[Opinion] Le consommateur et le folder: une véritable histoire d'amour 

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Cora, Carrefour, et bien d’autres acteurs de la grande distribution annoncent chacun à leur tour la fin de leurs folders promotionnels et catalogues papier. Comment le secteur réagit-t-il à cette réalité ? Découvrez ici une opinion de Florence Luycx, Managing Owner chez advert’HYPE.  Et ci-dessous, la réaction de Leen Dehantschutter, managing director, chez BD Media. 

 

"Carrefour supprime les folders dans les grandes villes et E.Leclerc en France justifie de manière frappante les raisons pour lesquelles ils renoncent au folder. On oublierait presque, dans ce contexte, le point de vue du consommateur. Il est incontestable que le folder n'est plus ce qu'il était il y a 20 ans. Mais il en est de même pour sa place dans le mix média.

Pour les consommateurs, le folder est le moyen de prédilection pour s’inspirer et comparer les prix. Surtout à l’heure actuelle où le pouvoir d'achat est sous pression, il reste pour de nombreuses familles un outil important pour préparer leur liste de courses. Des études montrent que les consommateurs peuvent économiser jusqu'à 20 % sur leurs achats en comparant consciemment les prix. Et les Belges aiment le faire à l'aide de leurs folders hebdomadaires. Chez BD Media, nous interrogeons chaque année 1.000 Belges sur les toutes-boîtes par l'intermédiaire d'un bureau d'études indépendant. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Plus de 9 Belges sur 10 déclarent parcourir les folders, 8 sur 10 le font même chaque semaine. Il est bien sûr vrai que le folder numérique gagne également en popularité, mais pas au détriment du folder papier. Seuls 4 % des Belges disent lire exclusivement des folders digitaux, la grande majorité (61 %) lit à la fois la version papier et numérique. Près d'un sur trois s'en tient exclusivement au format papier.

Les folders sont considérés comme fiables et non intrusifs, ce qui constitue leur plus grand atout. Les consommateurs décident du moment où ils consultent le folder. De plus, les offres étant indiquées dans le folder, ils emportent souvent ce dernier avec eux dans le point de vente. Il n'est pas surprenant donc, que les consommateurs indiquent préférer ce format pour recevoir de la publicité. 

Tout le monde peut recevoir des folders. C'est un média très inclusif : compréhensible, visuel et accessible. Après tout, tout le monde a une boîte aux lettres. Même s’il est également facile à éviter : il suffit en effet de coller tout simplement un autocollant « pas de publicité ». 

Dans le cadre des plaintes des consommateurs nous constatons également que ces derniers sont impatients de recevoir le paquet de folders. Nous surveillons de très près les commentaires que nous recevons de leur part. Lorsque les magasins décident de ne plus distribuer leurs folders dans certaines zones, ils n'hésitent pas à nous faire savoir qu'ils ne les ont pas reçus. 

Je ne dirais certainement pas qu'il s'agit d'une histoire de choix et je ne suis certainement pas aveugle à la valeur ajoutée du large spectre médiatique. Les médias classiques et numériques vont de pair. Là où les médias classiques tels que les folders, ou encore la télévision, les magazines, l’affichage inspirent les consommateurs, l'internet facilite les choses en vous permettant de rechercher aisément plus d’informations sur un produit spécifique avant de l'acheter. Il est clair que le digital offre de nombreuses possibilités et nous devons absolument les exploiter. Prenez l’exemple d’un livre ; certains aiment la sensation du papier et ne jurent que par cette version, tandis que d'autres préfèrent la commodité d'une liseuse électronique qui contient l’ensemble de leurs livres. Et entre les deux, il y a beaucoup de consommateurs qui utilisent à la fois leur lisseuse dans un avion par exemple, et qui, à la maison, aiment remplir leur bibliothèque avec des exemplaires papier.

Les opposants jouent souvent la carte de l'écologie. Le folder est alors souvent qualifié de "pire élève de la classe". Toutefois, cela n'est pas justifié. Le papier est encore trop souvent considéré comme un déchet, et non comme un moyen de communication. Le folder n'est pas plus mauvais écologiquement que les autres médias, bien au contraire.

Les arguments écologiques sont souvent non fondés. La Belgique est en tête en matière de tri et de recyclage ; seule l'Allemagne fait encore mieux en Europe. Nous disposons d'un excellent système de gestion des déchets papier qui maximise la réutilisation de ceux-ci (jusqu'à 7 fois pour le papier graphique). En outre, la part des folders au sein de la "montagne de papier" est nulle. Ces dernières années, le pourcentage de courrier adressé et non adressé dans la consommation totale de papier et carton est passé d'un peu plus de 10 % dans les années 1990 à moins de 5 %. Nous regroupons également tous les folders en un seul paquet, ce qui minimise le nombre de "mouvements logistiques" pour amener les folders aux consommateurs.

Il est vrai que nos volumes ont diminué ces dernières années. La crise covid a joué un rôle d’accélérateur à cet égard. Cependant, nous constatons que cette baisse de volume n'est pas un choix contre le folder mais plutôt un choix budgétaire. Tous les coûts sont scrutés minutieusement, y compris ceux consacrés au marketing. Ces dernières années les folders sont également devenus un support coûteux. Le prix du papier est monté en flèche ces deux dernières années. De plus, il existe des taxes communales qui rendent la distribution d'un folder dans certaines communes presque impayable. 

Dans certains cas, les détaillants paient 3 fois plus pour les taxes communales que pour la distribution de leurs folders. La Belgique est également "unique" à cet égard. Aux Pays-Bas, par exemple, il n'existe aucune taxe sur la distribution de folders non adressés, ce qui se traduit immédiatement par des volumes plus importants. Je plaide donc pour une taxe qui n'ignore pas sa finalité initiale et qui soit également proportionnelle à l'empreinte écologique des folders distribués. Parce que celle-ci manque complètement de logique. Considérons un instant le paradoxe suivant : les commandes en ligne qui sont livrées depuis l'étranger, dont les emballages contribuent également à notre consommation de papier et de carton, ne sont pas taxées, mais les toutes-boîtes distribués par une entreprise belge, et dont les clients sont basés en Belgique, le sont.

Je voudrais donc inviter chacun à y réfléchir et à ne pas tirer de conclusions hâtives, mais fondées. Profitons de la large offre médiatique en utilisant le bon support, au bon moment, selon l'objectif et le groupe cible défini.

Leen Dehantschutter, managing director, BD Media