Le cran d’assumer ses décisions

De guts om zelf te beslissen - intro Helen Willems - pub9-2013

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Depuis notre première rencontre en 1997 chez GV/Company, l’ancienne agence de Nivea, Helen Willems est restée fidèle à la marque, à l’entreprise, mais aussi à bon nombre de ses collaborateurs. Sa devise n’a pas changé depuis lors: vive le long terme.
J’ai rendez-vous avec Helen un lundi matin à 8 h 30 au Jardin Bohémien, un petit resto tranquille de Gand qui sert également le petit-déjeuner. Helen m’a demandé d’organiser l’interview aux aurores dans la région de Gand, afin qu’elle puisse, de là, continuer jusqu’à Lille pour y prendre le TGV vers Paris. Si, durant l’entretien en néerlandais, elle s’excuse à plusieurs reprises de devoir chercher ses mots (« je parle si souvent le français que j’en perds mon néerlandais »), elle répond cependant sans hésiter aux questions. Manifestement, Helen Willems sait ce qu’elle veut, où elle va et comment elle compte y arriver. Récit d’un entretien passionnant et surtout très agréable avec un réel esprit… d’équipe.

PETITE BELGE

Était-ce difficile de vous imposer en France en tant que Belge?
J’ai dû me battre contre le préjugé de la « petite Belge qui allait venir leur faire la leçon ». Cela a duré un an environ. D’ailleurs, je dis toujours que c’est une année de perdue. Pour moi, tout est une question de personnes: sont-elles d’accord de s’engager ou pas? Il faut d’abord gagner leur confiance. Une fois qu’on l’a obtenue, tout marche comme sur des roulettes. Il est essentiel de s’entourer de personnes qui adhèrent à votre point de vue, qui croient en votre projet. D’ailleurs, on sent tout de suite avec qui ça colle et avec qui ça ne colle pas. Je devais aussi me faire accepter et, en France, certains pensaient que je n’avais pas obtenu légitimement le titre de general manager. La Belgique est tellement petite que les autres marchés la méprisent un peu, comme une sorte de « quantité négligeable ». Ils ont tout de suite pensé: « Qu’est-ce qu’elle vient faire ici, et qu’est-ce qu’elle peut nous apprendre? »
En 2006, j’ai vécu la même chose en passant du marketing aux sales. Les commerciaux avaient aussi cette attitude, du genre « elle n’y connaît rien ». Surtout les hommes en costume, les mains dans les poches, qui vous observent quand vous rentrez dans la salle de réunion. Mais j’ai construit un projet et j’ai essayé de rassembler les gens derrière celui-ci. Jusqu’à présent, ça a toujours bien fonctionné, au département des ventes comme aujourd’hui en France.

POUR MOI, TOUT EST UNE QUESTION DE PERSONNES.

En fait, il s’agit surtout de qualités humaines.
Exactement. Les compétences professionnelles d’un general manager ne sont qu’un aspect de la fonction, le minimum requis. Lorsqu’on occupe ce poste, on n’est pas là pour démontrer ses compétences spécifiques, mais plutôt pour mobiliser les individus, les rassembler derrière un projet. Et quand on voit que ça fonctionne, on en tire beaucoup de satisfaction.

Selon vous, à quoi devez-vous cette chance d’avoir pu évoluer autant?
Pour cela, il faut examiner la force de la marque sur la carte de l’Europe avant mon entrée en fonction. À l’époque, quelques pays sortaient systématiquement du lot: la Suisse, l’Autriche, le Portugal et la Belgique. Le responsable de l’époque pour l’Europe s’est rendu compte du succès de Nivea en Belgique et a voulu savoir ce qui se cachait derrière cette réussite. Comme je ne l’avais encore jamais rencontré, il m’a demandé de lui rendre visite afin de faire ma connaissance. Je lui ai expliqué le pourquoi et le comment de la success-story Nivea en Belgique. Il m’a alors répondu: « Tu connais le marketing et les sales, tu as étudié mais aussi travaillé en France. Tu es la meilleure candidate. »

Pourquoi avez-vous quitté le marketing pour les sales en 2006?
Je savais que si je voulais évoluer à long terme au sein de Beiersdorf, je ne devais pas me cantonner au marketing. Je connais peu de responsables marketing qui sont devenus general manager. Nils Van Dam, Johnny Thys. Qui d’autre? Je ne trouve que peu d’exemples. J’ai donc décidé de passer rayon ventes. Nous avions convenu que je serais engagée à ce poste pour une période de trois à cinq ans, et que nous ferions le point après, afin de savoir si je pouvais encore trouver mon bonheur au sein de Beiersdorf.

En tant que dirigeant d’entreprise, est-ce un avantage ou un must que de posséder des connaissances en marketing?
Je pense que oui, à cause de l’approche stratégique. Un dirigeant d’entreprise pense toujours à moyen et long terme, alors qu’un commercial se concentre sur le court terme. Pourtant, outre l’expérience stratégique et les connaissances étendues, il faut aussi avoir le sens commercial, car les pros du marketing purs et durs restent en permanence dans leur tour d’ivoire. Il faut comprendre à la fois le consommateur et le client intermédiaire, c’est-à-dire la distribution. Les compétences commerciales sont dès lors nécessaires pour mener une approche globale.
S'OCCUPER DE TOUT EST TOUT BONNEMENT IMPOSSIBLE. IL FAUT FAIRE DES CHOIX.
Disposez-vous d’un modèle permettant de réunir les ventes et le marketing sous une même bannière?
Il n’existe pas vraiment de modèle au sein du groupe. Selon moi, il s’agit avant tout de mettre sur pied un projet commun auquel tout le monde participe, tant le marketing que les finances, les sales et les ressources humaines. En France, en mai 2011, nous avons élaboré un projet en collaboration avec tous les membres de ces départements en vue de déterminer nos objectifs d’ici cinq ans. Ce projet, c’est l’œuvre de tous. Et comme chacun y a collaboré, tout le monde se sent impliqué. En fin de compte, tous mènent à bien un projet qu’ils ont aidé à lancer.

LONG TERME

À quoi devez-vous votre succès en Belgique?
D’après moi, à notre approche cohérente à long terme. Nous délaissons les actions ponctuelles au profit d’actions soutenant le long terme. Et nous restons toujours très concentrés et pragmatiques. Par comparaison, la France disposait de beaucoup plus de moyens mais manquait clairement de concentration. En Belgique, notre budget était moins important, et nous devions sans cesse nous creuser les méninges pour atteindre un maximum de groupes-cibles avec nos maigres moyens. Selon moi, cette approche pragmatique constitue précisément la force de la Belgique. Comment adopter une approche créative avec peu de moyens? Cette force est un exemple pour moi. À mon arrivée en France, la première mesure que mon patron m’a demandé d’instaurer a été de réduire de vingt pour cent le budget marketing.

N’est-ce pas un peu pervers que de constater que plus le budget marketing est bas, meilleurs sont les résultats? Cela devrait inciter les entreprises à réduire leur budget marketing…
Eh bien, cela vous oblige à revoir vos priorités et à vous concentrer sur celles-ci. En France, nous sommes passés de 30 spots télé différents à 14. Nous avons déterminé nos trois principales catégories et nous nous en tenons à cela, un point, c’est tout. Pour les autres catégories, nous nous limitons au strict nécessaire. S’occuper de tout est tout bonnement impossible. Il faut faire des choix. Mon combat aujourd’hui? En Belgique, nous sommes leader du marché, en France, challenger.

C’est une tout autre approche.
C’est le jour et la nuit. C’est précisément ce qui rend les choses si intéressantes pour moi. En Belgique, on travaille pour un leader, en France, pour un challenger qui connaît une tendance à la baisse depuis de nombreuses années. Aujourd’hui, l’objectif est d’inverser la tendance.

Où en sont les chiffres en France?
Après une phase d’assainissement dans le marketing et de réorganisation dans le personnel, nous commençons à percevoir les premiers signes de tendance positive, tant dans les actions que dans les volumes. J’espère donc qu’on ne me reprendra pas mon projet, car je compte bien le terminer. J’ai conclu un contrat de trois ans, reconductible deux fois pour une période d’un an. Et on m’a d’ores et déjà demandé de rester.

FEU VERT

Disposez-vous d’un modèle vous permettant de mesurer le retour des actions de marketing?
En France, nous collaborons avec Millward Brown, qui évalue toutes nos campagnes, mais aussi avec Kantar (l’équivalent de GFK en Belgique), qui suit l’évolution de nos actions. Tout d’abord, chaque campagne est testée avant même d’être diffusée. Nous mesurons ses résultats à l’aune de divers critères, tels que la force de persuasion, l’intention d’achat et le capital sympathie. Au sein du groupe, notre tableau des scores se compose de rouge, d’orange et de vert. Seule une campagne ayant obtenu du vert peut être lancée. Ensuite, nous évaluons les campagnes en cours selon les critères de Millward Brown, et nous mesurons l’augmentation des ventes sur le marché. Dans ce cadre, nous visons une augmentation élevée. Par exemple, 12 % ne suffit pas. Nous analysons donc dans le détail les périodes qui ont suivi et précédé la campagne, avec et sans promotion. Enfin, nous faisons le point sur nos actions et nos données chiffrées.

Au niveau international, vous travaillez avec FCB, alors qu’en Belgique, vous collaborez avec Happiness.
Oui, parce que FCB n’existe plus en Belgique. D’ailleurs, nous travaillons de plus en plus avec d’autres agences au niveau international. Avant, nous ne collaborions qu’avec FCB. Aujourd’hui, nous encourageons la compétition entre les agences, surtout sur le plan créatif. Parmi elles, on compte entre autres Matt Von Jung.
Vous restez très fidèle à vos collaborateurs?
En effet. Karen Corrigan, par exemple (NDLR: general manager de Happiness, et l’une des premières account executives avec lesquelles Helen Willems a travaillé dans les années 90 chez GV/Company). Je ne peux pas qualifier notre relation de véritable amitié, mais lorsque deux personnes travaillent ensemble à un projet et que le courant passe, c’est pour longtemps. Cela aussi s’accorde bien avec ce besoin que j’éprouve de construire une histoire cohérente à long terme. Et c’est le cas pour tout. Cela fait de nombreuses années que nous travaillons avec Interel, 13, voire 14 ans. Nous étions d’ailleurs navrés de devoir quitter TBWA.

Comment déterminez-vous le prix, la valeur des services fournis par une agence?
Au début de l’année, nous rédigeons un contrat avec l’agence, dans lequel nous mentionnons tous nos projets. Ensemble, nous déterminons le nombre d’heures nécessaires à leur élaboration. Dans ce cadre, nous travaillons avec un tarif in-scope et un tarif out-of-scope. Le premier s’applique à la gestion ordinaire du budget, tandis que le second correspond aux projets complémentaires, comme par exemple les activations.

Ces tarifs ne sont donc pas liés aux résultats?
Si, nous prévoyons un bonus associé aux résultats, mais il ne s’agit que d’une petite partie des rétributions. L’agence doit pouvoir vivre sans ce bonus.

Êtes-vous satisfaits de ces contrats conclus avec les agences?
Au début, les négociations vont bon train, par exemple au sujet de ce qui est in-scope ou out-of-scope. Mais nous sommes toujours ouverts à la discussion et, en général, les choses se passent plutôt bien. Si l’agence estime que la formule visée n’est pas rentable pour elle, on en discute jusqu’à ce qu’on trouve un compromis qui convienne à toutes les parties.

Quel est le pouvoir du procurement manager au sein de l’entreprise?
S’il n’a pas le pouvoir de décider, il peut cependant négocier. Notre procurement manager est basée en France; elle s’occupe également de la Belgique et accomplit son travail depuis de nombreuses années avec beaucoup de professionnalisme. Elle négocie aussi bien avec les agences créatives qu’avec les agences média, de relations publiques, de communication en ligne, etc. Elle connaît le marché comme sa poche. Mais elle ne donne pas de briefings; c’est le marketing qui s’en charge.

ESSAIS & ERREURS

Faites-vous souvent appel à des études de marché pour déterminer la stratégie de la marque et le développement du produit?
Personnellement, je suis convaincue que le marketing doit venir des tripes. J’utilise uniquement les études de marché pour vérifier si mon intuition est la bonne. En effet, il faut à tout prix éviter de tomber dans le piège d'une stratégie totalement dictée par les études de marché. Il faut suivre son instinct et tester ses idées. Et si le résultat est loin de ce que vous aviez espéré, vous devez avoir le cran d’assumer vos propres décisions. Si le consommateur a le droit de donner son avis, il ne sait cependant pas toujours ce qui convient le mieux à la marque. C’est à cela que sert le professionnel du marketing. Dès lors, nous travaillons selon un modèle d’essais et d’erreurs. Si quelque chose ne fonctionne pas, nous le remarquons rapidement sur le marché. Cela dit, nous faisons plus souvent appel aux études de marché qu’auparavant. C’est également le cas en Belgique. Par exemple, pour déterminer la position de la marque, pour savoir où atteindre les consommateurs, combien nous en atteignons, quelles sont leurs habitudes d’achat, etc. Nous travaillons beaucoup avec ces outils. Mais encore faut-il être capable de commercialiser quelque chose parce qu’on est convaincu de son succès.

SI JE DEVAIS TRAVAILLER CONTRE MA NATURE, J'ARRETERAIS TOUT DE SUITE.

Où en êtes-vous en matière de responsabilité sociale des entreprises et de la publicité?
Je commencerai par la seconde. En France, nous avons signé une charte rédigée par l’Union des Annonceurs. Il existe aussi un organe d’autorégulation similaire au JEP belge. Cette charte stipule que notre communication est éthique et responsable, qu’elle n’est pas mensongère, que nos affirmations sont exactes, etc. Par ailleurs, nous avons élaboré un code relatif à la R.S.E. (responsabilité sociale des entreprises) au sein du groupe. Celui-ci définit divers objectifs sociaux que nous souhaitons atteindre à terme. En France, j’ai désigné un responsable R.S.E. En effet, pour moi, s’engager en matière de responsabilité sociale des entreprises, c’est assurer l’avenir de l’entreprise à long terme. Cela permet d’offrir à l’ensemble des collaborateurs une perspective à long terme. Cependant, nous avons aussi fixé un certain nombre de directives et d’objectifs à l’intention du consommateur. Dans ce cadre, notre programme tourne autour de trois axes: l’éducation, l’écologie et la solidarité. Ces thèmes sont ensuite développés localement. Mais nous ne voulons pas exploiter ce choix, ni en faire étalage. La R.S.E. est une activité discrète, mais qui fait partie intégrante de notre projet à long terme. Nous voulons que les consommateurs comme les professionnels nous considèrent comme un « expert de la peau et du soin ». Pour ce faire, nous devons remplir certaines conditions.

Cette année à Cannes, tout tournait autour des campagnes ayant instigué quelque chose sur le plan social, comme celle de Dove, par exemple. Qu’en pensez-vous?
Je trouve que Dove n’est pas un bon exemple. Où est le lien avec la marque? Je ne veux pas démolir mon concurrent, mais on peut adopter une approche opportuniste ou pas. En France, cela fait des années que nous travaillons avec l’Observatoire Nivea, un institut qui effectue pour nous des recherches en dermatologie et qui tente de décrypter le regard que porte la société sur la peau. Nous publions ensuite les résultats de leurs recherches à l’intention des consommateurs, qui découvrent ainsi comment prendre soin de leur peau de manière éthique et écologique. Il s’agit d’un lien extraordinaire avec la marque, car la peau est au centre des débats. En revanche, ce que fait Dove (donner confiance aux jeunes filles) ne me plaît pas du tout. À mes yeux, l’éthique doit provenir de l’entreprise même et se rapprocher du consommateur. Autrefois, nous avons collaboré avec Plan International. Malheureusement, ce projet semblait trop loin des préoccupations du consommateur. Aujourd’hui, nous recherchons plutôt des projets qui touchent le cadre de vie du consommateur au sein de la société. Et nous apportons notre contribution en toute discrétion. Nous n’allons pas diffuser de spot télé de cinq minutes pour… Je suis d’avis que si l’approche est éthique et honnête, le consommateur ne s’en portera que mieux. Qui plus est, ces activités doivent aussi s’intégrer à un projet global à long terme. Au sein de ma zone de responsabilités, la France et la Belgique, R.S.E. signifie également garantir la pérennité de l’entreprise. Afin que nous puissions continuer à créer et à assurer de l’emploi.

FULFILLMENT

Quelle est votre politique en matière de médias?
Nous sommes un annonceur atypique depuis de nombreuses années, dans le sens où nous ne sommes pas présents massivement en télévision. Je pense que nous travaillons depuis longtemps selon une combinaison de plusieurs médias, avec un maximum de 65 à 70 % en télé, beaucoup dans la presse écrite et l’affichage extérieur et, aujourd’hui, de plus en plus de publicité numérique, comme celle que l’on retrouve sur les médias sociaux. La meilleure façon d’atteindre un groupe-cible consiste à utiliser un large éventail de médias. Cependant, il faut également savoir se démarquer de son concurrent. Nous avons souvent joué un rôle de pionnier dans certains canaux. En 1993, nous faisions partie des premiers en cosmétique à nous lancer dans le marketing direct à long terme et dans l’élaboration d’une base de données qualifiée. Nous avons commencé hors ligne, ensuite nous sommes passés en ligne et, pour finir, sur Facebook. Nous menons de nombreuses campagnes numériques gérées par une personne dédiée. Je trouve que Happiness nous offre un excellent service en la matière. Pour le marketing personnalisé, nous travaillons toujours avec TBWA.

Utilisez-vous également vos propres médias?
Autrefois, nous avons publié nos propres magazines. C’était il y a bien longtemps. Ce qui est compliqué, dans ce cadre, c’est de continuer à collecter suffisamment de contenu pour continuer à passionner le consommateur. Bien entendu, nous travaillons avec des sites Internet et des médias sociaux, mais pas de façon cohérente à long terme. Nous organisons beaucoup d’activations et demandons aux consommateurs, c’est-à-dire des blogueurs, des groupes sur Facebook, etc., de participer. En France, Nivea est très en avance en matière de owned media, et nous travaillons également d’arrache-pied sur le earned media. D’ailleurs, nos ratios en la matière sont excellents. Tant que le retour semble bon, nous poursuivons sur cette voie. Et pour l’instant, le feu est vert…
Et cela rapporte?
Oui. Nous analysons régulièrement le lien entre le comportement du consommateur dans les médias sociaux et son comportement d’achat. D’ailleurs, nous avons plusieurs idées qui nous permettent d’établir un lien avec le comportement d’achat. Cependant, suivre tout cela de près demande beaucoup de travail. Mon principal problème réside dans le fulfillment. Nous avons beau entretenir des contacts directs avec le consommateur, les canaux de distribution nous séparent toujours de lui. En France, nous sommes actifs dans l’e-commerce via Amazon. Les gens peuvent y acheter nos produits en direct. Mais le chiffre d’affaires reste très timide. Nous travaillons d’arrache-pied pour trouver une manière de stimuler et d’optimiser les ventes en ligne. Néanmoins, selon moi, Internet et l’e-commerce sont intrinsèquement liés au fulfillment. Comment livrer les produits chez le consommateur? A fortiori lorsqu’on est un fabricant de produits de petite taille comme les produits de soins? En effet, vu les frais de livraison, le consommateur doit commander beaucoup pour que ses achats deviennent rentables. En Belgique, par exemple, nous testons actuellement un projet de distribution de produits par le biais du département des ressources humaines des grandes entreprises. Ce système fonctionne également par le biais d’une application Internet. Autre problème qui se pose: pour l’instant, le service de facturation de Beiersdorf est techniquement incapable d’enregistrer une personne en tant que client individuel.

Quelles sont les différences culturelles entre la France et les Pays-Bas en matière de publicité?
En France, ce sont de plus en plus souvent les agences locales qui se chargent des innovations créatives. Et d’un meilleur contact avec le client. Tout y est plus imposant et plus complexe, ce qui fait que le client a plus vite le sentiment d’être considéré comme un numéro. Notre avantage, c’est que FCB a évolué de colossal à minuscule en France, et qu’elle a donc vraiment besoin de nous. Nous avons besoin l’un de l’autre, ce qui crée une relation très intense. De plus, nous choisissons ensemble nos combats, par exemple, réussir à vendre nos campagnes locales au niveau international. Car cela n’a rien de simple.

Comment ce processus fonctionne-t-il? Tout ce que vous développez localement doit-il être approuvé mondialement?
Cela dépend de ce que nous faisons et de la façon dont nous présentons les choses. Voici un exemple: en France, nous avons développé une campagne imprimée et extérieure pour notre nouveau déodorant Deo Stress Protect. La campagne d’extérieur menée dans le métro a été présentée comme campagne de sampling au niveau international, ce qui nous a donné les coudées franches pour le concept. Je remarque un besoin de centralisation sans cesse plus fort au sein du groupe. Cela fluctue. Parfois, c’est difficile, surtout lorsque, pour un type de produit et sur un marché spécifique, nous adoptons un positionnement différent des recommandations internationales. Il faut alors se battre dur pour prouver qu’il faut une approche différente au niveau local. Et cela me prend beaucoup de temps, parce qu'il faut convaincre énormément de personnes. Tout le monde veut avoir son mot à dire. En fait, on pourrait nettement simplifier les choses. Plus il y a de personnes impliquées, plus c’est difficile. Mais c’est comme ça, on n’y peut rien…

ASTUCES PRATIQUES

Aimeriez-vous monter votre propre boîte?
Voilà une question difficile. Mon mari a toujours été indépendant; il dirige sa propre entreprise. À l’époque, j’ai considéré qu’il valait mieux ne pas être deux à démarrer une entreprise. Cependant, il me faut garder les pieds sur terre. Un jour ou l’autre, Beiersdorf n’aura plus besoin de moi. Quand le moment sera venu, je pense que je me laisserais bien tenter par l’aventure. Je ne me préoccupe pas de cela aujourd’hui. J'ai choisi en âme et conscience de ne pas franchir le pas maintenant. Mais je pourrais bien l’envisager plus tard.

Un dirigeant d’entreprise doit-il aussi avoir l’esprit d’entreprise, même s’il ne s’agit pas de la sienne?
Absolument. En fait, Beiersdorf m’offre tellement de liberté aujourd’hui que, dans un sens, j’ai le sentiment d’être aussi un entrepreneur. Je dois atteindre certains objectifs financiers, certes, mais je suis seule à décider des moyens pour y parvenir. Ma façon de diriger l’entreprise relève exclusivement de mon approche et de ma créativité. Jusqu’à présent, cela me satisfait pleinement. Si je devais travailler contre ma nature, j’arrêterais tout de suite. Chez Beiersdorf, j’ai démarré un projet relatif à ma vision du développement de l'entreprise d'ici cinq ans. J’adopterais la même approche pour ma propre entreprise. Aujourd'hui, en tout cas, je ne ressens pas le besoin de lancer au plus vite ma propre boîte.

Quel domaine choisiriez-vous?
Je n’en ai pas la moindre idée. Mais j’adore mettre au point des petites astuces pratiques qui facilitent la vie du consommateur. J’aimerais bien commercialiser mes idées. Mais je ne m’occupe pas de cela pour le moment. Je verrai bien quand le moment sera venu. Pour l’instant, j’ai d’autres chats à fouetter. D’ailleurs, je n’ai pas la moindre idée de ce qui m’attend après Paris, et cela ne me tracasse pas. On verra bien.

Traduction: Elan Languageswww.elanlanguages.com
De product manager à general manager

Helen Willems (49 ans) a été nommée General Manager de Beiersdorf France et Belgique le 1er février 2011. Auparavant, elle occupait la fonction de Country Manager chez Beiersdorf Belgique. Depuis le début de sa carrière chez Beiersdorf en 1988, Helen Willems s’est consacrée au développement de la notoriété et des actions des marques du groupe en Belgique et au Luxembourg. En 2008, elle a endossé le poste de Country Manager de la filiale belge de Beiersdorf, après avoir occupé les fonctions de Product Manager, de Marketing Manager (jusqu’en 2006) et de Sales Manager pourla Belgiqueet le Luxembourg.
Outre la Belgique, elle connaît le marché français comme sa poche, puisqu’elle y a travaillé comme Group Product Manager en 2004 et 2005. Depuis 2008, elle siège également au conseil de direction de la Management Unit Team France/Benelux.
Helen Willems est licenciée en sciences économiques appliquées (UFSIA/Anvers), elle a décroché un diplôme post-universitaire en marketing appliqué (obtenu à l’Institut d’administration des entreprises d’Aix-en-Provence) et a suivi une formation à la Georgetown University de Washington (International Business School). Elle a commencé sa carrière à l’Office belge du commerce extérieur.
En sa qualité de general manager, elle dirige 265 collaborateurs en France et 85 en Belgique.