Les Strategic Planners sont là!

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Agency life / Plus de 80 Strategic Planners full-time en Belgique
Le groupe belge de Strategic Planners n'approuvent pas les conclusions de l'enquête Deep Blue parue en juin dernier: ils sont présents et en nombre important. Par contre, ils reconnaissent que leur position particulière peut brouiller les limites de leur fonction. Rencontre avec quelques-uns des planners de l'APG.

·        Entre l’account manager et le créatif, le planner représente les consommateurs
·        Un métier qui gagne de plus en plus en importance
·        Les annonceurs n’investissent plus dans leurs propres équipes marketing
·        La curiosité et la diversité comme principaux outils

Dans le PUB 9, nous vous rapportions les résultats de l’enquête « Communication Agency Tracking » menée par Deep Blue. L’étude mettait en lumière différentes faiblesses que les annonceurs épinglaient à l’égard de leurs agences, et il apparaissait qu’un cruel manque se faisait ressentir au niveau du strategic planning. Bruno Liesse, directeur de Deep Blue, synthétisait alors: « Il y a aujourd’hui en Belgique moins de cinq agences qui sont vraiment équipées en strategic planners full-time et qui facturent pour ce service.»  Ce sont surtout ces derniers mots qui ont suscité une réaction chez les strategic planners belges rassemblés au sein de l’APG (Account Planner Group) Belgium. « Rien qu’au sein de l’APG, nous sommes 83 à occuper la fonction de Strategic Planner à temps-plein. Et c’est sans compter les consultants ou les agences qui ne sont pas membres de l’ACC » s’explique Tom Theys Strategic Planner chez Publicis. D’où cette confusion peut-elle bien provenir? Zoom sur la fonction de strategic planner.

Finalement, qu’est-ce qu’un strategic planner? D’abord désigné par le qualificatif d’ « account planner », ce poste a été mis sur pied pour faire le pont entre l’account manager et le créatif, le premier servant le client, le second la création. Il manquait donc quelqu’un pour représenter l’axe du consommateur et rappeler ce qui est pertinent vis-à-vis de lui tout au long du processus. « Nous sommes là pour entrer dans la tête du potentiel consommateur. D’ailleurs, à l’origine, nous étions souvent issus des filières de la psychologie ou de la sociologie, » raconte Yves Van Landeghem, Strategic Planner chez Saatchi & Saatchi Brussels. Mais c’est aussi une fonction qui évolue et qui ne cesse de gagner en importance. En effet, les stéréotypes sur lesquels les publicitaires se basaient il y a 30 ou 50 ans n’ont plus cours aujourd’hui: « Mobilité professionnelle, indépendance de la femme, familles recomposées,… Tous ces phénomènes font que nous sommes devenus des individus à la carte, de plus en plus difficiles à circonscrire à une catégorie. Les médias aussi ont de plus en plus de mal à décrire leurs audiences tellement elles se diversifient ». De plus, les produits se ressemblent toujours davantage et leur qualité ne suffit plus à les distinguer. D’où tout l’intérêt d’établir d’autres connexions avec le consommateur. Et pour cet exercice difficile, il est nécessaire de faire appel à des spécialistes de la question.

Pas de plans marketing
La profession telle qu’elle existe actuellement est donc relativement neuve. L’APG Belgium elle-même ne s’est constituée qu’à la moitié des années 2000. Et puisqu’aucune formation en la matière n’était organisée, le groupe de stratèges a mis en place en 2010, puis en 2011, HYPE ou « Holistic Young Planners Education ». « Plus que des cours, il s’agit plutôt d’insuffler une mentalité. Le strategic planning est un métier très peu organisé, qui s’apprend principalement sur le tas et qui peut même varier d’agence en agence, » admet Carola Michiels de chez Famous et présidente de l’APG. Et à écouter les strategic planners, ils sembleraient que leur rôle ne soit pas extrêmement clair pour les annonceurs.

De fait aujourd’hui, le strategic planner est toujours plus souvent affublé d’une double mission: les annonceurs ne lui demandent plus uniquement de définir la cible, mais aussi de désigner le produit qui conviendrait le mieux à cette cible. « Pourtant, nous ne sommes pas des consultants. Nous ne sommes pas là non plus pour écrire des plans marketing. Nous sommes là pour soutenir les clients dans leur réflexion, » défend Yves Van Landeghem. La dénomination « stratège » sèmerait le trouble. « Stratège, c’est un mot générique. Mais de ce fait, les annonceurs nous considèrent comme des partenaires business. Alors même si cela fait généralement du bien à notre ego, nous ne devons absolument pas nous lancer là-dedans parce que nous n’en possédons pas les outils. »
« Ce serait donner trop d’importance au strategic planner, » complète Peter Verbiest, strategic planner chez Boondoggle. « Comme tous les autres acteurs d’un projet, nous avons besoin d’une équipe complète autour de nous, d’être entouré de spécialistes qui peuvent nous apporter les réponses qui nous manquent. » Et Tom Theys d’esquisser que « c’est peut-être de là que vient la déception des annonceurs, parce qu’ils attendent autre chose d’un strategic planner que ce qu’il doit faire ». En outre, alors même que les délais imposés sont plus courts, on leur demande un travail plus en profondeur. Pourquoi? Parce que les stratèges peuvent parfois moins compter sur les équipes marketing internes aux entreprises qui leur fournissent pourtant une aide précieuse. « Je ressens un désinvestissement de certains annonceurs dans le savoir marketing, particulièrement à cause de la conjoncture. Nos défis deviennent de plus en plus grands alors que les moyens ne cessent de diminuer, » continue Tom Theys. La vision à long terme fait également défaut, une mentalité amplifiée par la crise: « Pour preuve, les marketeers au sein des entreprises sont globalement évalués comme des équipes sales, » constate Yves Van Landeghem. « On ne leur donne pas assez de temps pour faire leurs preuves, alors que l’histoire d’une marque se construit sur le long terme. Du coup, ils ont aussi moins envie de s’investir. » Et Peter Verbiest observe: « Le fait que nous manquons de ressources, cela ne va pas changer. Il faut donc affronter les problèmes ensemble, agence et équipe marketing interne soudées. Malheureusement, aujourd’hui les deux parties travaillent surtout de manière linéaire, individualisée. »

Des curieux de l'ombre
Le strategic planner occupe aussi une place backstage. Il commence seulement a être repris dans les crédits des spots publicitaires des festivals et si certains planners accèdent à la célébrité, ce n’est que dans un petit monde d’initiés. Comme « nous ne sommes pas mis sur le devant de la scène, nos clients ne nous voient pas forcément et ne réalisent peut-être pas bien à quel niveau nous intervenons, » suggère Yves Van Landeghem. Cependant, la discipline s’impose peu à peu, particulièrement en Belgique où elle se place généralement au cœur du management des agences. Cette culture contamine aussi les annonceurs, qui demandent davantage à rencontrer le strategic planner qui accompagne leur account et qui le font participer aux présentations de cases. « C’est une position à double tranchant parce que si le strategic planner devient le premier interlocuteur de son client, il va s’en rapprocher et éprouvera ensuite des difficultés à se mettre dans la peau du consommateur, » commente Carola Michiels. « Nous sommes effectivement là pour ouvrir de nouvelles portes, pour franchir des barrières. La curiosité est extrêmement importante chez nous, » ajoute Peter Verbiest. « D’ailleurs tant les offres d’emploi que les annonceurs ont tendance à demander des strategic planners avec une expérience dans le secteur concerné. C’est une erreur parce que, dans cette situation, la curiosité disparait et nous ne faisons plus l’effort de la réflexion. »

Alors, pour finir, manque-t-on réellement de strategic planners en Belgique? « Il est vrai que c’est un profil qui ne se trouve pas aisément. Mais je ne suis pas certain qu’être beaucoup plus nombreux soit une chose positive parce que plus nous sommes, plus nous risquons d’être cantonnés à une marque, à un secteur. Or, notre richesse se nourrit de la multiplicité des projets que nous traitons, » réfléchit Tom Theys. « L’on a commencé par créer le rôle de Strategic Planners dans les agences, parce que nous avons détecté un besoin à ce niveau. Ces dernières ont alors recruté des professionnels qui venaient d’autres horizons, puis nous avons fini par ébaucher une formation pour essayer de davantage délimiter le rôle de cette nouvelle fonction. Peut-être devrions-nous maintenant réaliser cette démarche auprès des annonceurs… »