Les éditeurs (re)prendront-ils la main sur le web ?

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Smartphone
Les grands acteurs du web cherchent à contrôler l’accès à la presse depuis les smartphones. Tour d’horizon des applications.
Avec la montée en puissance de l’internet mobile, le produit du travail des journalistes professionnels constitue un attrait d’audience majeur pour les grands acteurs du web. Aux côtés du précurseur Google, et son controversé Google News, lancé en 2002, est venu s’ajouter un petit nombre d’acteurs qui contrôle l’essentiel des canaux de distribution de contenu sur les supports mobiles : Apple, Facebook, Twitter et Snapchat. Cette nouvelle configuration offre aux éditeurs de presse un plus grand choix de canaux de distribution et réactive le jeu de la concurrence au niveau des plateformes d’infomédiation. Mais, dans le même temps, elle renforce la dynamique de l’internet mobile où la concentration de l’audience et des usages est beaucoup plus forte que sur le web.
Snapchat Discover : réseau socionumérique, plus connu pour la possibilité qu’il offre d’envoyer des messages éphémères, propose de nombreuses fonctionnalités. Sa force réside dans ses 100 millions d’utilisateurs quotidiens, dont 37 % sont âgés entre 18 et 24 ans. Une cible très intéressante pour les annonceurs et difficilement atteignable sur d’autres supports. La déclinaison Discover propose quinze channels à dominante de divertissement mais inclut des sources d’information journalistique « sérieuse » comme CNN, Vice et Mashable.
Lancé cet été, Apple News vise à centraliser la totalité de l’offre journalistique gratuite à un seul endroit de l’iPhone. Elle permet aux éditeurs d’y ajouter leur contenu simplement via un flux RSS ou alors de l’intégrer davantage au service avec l’implémentation d’un code spécifique. Le but ultime d’Apple News est de remplacer les applications propriétaires des éditeurs et de procurer une « expérience utilisateur » satisfaisante et surtout enlever tout ce qui peut alourdir les pages des éditeurs comme les trackers et les publicités envahissantes.
Facebook vient d’introduire Instant Articles dans son application mobile. Cette nouvelle fonctionnalité permet aux utilisateurs d’un smartphone de consulter des articles de presse directement dans l’application sans avoir à la quitter pour visiter le site de l’éditeur. Facebook promet de reverser l’intégralité des revenus publicitaires aux éditeurs qui choisissent de gérer eux-mêmes la publicité. Il prendra en revanche une commission de 30 % sur les publicités gérées par sa régie qui, elle, bénéficie des données des utilisateurs et peut donc mieux cibler les publicités.
Twitter Moments offre un dispositif qui rassemble des tweets se réfèrent à un sujet d’actualité, permettant ainsi de le suivre en temps réel sans être obligé de connaitre les hashtags et les sources associées. La recherche et la curation de contenus est prise en charge par des opérateurs humains, à l’image d’agences de presse spécialisées comme Storyful or Reported.ly. Moments fait partie de la stratégie actuelle de Twitter qui, sous la pression de ses investisseurs, cherche à élargir son marché auprès des nouveaux utilisateurs qui ne maitrisent pas son fonctionnement nécessitant un effort conséquent de sélection de comptes et de hashtags à suivre.
Enfin le projet Accelerated Mobile Pages (AMP) de Google, lancé en octobre, propose une nouvelle version du langage HTML allégée, et permet un affichage rapide des pages web. Il s’agit notamment de limiter l’utilisation de JavaScript qui alourdit considérablement les pages web. L’autre différence entre AMP et les autres initiatives est qu’il ne se fonde pas sur une boîte noire technologique mais suit la logique Open Source. Ce qui signifie que le code est librement consultable et modifiable. L’utilisation de cette nouvelle infrastructure de distribution de contenu est gratuite pour les éditeurs qui ne sont pas dans l’obligation de partager leurs revenus publicitaires. Le projet dispose ainsi de nombreux partenaires parmi les éditeurs (le New York Times, Vox Media, le Financial Times, Gannett, Hearst, le Washington et le Huffington Post)
Ces manœuvres des acteurs de l’internet visent à contrôler la manière dont les utilisateurs de smartphones accèdent au contenu journalistique. Cet investissement important de la part d’Apple, de Google et de Facebook est motivé par la croissance exponentielle de ce segment, alors que pourTwitter et Snapchat, c’est le résultat de la pression des investisseurs pour dégager enfin des sources de revenus pérennes. Le positif de cette compétition pour les éditeurs de presse est la réaffirmation de la valeur ajoutée que procurent les contenus professionnels et labellisés.
Source : INA Global