LE DROIT VOISIN POUR LES ÉDITEURS ENFIN ADOPTÉ

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Le Parlement a, le 16 juin, adopté la transposition de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, rapporte We Media. Cela signifie que, dès l’entrée en vigueur de la loi, les éditeurs disposeront d’un nouveau droit voisin, leur permettant de négocier avec les grandes plateformes pour la réutilisation de leur contenu.

Le droit voisin pour les éditeurs est enfin une réalité en Belgique. Créé par la directive européenne avril 2019, il aura donc fallu trois ans au législateur belge pour l’implémenter dans l’ordre juridique national. Mais, concrètement, qu’est-ce qu’un tel droit signifie pour les éditeurs ?

 Un droit exclusif propre aux éditeurs

La loi récemment adoptée introduit donc un droit voisin (par extension au droit d’auteur) exclusif propre aux éditeurs. Cela signifie que les éditeurs disposent eux-mêmes du droit d’autoriser l’utilisation du contenu qu’ils publient, ou d’en empêcher la réutilisation, sans qu’ils aient besoin que des droits d’auteur leurs soient cédés. Ce droit couvre les publications d’information générale ou spécialisée, liées à l’actualité ou à d’autres sujets et publiées sur tout support, sous la supervision de l’éditeur. Seules ne sont pas couvertes les publications scientifiques ou universitaires.

En d’autres termes, les plateformes (telles que Google, Bing, Yahoo,…) qui ont l’habitude de publier des articles de presse sur leur moteur de recherche sans reverser le moindre centime aux éditeurs ne pourront plus le faire sans leur autorisation explicite.

Comment s’assurer de l’application de ce droit ?

Comme nous l’avons vu dans d’autres pays européens, notamment en France, Google rend les négociations compliquées, malgré la loi sur le droit voisin. Il est clair que le rapport de force est disproportionné dans la négociation. Les éditeurs n’ont que très peu de marge de manœuvre face à des plateformes aux moyens colossaux. Le législateur belge a voulu atténuer ce rapport de force en introduisant un mécanisme d’arbitrage devant l’Institut Belge des services postaux et des télécommunications (IBPT). Concrètement, la procédure se déroule comme suit :

  • En absence d’un accord entre l’éditeur et le fournisseur de service au sujet de la rémunération du droit voisin dans les 4 mois après le début des négociations, l’une des parties peut faire appel à l’IBPT.
  • L’appel à l’IBPT enclenche une procédure contradictoire devant l’Institut qui dispose du pouvoir de prendre une décision administrative contraignante au sujet de la rémunération. Elle dispose de 4 mois pour prendre cette décision.
  • Un appel de cette décision administrative est possible devant la Cour des marchés, qui est une chambre spécifique de la Cour d’appel de Bruxelles.

Il existe donc un réel moyen de recours pour les éditeurs afin de ‘forcer’ Google à s’asseoir à la table des négociations.

Transparence exigée

Un autre aspect crucial du texte est qu’il impose une obligation de transparence à charge des plateformes. Celles-ci doivent fournir, à la demande de l’éditeur, des informations actualisées, pertinentes et complètes sur l’exploitation des publications de presse afin que l’éditeur de presse puisse évaluer la valeur du droit voisin. Ces informations concernent en particulier le nombre de consultations des publications de presse et les revenus que la plateforme tire de l’exploitation des publications de presse.

Prochaines étapes

Ces différents aspects de la loi devraient permettre aux éditeurs d’exiger des plateformes qu’elles s’asseyent à la table des négociations avec eux. Maintenant que la loi a été adoptée, nous disposons d’un outil clair afin de percevoir des rémunérations des plateformes pour l’utilisation de notre contenu. Les sociétés de gestion de droit d’auteur ont déjà commencé à réfléchir sur le meilleur moyen de procéder.