Le web est un produit inflammable!

Le web est un produit inflammable - Gerlache Alain - pub3-2012

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Quel regard porter sur l'impact actuel et à venir des réseaux sociaux?

Faut-il nécessairement être sur les réseaux sociaux pour assurer sa carrière? Internet va-t-il sonner le glas de la presse écrite? Comment expliquer l'effet de mode du web 2.0 et que va-t-il devenir dans les années qui viennent? Alain Gerlache, expert en nouvelles technologies et chroniqueur à la RTBF, est venu au MCEI répondre à ces quelques questions mais surtout partager son opinion sur un média qui le passionne. Monsieur web nous met en garde: attention à ne pas faire n'importe quoi sur les réseaux. Avec la frénésie qui l'accompagne et son succès toujours plus grand, internet est devenu hautement inflammable. Un internaute avertit en vaut 2.0!

Alain Gerlache, Secrétaire Général de la Communauté des télévisions francophones, Chroniqueur MediaTIC sur La Première RTBF, rtbf.be, Maître de Conférences à ULg Liège et Columnist pour le quotidien De Morgen, était l’invité du MCEI.
·        Le web 2.0 est une révolution technologique et culturelle mais pas une révolution humaine
·        Les fondamentaux de la communication n'ont pas changé
·        Se démarquer dans un univers saturé et banalisé
·        La méfiance à l'égard des réseaux sociaux est plus forte
·        Un monde virtuel hautement inflammable et addictif
·        Un nouveau souffle pour l'écriture

«Au commencement était le web!»: une page sur laquelle Alain Gerlache nous livre chaque matin ses humeurs sur ce qui fait l'actualité du web. «Quand je suis arrivé chez Guy Verhofstadt comme porte-parole, je me souviens lui avoir donné le conseil de créer un site internet». On a l'impression que ce tuyau date d'un autre âge et pourtant il n'y a pas si longtemps. Aujourd'hui, les réseaux sociaux, bras armé d'une communication d'un autre genre, sont partout. «Internet n'a pas pour autant révolutionné la communication» tempère-t-il d'emblée. «Cela a bien sûr un impact sur la façon de communiquer, un impact sur la vie en société, mais internet n'a pas changé la nature humaine. Ce n'est que la transposition dans un langage technologique nouveau de ce qui existait déjà dans la vie réelle. Internet et les réseaux sociaux sont une révolution technologique, culturelle et sociale mais pas une révolution humaine. Cela n'a pas créé une fraternité nouvelle par exemple mais, par contre, cela représente un accélérateur de relations indéniable». Voilà l'église remise au milieu du village de celles et ceux qui pensent que la toile a modifié à jamais l'ADN humain. Nos ancêtres écrivaient déjà sur les murs finalement, il n'a pas fallu attendre Facebook!

Un média en croissance continue
Difficile de ne pas reconnaître le succès actuel des réseaux sociaux. «C'est d'autant plus flagrant aujourd'hui que les médias traditionnels relaient quasi systématiquement ce qui se passe sur le web. C'est devenu une caisse de résonance incontournable. Difficile ceci dit aujourd'hui de dire réellement ce qui va se passer quand l'effet de mode sera passé» poursuit Alain Gerlache. «Twitter ne concurrence pas encore un spot TV mais on sent que les choses bougent. Le canal est en croissance continue et lorsque les médias classiques intègrent de façon intelligente ce qui se passe sur internet, alors la force de frappe de la communication est démultipliée. L'intérêt des réseaux sociaux, on le répète assez souvent, est de pouvoir cibler son public. Quand je parle de mes chroniques radio sur le web, j'adapte l'accroche en fonction du réseau sur lequel je poste».
Faire entendre sa voix dans la masse
Revers de la médaille de ce succès fulgurant du web 2.0: la banalisation ! «Le simple fait d'avoir un compte twitter, une page Facebook, un compte Linkedin ne suffit plus aujourd'hui pour se démarquer. Et ce qui est vrai pour l'internaute lambda l'est d'autant plus pour l'entreprise» indique Alain Gerlache. L'enjeu aujourd'hui est donc de pouvoir se faire entendre au sein de cette communauté virtuelle, de percer le nuage de messages pour pouvoir se faire entendre. «Il n'y a pas une recette toute faite en la matière. Je reste convaincu que les deux mots d'ordre sont la cohérence et l'authenticité. Les marques aujourd'hui doivent plus que jamais miser sur la cohérence de leurs initiatives et sur l'authenticité de leurs messages en trouvant des ponts adéquats entre les différents canaux de communication pour démultiplier la force de frappe». Sans quoi, donc, vous risquez fort de passer inaperçu. Autre question: faut-il nécessairement être présent sur les réseaux sociaux pour assurer sa carrière? «Non si vous avez déjà une carrière qui est bien établie. Pour ceux qui se lancent, par contre, cela peut-être très utile mais sans garantie de résultats».

Une méfiance toujours plus grande
Fait nouveau depuis quelques temps sur la toile estime Alain Gerlache: la méfiance quant à l'utilisation de ses données privées. «C'est un fait qu'il est important de souligner. Il y a un sentiment de soupçon qui est en train d'émerger. Ceux qui étaient contre l'utilisation des réseaux sociaux voient leurs arguments se renforcer avec cette tendance. Il y a une sensibilité qui est toujours plus grande quant à l'utilisation réelle de sa vie privée sur le web. L'internaute a compris qu'il s'agissait d'un échange commercial, qu'il y avait un service qui était presté. Facebook est l'accélérateur de ce sentiment de méfiance, renforcé par l'entrée en bourse de l'entreprise. Un déclic s'est fait. On a compris que Facebook n'était pas un jeu de plage! C'est une société dont l'objectif est de faire des profits. On a des amis sur Facebook, on n'est pas forcément ami avec Facebook». Est-il encore utile de rappeler en effet la prudence à avoir quant à l'usage que nous faisons de ces réseaux à ciel ouvert?

«Etre prêt à envoyer les pompiers!»
Une nouvelle conscience donc mais qui ne remet pas en question l'accélération de la communication sur la toile. «C'est le règne de l'instantané», reconnaît Alain Gerlache. «On est dans un flux permanent de messages. Et dans ce contexte, il faut des détecteurs à incendie dans tous les recoins du net et être prêt à envoyer les pompiers. Le web est devenu extraordinairement inflammable! Je pense par exemple au récent appel à la grève lancé par la FGTB sur son compte Twitter. Ce qui lui a valu une volée de critiques en retour. La communication de crise n'a pas attendu internet pour se mettre en place mais aujourd'hui on est en présence de réseaux qu'on ne maîtrise pas totalement. Nous n'avons pas encore le recul nécessaire pour théoriser ce qui se passe réellement sur ces réseaux. Facebook est encore très jeune. Nous ne sommes pas dans un rythme de croisière mais plutôt dans une accélération continue de ce nouveau paradigme qu'est le web 2.0». Ce n'est plus pour autant le temps des apprentis sorciers. La professionnalisation de la gestion de ces réseaux est en marche depuis quelques années déjà avec l'émergence de nouveaux métiers.
Une addiction plus forte que l'alcool ou le tabac
L'accélération de la diffusion est d'autant plus forte qu'aujourd'hui l'internet mobile est très largement diffusé. «A un point tel que le fait d'aller sur internet est devenu quasi un réflexe, comme la cigarette. On ne se rend plus forcément compte qu'on est en réseau. Cela me fait penser à l'ouvrage du Français Thierry Crouzet – J'ai débranché – qui s'est passé pendant 6 mois d'internet». Sorte de burn out numérique qui pourrait prendre les allures d'une dépression d'un nouveau temps. «Et cette addiction» ajoute Alain Gerlache, «vient nous rappeler que l'écrit ne s'est jamais aussi bien porté. La presse quotidienne imprimée vit des moments difficiles mais on n'a sans doute jamais autant écrit. Et le succès des tablettes devrait renforcer cette tendance. Ce qui est nouveau par contre, c'est la façon d'écrire, avec la logique des liens. Nous ne sommes plus dans une dimension linéaire mais nous avons sans cesse l'occasion via les liens d'approfondir les sujets». Et de conclure: «Mais là aussi, nous arrivons à une sorte de congestion de l'information et de la communication. Et plus que jamais, dans cet embouteillage, c'est le contenu qui prime». En trois mots comme en cent: content is king!