Quand le ROI se fait social

Quand le ROI se fait social - intro beeld - pub11-2013

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Le temps où les annonceurs s’y lançaient simplement parce que « cela ne coûtait pas grand-chose et qu’on sentait qu’il s’y passait quelque chose » est révolu. Les réseaux sociaux s’approchent d’une relative maturité et grappillent peu à peu leurs lettres de noblesse parmi les autres médias. Mais accéder à ce statut signifie aussi passer sous le même crible, celui du ROI. Est-il mesurable? Combien coûte l’utilisation des réseaux sociaux? Qu’est-ce qu’elle rapporte? Que valent vraiment ces données?

« Un réseau social, c’est avant tout un écosystème, » rappelle Philippe Deltenre, digital strategy director chez Mediabrands Audience Platform(MAP) pour la division social media Spring Creek. « Un écosystème dans lequel une foule de paramètres interviennent puisque s’y mêlent média payant (paid), gestion de sa propre présence avec son compte (owned) et monitoring des conversations qui peuvent exister autour d’un sujet (earned). » De ces différents angles POE dépend donc le calcul. « Quand il s’agit de publicité au sens strict sur les réseaux, nous nous trouvons dans un modèle à la performance. Nous travaillons alors sur du clic et de la conversion immédiate. Le ROI se mesure donc comme n’importe quelle campagne à la performance. » Les choses se corsent quand le community management entre en jeu. « Il est naturellement plus difficile de chiffrer une conversion, au jour le jour, en termes de ventes à partir du niveau d’engagement, de la conversation générée,… Ces leviers-là poursuivent aussi un objectif d’apport à la notoriété de la marque, qui est à considérer sur un plus long terme. » Ce n’est pas pour autant que leur efficacité n’est pas évaluable. Olivier Lemaire, managing director de MAP au sein de Spring Creek également, prévient toutefois: « il ne faut pas prendre les ‘features’ des réseaux sociaux comme des KPI’s. Là est la grosse erreur: les entreprises ont considéré le fait de devenir fan ou de retweeter comme un objectif en soi, qui n’était ensuite jamais comparé à une réalité. Obtenir 100.000 fans, qu’est-ce que ça veut dire en termes de ventes supplémentaires? Il faut aller dans une recherche plus macro et préférer une approche du type: ‘quand j’augmente mon engagement sur Facebook, quel est l’impact sur le reste de mes médias? Quel est l’impact final sur mes ventes?’ Quand on comprend cela, on peut vraiment parler de ROI. » D’ailleurs, «  ces ‘metrics’ ne sont que des éléments de départ à traduire en KPI’s, » confirme Geert De Laet, digital strategist chez Luon.

LES FEATURES DES RÉSEAUX NE SONT PAS DES KPI'S. Olivier Lemaire
La démarche à suivre est donc d’abord de définir des objectifs business. « A chacun de ces objectifs correspondent des indicateurs de performances desquels découlent logiquement des tactiques à mettre en place, » résume Philippe Deltenre. « Si le but du réseau c’est de faire du customer service, alors nous allons l’appréhender comme un profit-centre et évaluer le taux de satisfaction de la clientèle, le coût moyen par client,… En fait, nous nous servons d’outils très modernes mais au service des KPI’s traditionnels. » Olivier Lemaire continue: « Ces outils nous appartiennent. Ce qu’un Facebook, par exemple, met à disposition sert uniquement à traquer des fonctionnalités. Il y en a qui vont imaginer des formules sacrées, additionner-diviser ces ‘metrics’, attribuer des points à chaque post, commentaire ou partage… Il n’y a pas de recette-miracle! Ce qu’il faut, c’est établir un lien avec les ventes, c’est-à-dire la réalité. » Et Didier Ackermans, director digital and marketing services chez Aegis Media Belgium au sein d’Isobar, d’ajouter: « Tellement d’aspects sont mesurables au niveau des médias sociaux aujourd’hui, que les annonceurs ne peuvent plus se retrancher derrière l’absence de ROI. Et quelque soit l’objectif qu’on veut atteindre, les réseaux permettent incontestablement un vrai travail de visibilité et de notoriété. »

TRACKING POUR HYPER TARGETING
Résoudre en ligne le problème d’un client, par exemple, présente un certain ROI puisque c’est un client que la marque ne perd pas, une potentielle opportunité conservée. Mais ce ROI n’est pas mesurable en termes classiques. « La notion de ROI colle difficilement aux réseaux sociaux parce qu’elle est essentiellement financière, » réfléchit Geert De Laet. « Alors que dans certains cas, c’est un autre type de return que nous recevons. Parfois, il faudrait presque reformuler le ROI en ‘return on engagement’ ou ‘return on collecting datas’, objectifs intermédiaires qui se situent à mi-chemin du parcours d’achat d’un consommateur. » Parce qu’au-delà de la large audience que les réseaux atteignent, ils présentent bien d’autres atouts. En haut du podium: le tracking particulièrement précis que permet le digital. Ses outils fournissent le moyen de suivre à la trace des internautes, naturellement anonymisés. Qu’ont-ils vu? Quand? Combien de temps restent-ils sur telle page ou telle application ?... Un moyen d’entièrement redessiner le chemin parcouru. « Certains clients n’acceptent pas encore que nous traquions leurs campagnes jusqu’au bout, jusqu’à la transaction. Dans ces conditions, il est beaucoup plus difficile de démontrer le ROI ou l’absence de ROI d’un réseau! » avertit Philippe Deltenre. « C’est également grâce à ce tracking que nous pouvons optimiser nos actions. »

LA STRATÉGIE "SOCIAL" DÉPEND DES OBJECTIFS DE LA MARQUE. Didier Ackermans

Qui dit tracking, dit également récolte d’informations sur les utilisateurs. Et ces données sont innombrables: sexe, âge, langue, profession, milieu social mais aussi centres d’intérêts, entourage, smartphone utilisé, lieux visités, etc. Le ciblage « à la personne » devient quasiment possible! De ce fait, les achats d’inventaires, sur base d’un contenu, laisse de plus en plus la place à l’achat des contacts avec une audience au profil bien particulier. Les données s’empilent, s’entrecroisent, si bien « que nous pouvons réaliser un travail ROI-ste sur les ventes, ce par le biais de systèmes de retargeting qui observe les internautes qui ont été mis en contact avec un message particulier, » argue Didier Ackermans. « Cet hyper-targeting est tout aussi bénéfique aux annonceurs, qui s’adressent uniquement à leur public-cible sans plus de gaspillage, mais aussi aux consommateurs qui ne seront mis en contact qu’avec des contenus susceptibles de les intéresser, » souligne Olivier Lemaire.

FRAUDE CONTRE ALGORITHMES
Le doute plane cependant: ces données sont-elles véritablement toutes valables? « Si une grosse entreprise comme Facebook commet un faux pas, la sociosphère lui tirera inévitablement dessus à boulets rouges! Ce serait fou de sa part de rompre les clauses de protection de la vie privée ou de manipuler des metrics, » signale Didier Ackermans. Les faux-fans, faux-clics ou faux-profils, eux, s’assimilent à des maladies de jeunesse. Tout se nettoie au fur et à mesure: les agences trient régulièrement leurs fanbases, filtrent leurs données en allant vers des fans qualifiés. « La fraude existe, mais les  ‘faux’ s’écrèment tout seuls au fur et à mesure de la conversation; voilà pourquoi se focaliser sur le nombre n’a plus aucune valeur, » analyse Bas Jespers, clients & strategy director chez Luon. « Les analyses créent une sorte d’entonnoir qui identifient les ‘influencers’ pertinents, le noyau dur des ambassadeurs, » complète Thibaut De Norre, directeur de The Cube d’Auxipress. « C’est aussi à cela que servent nos études: à éliminer les comptes inutiles ou à signaler les profils hyper intéressants. Bien souvent, on parvient à établir une cartographie des personnes intéressantes à suivre pour la marque. Et puis, à force d’éplucher les conversations, nous nous rendons maintenant très vite compte si la source de l’information est mauvaise. » Yves Baudechon, fondateur de Social.Lab, insiste: « La suspicion qu’il y a envers les metrics de Facebook n’a, à mon avis, pas lieu d’être. Je reste aussi très sceptique quant à l’existence de faux-fans, etc. Je peux éventuellement y voir un intérêt pour les hommes politiques ou les artistes, qui cherchent à flatter leur ego. Mais les marques n’ont strictement rien à en tirer! D’autant plus que le nombre de fans n’est plus un metric très important. C’est tellement plus facile d’agir à la loyale et des faux-profils coûteraient tellement d’argent… Si la marque veut davantage de commentaires, elle sait ce qu’elle doit faire: elle amplifie le post concerné pour qu’une plus grande partie des fans le voit.  On sait que les compteurs de views sur Youtube profite parfois d’un petit coup de boost payé. Cela permet d’apparaître sur la page d’accueil du réseau et d’augmenter ses chances d’être vu, » soulève Bas Jespers. « Mais dans ce cas, la logique est celle de ‘payer pour avoir de l’intention’. Et personne ne profite alors des avantages des réseaux sociaux, tels que le ciblage, la pertinence pour le consommateur, le gain d’engagement,… »

LES "FAUX" S'ÉCRÈMENT AU FUR ET À MESURE DE LA CONVERSATION. Bas Jespers

« S’il y a un biais, il est relatif: les volumes concernés sont tellement importants que les faux sont noyés dans la masse, » rassure Olivier Lemaire. « Ce genre de tromperie n’est pas propres aux réseaux sociaux; il s’agit en fait de tenter de tromper les algorithmes. Google a également été confronté à ce genre de manipulations à ses débuts. Ils ont au fur et à mesure adapté leurs algorithmes pour limiter les fraudes. Les réseaux évoluent dans le même sens et s’il leur manque encore quelques mécanismes de screening, dans un an, ils seront en place. »

S’IMPLIQUER ENTIEREMENT
Nos interlocuteurs pointent tous du doigt la définition des objectifs comme passage obligé pour construire une stratégie digitale. Cette dernière se dessinera au cas par cas, selon les caractéristiques de la marque. « La première étape est de définir le rôle que joue le réseau social, quelque qu’il soit, dans l’architecture de communication de la marque, quelle position il occupe par rapport aux autres canaux, » reprend Didier Ackermans. « Pour certains annonceurs, le réseau social ne sera qu’un canal pour répondre à des questions clients ou à des plaintes. Pour d’autres, il servira à l’acquisition de nouveaux clients. Pour d’autres encore, il sera juste un moyen d’humer l’air du temps, de voir ce qu’on pense de leur marque ou produit. Dans cas, il remplace le site web en étant en plus davantage interactif. » Mais cette stratégie ne doit pas seulement être l’affaire du département marketing. « L’image d’une entreprise concerne tous ses niveaux. Quand on en vient aux réseaux sociaux, tous devraient collaborer pour s’accorder sur la communication à transmettre, » soulève Thibault De Norre. « Chaque département peut profiter des insights décodés par les études. »

LES ANALYSES IDENTIFIENT LE NOYAU DUR DES AMBASSADEURS. Thibaut De Norre
Une attitude qui ne fait apparemment pas encore partie des habitudes dans notre pays. Alors que tous les indicateurs démontrent que l’ampleur des médias sociaux ne va pas s’amenuiser; les acteurs peuvent naturellement changer, un réseau en remplaçant un autre. Mais ce nouveau mode de communication s’est désormais fait une place dans la vie du public et parmi les médias, et doit être pris en compte lors de l’élaboration des plans. « D’un point de vue communicationnel et marketing, ne pas être sur les réseaux sociaux aujourd’hui, c’est suicidaire. Au même titre qu’il est devenu naturel de posséder un site internet. Nous ne le répéterons jamais assez: il faut être là où les consommateurs sont, » conclut Didier Ackermans. Toutes les marques, peu importe leur nature peuvent donc tirer leur épingle du jeu social. A condition que cela soit fait rigoureusement, d’une manière professionnelle, en tenant compte de toutes les facettes et de leurs conséquences.

LA DOULOUREUSE
Une présence sur les réseaux, oui, mais à quel prix? L’investissement dépend des fameux objectifs et de l’importance accordée aux rôles des médias sociaux dans la stratégie. Mais alors que d’aucuns ont vanté leur soi-disante gratuité, «  il n’y a pas de ‘free lunch’ sur les réseaux. Ou un tout petit peu et de moins en moins, » éclaircit une bonne fois pour toutes Yves Baudechon. Sur Facebook par exemple, qui est reconnu comme proposant l’offre la plus aboutie actuellement, « une page qui n’est pas activée n’a pas de valeur. Tout est donc payant, mais tout ce qu’on peut acheter est, selon moi, très efficace. » Gert De Laet confirme: « Ce n’est pas parce que l’inscription est gratuite que le reste l’est. En dehors des campagnes, les posts n’apparaissent pas automatiquement sur le newsfeed de tous les fans. Et ce ‘reach organic’ diminue toujours plus… C’est à ce moment que peut notamment intervenir l’option – payante – de ‘promoted post,’ pour doper la visibilité des posts. Et Facebook encourage d’ailleurs, subtilement, les marques à se servir de cette option. »

IL N'Y A PAS DE FREE LUNCH SUR LES MÉDIAS SOCIAUX. Yves Baudechon
En ce qui concerne la publicité, « on peut commencer très bas et monter très haut, du moins jusqu’à la limite du nombre de personnes touchées par jour. Un prix moyen pour commencer sur Facebook, ce serait un investissement de 20.000 euros pour une campagne de deux semaines-un mois, » estime Yves Baudechon. Quant au community management – soit le « owned » – « si nous n’achetons pas l’attention, nous devons quand même travailler pour la gagner! » indique Bas Jespers. Beaucoup de paramètres influencent les tarifs: la fréquence, la modération, le production de contenu,… Sans oublier que chaque post est une petite campagne en soi. Didier Ackermans envisage aussi des collaborateurs en interne « parce qu’une agence ne pourra jamais se substituer complètement à un annonceur qui connaît bien son produit, son secteur, ses clients,… ». Et puis il y a le volet « earned » et ses analyses qualitatives, indispensables pour connaître la perception d’une marque sur les réseaux, le point de départ d’un message, les « influencers »,… Cela par rapport à la concurrence, à une actualité donnée, à une nouvelle orientation, etc. « Les annonceurs ne peuvent pas y couper ne serait-ce que pour se préparer à gérer une éventuelle crise, » justifie Thibaut De Norre. Ce monitoring correspond, en termes de prix, à ce que pourrait coûter une étude de marché ou un sondage d’opinion. « Les réseaux sociaux représentent un investissement à long terme, qui rapporte un grand nombre de données utiles, des informations sur l’image, un dialogue avec le public,… Tous des éléments qui feront, logiquement, gagner de l’argent au final. »