Provided by MediaSpecs : François le Hodey (IPM) et le rôle fondamental des médias

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François le Hodey, CEO d’IPM depuis 24 ans, a acquis le groupe dans les années 80 et a associé sa famille dans ce projet. Aujourd’hui, IPM est un acteur majeur du marché belge de la presse quotidienne francophone. Grâce à sa récente acquisition des Éditions de L’Avenir, le propriétaire de La Libre Belgique et de La DH-Les Sports devient le co-leader de ce marché face à Rossel qui détient notamment Le Soir et les éditions Sudpresse. À eux deux, ils se partagent désormais la totalité du marché de la presse quotidienne francophone.

L’importance d’une base commune de compréhension des enjeux

En janvier dernier, lors de la session CommPass ‘The Year Ahead’, François le Hodey affirmait : « On doit lire un minimum la même chose, sinon il n’y a plus de vie commune ». Une phrase qui a pris encore plus de sens avec la crise sanitaire que nous traversons depuis plusieurs mois. « Dans la crise que l’on vient de vivre, on observe la différence entre le monde de la fiction et le monde de la réalité. » Par opposition à la télévision, « la majorité des contenus que nous produisons, c’est de l’information. Et on a vu que quand il y a une crise, on revient à l’essentiel. Et l’essentiel, c’est la réalité », rappelle François le Hodey.

Durant le confinement, « la presse quotidienne était le média qui continuait à entrer dans les ménages. Mais surtout, c’était un média puissant et hyper crédible. » Plus que jamais ce « trésor commun » était une nécessité, car c’est précisément ce « niveau d’information d’une qualité suffisante qui fait que les citoyens peuvent se comprendre sur ce qui est important et agir de manière cohérente par rapport aux enjeux de la société. »

L’ensemble du pays se trouvait alors dans une réalité grave avec des enjeux sanitaires et économiques majeurs à propos desquels tout le monde avait son avis. « Cela montre que la toute grande majorité des citoyens est impliquée et cherche la bonne information, car chacun veut être intelligent dans sa manière d’interagir. La connexion se fait donc naturellement avec ceux qui produisent de l’information de qualité. »

Crise Covid-19 : « On en sort beaucoup plus fort »

En ce qui concerne la gestion éditoriale de la crise, IPM a perçu très tôt la dangerosité de la pandémie qui s’annonçait. « Dès la fin janvier, nous avons eu la perception de la dimension mondiale de cette crise et nous étions sur le pied de guerre. » Les rédactions étaient en contact avec des virologues étrangers déjà très actifs sur le sujet, pour informer les lecteurs. Sur le plan de la gestion interne, les premières mesures sanitaires ont été prises aussi très tôt.

De manière générale, « l’enjeu, c’est d’arriver à anticiper les crises avant qu’elles n’arrivent et à anticiper la sortie de celles-ci une fois dedans ». Dans le cas de la crise du Covid-19, « on considère qu’on a été préservé parce qu’on est un secteur essentiel et parce que nous avons une résilience économique impressionnante. Nous avons réussi à travailler en remote quasi du jour au lendemain, c’est impressionnant, et heureusement ce fut le cas de la majorité des entreprises. »

« Nous sommes tous interdépendants. »

Au-delà d’être un besoin indispensable pour la société, la presse quotidienne trouve sa résilience dans la diversité de ses sources de revenus. « Quand une crise arrive, il y a toujours un secteur qui résiste mieux que les autres. Et chez nous, ce qui a le mieux résisté c’est le marché de nos lecteurs et je pense que c’est vrai pour toute la presse quotidienne. Notre réservoir de lecteurs a très bien tenu, tous les abonnements ont tous été distribués grâce à bpost et au portage privé. Il faut reconnaître que les services postaux et privés ont très bien fonctionné durant la crise. Cela montre aussi combien nous sommes tous interdépendants. » Sur le plan publicitaire, François le Hodey estime que la crise a entraîné deux réactions opposées du côté des annonceurs : « Il y a d’un côté ceux qui ont tout fermé et on ne les a plus vu. Et puis, il y a eu les annonceurs qui ont réalisé une communication citoyenne et qui ont utilisé la presse quotidienne pour le faire. Et je crois que c’était un très bon choix. Les formules d’achat de toute la presse « NP » ont été très largement utilisées par ces grands annonceurs ».

Durant le confinement, la pagination en print a été réduite, la vente en kiosque a diminué du fait que certains points de vente étaient fermés. Par contre, les abonnements n’ont pas été impactés et la diffusion sur Internet, comme pour l’ensemble des sites d’actualité, a explosé. « Les abonnements numériques, on en a fait, mais ce n’est pas non plus gigantesque parce qu’on a donné gratuitement toutes les informations Covid à titre de service civil. Il n’y a pas eu de bénéfice économique sur Internet suite à la crise. On a simplement joué notre rôle. Et le rôle des grandes marques de presse a grandi. On en sort beaucoup plus fort. »

Faire de L’Avenir le premier média wallon

Convoitées par IPM depuis de nombreuses années, Les Éditions de L’Avenir sont enfin tombées dans l’escarcelle du groupe de presse de François le Hodey au même titre que Moustique et Télé Pocket. « L’Avenir, c’est un titre qu’on aime parce que c’est un journal régional citoyen, c’est-à-dire que ce n’est pas un journal populaire et populiste. Il ne vit pas du sensationnalisme, il vit de la vie des gens. La société aura toujours des débats internes et des faits à raconter. »

 « Être la référence de la vraie vie des gens, je crois que c’est un magnifique projet pour une entreprise. »

Bien que l’ensemble des titres de presse quotidienne soit désormais aux mains de deux grands acteurs, le CEO d’IPM l’assure, le pluralisme et la diversité ne seront pas affaiblis. « En presse, ce serait complètement contraire à la logique de marché de supprimer des titres. Ni La Libre, ni La DH, ne peuvent satisfaire les lecteurs de L’Avenir. Et vice-versa. L’enjeu est d’arriver à ce que chacun des acteurs soit suffisamment grands pour atteindre la taille critique sans diminuer la diversité du marché. C’est ce qui a été brillamment réussi en Flandre. Dans le sud, nous étions en retard. » En effet, le marché flamand de la presse quotidienne est détenu depuis 2013 par deux acteurs forts : DPG Media et Mediahuis.

Très focalisé sur la transition numérique depuis plusieurs années, IPM souhaite contribuer au développement de l’audience numérique de L’Avenir, comme elle a réussi à le faire pour La Libre et La DH. « Le projet, c’est de garder la manière d’aborder l’information ancrée dans la réalité et de lui donner l’envergure numérique qu’elle mérite et qu’elle n’a pas encore aujourd’hui. » Cela devra inévitablement passer par une connexion entre la marque et la jeune génération. « L’Avenir est le premier journal wallon, l’objectif est qu’il atteigne aussi ce leadership sur Internet, en dépassant Sudpresse. »

30 années d’investissements pour une transition vers le numérique

L’acquisition des Éditions de L’Avenir va ainsi permettre à IPM de grandir et d’établir un nouveau rapport de force avec son concurrent direct. « Maintenant, Rossel et IPM auront chacun la taille critique pour amortir les investissements dans le digital et réussir ce challenge colossal de la transition numérique. » IPM investit chaque année depuis 2000 des montants très significatifs afin d’assurer cette transition. En termes de chiffres, les abonnements numériques de La Libre représentent à ce jour plus de 40% de l’ensemble de sa diffusion payante. Pour La DH, les abonnements numériques atteignent 30% de la diffusion.

« Nous avons apparemment encore 6 à 10 ans devant nous pour retourner complètement le modèle. Là où le secteur n’a pas encore réussi, c’est la publicité dans le numérique. Nos inventaires sont sous-utilisés, c’est un de nos gros enjeux. Mais aujourd’hui, on peut avoir plus confiance dans le futur de la presse quotidienne qu’il y a 10 ans où on ne savait pas vraiment comment ça allait se passer. Maintenant, on voit que le modèle digital payant prend sa place. Quant au papier, il reste important, il faut chercher à le préserver, tout en basculant le modèle dans l’Ère Numérique. »

Pub online : il faut sortir de la domination de Facebook et Google

Le marché de la publicité en ligne est en croissance permanente. Mais ce sont Google et Facebook qui en profitent. En effet, les deux géants américains s’accaparent plus de 80% de parts de marché de la publicité digitale, ne laissant que très peu de place aux éditeurs locaux. « Il faut sortir de la domination des Google et Facebook. On se laisse prendre par un système qui est super bien organisé, très structuré, qui est très facile pour les agences. Mais au final, les acheteurs médias deviennent des presse-bouton, on perd la créativité marketing et on n’utilise pas de manière optimale tous les leviers de communication qui existent dans les médias locaux. »

 « L’intelligence artificielle est en train d’arriver à vitesse VV’ et c’est un grand danger pour les agences. »

Une situation qui doit inquiéter encore davantage lorsque l’on tient compte les progrès techniques et scientifiques chaque jour plus nombreux. « Si la créativité n’est plus un élément important dans la communication, alors je crois que l’intelligence artificielle supprimera ces métiers et ça ne prendra pas 10 ans. »

Il est donc indispensable de travailler sur cette dimension de la créativité qui est l’essence même de la publicité et qui ne peut être réalisée par une machine. « Tout le monde doit s’interroger sur comment trouver le bon équilibre en termes de communication et ne pas faire que du quantitatif. C’est important pour tout le maillage des médias locaux. La diversité des médias, c’est aussi la diversité de la créativité. »

Le marché de la presse quotidienne : un secteur ‘successful’ en Belgique

En Belgique, les éditeurs de presse quotidienne démontrent un très grand dynamisme tant au nord qu’au sud du pays. Selon François le Hodey, plusieurs facteurs expliquent cette success-story. « Pourquoi est-ce qu’en presse, les Belges réussissent si bien ? Je crois que c’est parce que nous sommes un petit marché et nous avons donc appris à gérer nos entreprises de manière extrêmement efficiente. Cet enjeu de taille est vrai non seulement au niveau des lecteurs, mais aussi des annonceurs, la part de marché publicitaire dans la presse est en effet plus faible en Belgique qu’à l’étranger, on peut se demander d’ailleurs pourquoi au vu de l’efficience de ce média. À cette culture du « lean », on peut aussi relever une très forte ouverture à l’innovation en Belgique. » Une autre particularité des groupes de presse belges est qu’ils sont quasi tous des groupes familiaux. La famille de François le Hodey détient IPM, la famille Hurbain possède le groupe Rossel, et les groupes flamands DPG Media, Mediahuis et Roularta sont aussi contrôlés par des familles. « C’est une très bonne chose, parce que c’est un élément de proximité et cela signifie des décisions réfléchies pour le long terme. »

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