Le plein de films… grâce au digital

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Le syndrome Youtube frappe la production

Le petit monde de la production a retrouvé le sourire… Enfin presque. Grâce aux diffusions online, davantage de films sont à l’affiche et certains n’en finissent d’ailleurs pas de faire le tour du monde. Ceci étant, les producteurs se doivent de garder l’église au milieu du village, face à l’illusion qu’aujourd’hui, réaliser un film est l’apanage de tous. Le savoir-faire de toute une profession est en jeu.
·        Au menu du CFP: Nouveau site, nouveau white book
·        Poster un film sur Youtube… facile. Le réaliser implique un know-how
·        Les films plus longs, sur internet, permettent de raconter des histoires

Encore quelques mois et le CFP (Commercial Film Producers of Belgium) nouveau sera servi. Depuis 2009, le Club des Producteurs a surtout mis l’accent sur les CFP-Awards, dont la quatrième édition se déroulera à l’automne prochain. Ces prix récompensent tous les intervenants du milieu de la production et offrent au secteur une nouvelle visibilité. «Nous avons principalement mis notre énergie dans les CFP Awards, qui ont beaucoup de succès. Cela permet de faire connaitre notre métier et notre organisation.», ponctue Kato Maes, directrice de Caviar et aussi présidente du CFP. Toute l’énergie des membres s’étant concentrée sur cet événement, il reste deux chantiers ouverts. D’un coté, le White Book fait l’objet d’une mise à jour, teintée de numérique et qui pourrait être finalisée d’ici la fin de l’année. Et d’un autre, le site internet qui appartient à une autre époque, subira, dans les prochains mois un lifting. Au CFP, on n’exclut pas non plus de renouer avec l’habitude, délaissée depuis quelques années, de dresser le bilan de l’année écoulée. Un baromètre intéressant, puisqu’il donne le pouls du secteur.

Vous avez dit Youtube?
Avez-vous remarqué qu’en tant que spectateur, nous sommes de plus en enclin à visionner des spots publicitaires via l’écran de notre ordinateur? Via les réseaux sociaux, les e-mails, les bons films circulent et se partagent à la vitesse de l’éclair. Le TNT, produit par Czar, a été vu plus de 33 millions de fois, le Carlsberg et Stop The Traffik de Monodot, ont été cliqués respectivement plus de 11 millions de fois et plus d’un million de fois. «On parle de révolution digitale depuis 10 ans et j’ai l’impression que nous y sommes vraiment maintenant! » constate François Mercier, patron de Lovo Films. «Avant, nous réalisions des films online, aujourd’hui nous signons des films ambitieux, comme la série Ikea, avec DDB, dont le premier film a été tourné en novembre. Nous avons aussi produit ‘Fred et Marie’, la pub la plus longue que nous avons tournée, puisqu’elle dure 15 minutes. C’est un court métrage, développé par l’agence Bonjour, pour la Communauté française et qui sensibilise à la violence psychologique dans les couples. Les médias classiques ont ici été utilisés pour générer une audience online. Il en va de même pour Ikea, un 15 secondes télé draine vers le 2 minutes sur internet.» A côté de ces exemples, où tout tourne pour le mieux, Kato Maes observe une ‘gangrènisation’ induite par Youtube. Pour elle, 60% des films sont dans l’erreur. «Les annonceurs ne savent plus très bien quel briefing ils doivent donner. Il faut pourtant que le film véhicule un message, que ce soit pour internet ou la télé… Ca ne change pas. Je pense que les annonceurs et les agences estiment qu’un bon film doit être réaliste. Tout ça parce que nombre de personnes postent des petits extraits comiques sur Youtube. Il y a une contagion. Or ce ne sont pas des films publicitaires. Ces derniers doivent bénéficier d’une idée qui tient la route et la réalisation doit être irréprochable. L’internet permet de réaliser des films plus longs, mais ce n’est pas pour autant synonyme de faisabilité. Par exemple, ce n’est pas parce que sur internet on peut voir des scènes réalistes, qu’en publicité nous n’avons plus besoin de bons acteurs… Les erreurs sont nombreuses, à côté d’un excellent TNT, il y a une majorité de productions qui ne sont pas originales. Nombre de briefings se cherchent, courent après le gag à tout prix. Il y a un danger que les films se noient dans la masse! Les annonceurs ne savent plus comment toucher les spectateurs / consommateurs. De plus, certains pensent que ce type de productions ne coûte rien. Il y a beaucoup de confusions… un véritable cahot. On doit revenir à l’essentiel. Quand Sony présente un bon film, le monde entier le voit. Il en va de même pour William Lawson, ça remonte à 16 ans et on en parle toujours. Si on tournait aujourd’hui l’effet serait le même.» Le constat est le même chez Monodot, dont certaines productions font pourtant le buzz sur internet. «C’est vrai que ce type de film a la cote. Ils ont participé au retour en force du candit. Or la plupart de ces réalisations sont destinées à la télévision, alors que les gens pensent que nous travaillons exclusivement sur internet. C’est simplement mis en ligne et donc immédiatement accessible.» lâche Tatiana Pierre, producteur exécutif. «A la suite de ces films, nous avons reçu tellement de scripts à travers le monde, que nous nous sommes demandés si nous ne devions pas ouvrir une maison de prod spécialisée dans le vidéo gag… »

Ma petite entreprise ne connaît pas la crise
Si Monodot n’a pas ouvert une nouvelle antenne dédiée à l’humour, l’enseigne vient de mettre sur pied Wrong.tv, une maison de production sœur, dirigée par Bruno Dejonghe, fondateur de Directoreel.com et ex TV producteur chez Duval Guillaume. L’entité travaillera à l’international, tout en se spécialisant dans le 3D, le motion graphic… C’est dire que pour la maison mère «La crise est derrière nous.», comme le souligne Tatiana Pierre. Même si le CFP ne communique plus de statistiques sur l’activité du secteur, notre tour d’horizon, couvrant à la fois producteurs et réalisateurs, atteste que la Belgique garde le rythme en matière de tournage. Le terme crise serait-il galvaudé? En tout cas, il n’a pas le même poids que dans d’autres secteurs. «J’ai l’impression que nous avons toujours été dans des années difficiles. Cela tourne pourtant sur ce petit marché concurrentiel. 2012 est pour nous une année extraordinaire. Nous exportons de plus en plus. En 2011 j’ai produit des films couvrant toute l’Europe, comme pour Omega Pharma par exemple… Mais je suis conscient que tout peut s’arrêter là. Ces derniers temps, nous avons de plus en plus tourné de films sans passer par une compétition. Une relation de confiance s’est créée.» constate François Mercier, plutôt content que des revenus sont générés par internet. «Un client qui dépense 100.000 euros pour un film online - ce qui est déjà beaucoup - si son film recueille du succès, c’est fabuleux. Le risque n’est pas énorme. Le coût d’achat média est ridicule, on y ajoute le coût de production, qui n’est pas très élevé. Je comprends que dans ces conditions, les annonceurs soient tentés.» Pour Kato Maes, il ne faut pas négliger les effets de la crise. «Il y a des petits films, des gros, mais par contre moins entre les deux. Chez Caviar, nous avons un département de 2, 3 personnes, qui ne travaillent que sur des films à petits budgets. Nous cherchons aussi à produire moins cher, mais ce n’est pas possible pour toutes les réalisations.» Et d’ajouter: «Avant, les annonceurs dépensaient 800.000 euros dont 15% revenait à la production. Aujourd’hui, s’ils mettent 100.000 euros pour un film online, ça ne veut pas dire que la production pourra tourner avec 5.000 euros!»«Pour notre part, nous déterminons un budget et essayons d’entretenir une relation de confiance avec l’agence. Nous demandons à ces dernières d’investir beaucoup de temps et de respecter le budget. Monodot est une boutique. Nous suivons toute production du début à la fin. Ce n’est peut-être pas original de le dire, mais dans la pub, il faut rester honnête, avec soi-même mais aussi vis-à-vis du client et de l’agence.» explique Tatiana Pierre. C’est dire, que pensez qu’aujourd’hui les spots publicitaires, qui voyagent entre l’écran de l’ordinateur et celui de la télé, sans oublier celui du cinéma, auraient oublié de raconter des histoires… «Le digital nous apporte tout le contraire. Nous n’avons jamais autant développé de films qui s’apparentent à des cours métrages. Par contre, quand j’allume ma télé, je vois la plupart du temps une majorité de films promotionnels.» constate François Mercier. La qualité narrative a quitté la télévision pour envahir le net… Il y a naturellement encore des exceptions.