur moyen de rapatrier les audiences de tous les supports (tablettes, smartphones… ). Un seul pays a franchi le pas: La Suisse, avec une étude unique, une seule source. Les résultats sont en rupture avec ceux de l’ancienne étude. Ils sont contestés par la plupart des acteurs du marché, car elle surévalue la consommation de programmes télé sur d’autres supports. Ce qui peut nuire en soi à la télévision,» commente Ludovic de Barreau.
Constat important, la vision différée progresse. « On peut parler d’évolution structurelle. Ca va encore grandir, avec un moment où ça stagnera à un niveau entre 12% et 15%. Chez nous, il est plus important au Nord qu’au Sud, sans doute pour cause d’écrans publicitaires trop longs,» précise-t-il. La Flandre dispose d’ailleurs de sa propre plateforme mobile de catch-up tv avec Stevie sur laquelle on retrouve les trois acteurs du paysage audiovisuel flamand: VTM, SBS et la VRT. Un beau modèle du genre.