Vers une nouvelle ère de la mesure d’audience

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Lors de la conférence CIM State of the Union 2024, qui s'est tenue le 12 septembre, le CIM a révélé une vision audacieuse pour la mesure des audiences, s'éloignant des méthodes traditionnelles centrées sur les médias individuels. « Notre objectif est de créer un système de mesure qui reflète la réalité des consommateurs modernes, » a déclaré Koenraad Deridder, Directeur Général du CIM. Dans cette optique, le CIM s'oriente vers une mesure cross-média intégrée, permettant de suivre les comportements des consommateurs à travers toutes les plateformes.

Koenraad Deridder, Directeur général du CIM - State of the Union 2024

Cette ambition se concrétisera avec l'introduction de CIM ONE, un cadre de recherche innovant à déployer en 2026, visant à offrir une vue complète de la consommation médiatique et davantage de transparence. Stephan Loerke, président de la WFA, urge cette dernière et souligne que « nous devons nous adapter aux complexités des médias actuels pour garantir une transparence totale ». Stephan Lameire, président du CIM, ajoute que « cette initiative marque un tournant essentiel pour l'industrie belge, car elle met en avant la nécessité d'une collaboration entre les acteurs locaux et internationaux. »

Stephan Loerke, Président de la WFA - State of the Union 2024

Stephan Lameire, Président du CIM - State of the Union 2024

Pour cela, le CIM mettra en place un nouveau panel d'analyse des comportements hors domicile, intégrant les médias numériques, y compris les réseaux sociaux et les plateformes de streaming. Cette évolution promet de capter jusqu'à 40 % d'audience supplémentaire, fournissant ainsi des données cruciales pour les publicités locales.

Une réponse aux besoins du marché publicitaire

Le CIM vise également à renforcer son utilité pour le marché de la publicité, qui, selon ses chiffres, génère environ 1,4 milliard d'euros de revenus publicitaires. Toutefois, pour de nombreuses transactions numériques, les données pertinentes font défaut. En outre, la lutte contre la fraude publicitaire est devenue une priorité.

Actuellement, 3 % des transactions numériques sont considérées comme frauduleuses, et 21 % des publicités apparaissent sur des sites à faible valeur informative, souvent créés pour du clickbait. Dans ce contexte, le CIM s'engage à auditer et certifier les systèmes et données numériques, en s'appuyant sur son partenariat avec le Media Rating Council.

Dans un paysage publicitaire en constante évolution, l'appel à une approche transformative de la mesure des audiences n’a jamais été aussi urgent. Au cœur de cette évolution se trouvent des initiatives comme CIM ONE, qui s'inscrit dans une dynamique internationale parallèle aux projets Halo (WFA)aux États-Unis et Origin (ISBA) au Royaume-Uni.

L’Intégration des plateformes internationales

« Notre industrie est toujours freinée par un système de mesure centré sur les médias traditionnels, » a déclaré Deridder avec franchise. Ce cadre obsolète pose des défis majeurs pour les marques, rendant difficile l'évaluation précise de l'efficacité de leurs dépenses publicitaires à travers divers canaux.

Actuellement, seulement 45 % des médias sont mesurés en Belgique, limitant ainsi la capacité des annonceurs à prendre des décisions éclairées. Dans ce contexte, Stephan Lameire explique que « le CIM s'engage à auditer et certifier les systèmes et données numériques, afin d'assurer aux annonceurs que leurs campagnes atteignent réellement leur public cible. »

L'intégration des grandes plateformes dans CIM ONE est cruciale. « CIM ONE est conçu pour intégrer des données de Google, Meta et d'autres acteurs majeurs, » explique Deridder. À l'avenir, des géants comme Google devront s’inscrire auprès du CIM pour certifier leurs publicités, renforçant la transparence et la responsabilité. Cette initiative vise à réduire la fraude, un problème persistant. Lameire rajoute que « l'engagement des grandes plateformes est crucial pour garantir une transparence totale et une équité entre les acteurs du marché. »

Dans ce sens, les serveurs publicitaires sous-estiment entre 35 et 60 % des contacts sur la télévision connectée, car ils ne tiennent pas compte du nombre réel de personnes devant l'écran, ce qui empêche la vente de ces contacts non comptabilisés, du nombre de personnes réellement devant un écran connecté, comme une télévision. « Compter n'est pas mesurer, » a martelé Deridder. Actuellement, « la publicité numérique est vendue sur la base des données des serveurs publicitaires, mais une analyse de notre panel TV révèle que le ciblage est incorrect dans un quart des cas. »

Certifications et panels

Pour renforcer ces mesures, le CIM a récemment lancé une certification Drive-to-Store en collaboration avec des autorités françaises, incluant des partenaires comme JCDecaux, afin de certifier des capteurs intégrés dans leurs dispositifs. Cette initiative illustre la volonté de mieux mesurer l'impact des campagnes publicitaires sur le comportement des consommateurs, en reliant les impressions aux visites en magasin. L'objectif est clair : "planifier et négocier en fonction des individus, car les robots ne sont pas des individus," a ajouté Deridder, soulignant l'importance d'une approche humaine face à la fraude.

Le projet CIM ONE se positionne comme la réponse à ces défis, visant à créer un système de mesure intégré qui englobe tous les canaux médiatiques. En collaborant avec Ipsos pour mettre en place un panel mobile, CIM aspire à mieux mesurer la consommation de médias, y compris la télévision et la radio, avec un objectif de 1 500 participants dans la partie flamande. « Nous déployons cela pour capturer des données en temps réel, augmentant ainsi la précision des mesures, » a précisé Deridder.

L'impact sur les investissements publicitaires

Ces nouvelles mesures promettent d'optimiser les investissements publicitaires. Deridder a mis en avant l'exemple des Pays-Bas, où la mise en place d’une mesure continue en radio a généré 8 % d'investissements publicitaires supplémentaires. En intégrant des données de plateformes comme Netflix ou Amazon Prime, CIM vise à « commercialiser ces 40 % qui ne sont pas encore pris en compte » dans les mesures actuelles.

Stephan Loerke a souligné que le projet Halo de la WFA est conçu pour créer un cadre de mesure cross-média au niveau international. « C'est un moment décisif en matière de mesure, » a-t-il déclaré, insistant sur le besoin d’un code et d’un logiciel de portée mondiale pour permettre une mesure intégrée et responsable. Loerke a également insisté sur l'importance d'une collaboration étroite avec les grandes plateformes pour assurer que les données soient accessibles et que les marques puissent évaluer efficacement leurs performances publicitaires. « Sans une approche intégrée, nous laissons des lacunes dans notre compréhension de l'efficacité des campagnes publicitaires, » a-t-il ajouté.

Les nouveaux horizons de l’efficacité publicitaire

Dans cette révolution, le CIM explore également des solutions pour améliorer la mesure de la publicité vidéo avec l'outil Total Video Advertising (TOVA). Le potentiel de cet outil à générer des insights précieux permettrait aux agences de mieux répartir leurs budgets entre la télévision linéaire et les vidéos en ligne.

« Si nous réussissons à intégrer ces données et à convaincre les annonceurs de la valeur de ces mesures, nous pouvons espérer un impact significatif sur l'ensemble du marché, » a-t-il conclu. Cette approche vise à garantir une répartition équitable des budgets publicitaires, en faveur des médias belges.

De plus, la nécessité de certifier les données publicitaires est primordiale. CIM collabore avec des partenaires internationaux tels que Nielsen et Telmar, qui ont développé leur logiciel en Belgique avec des outils comme Peak Time et Actium. Ces collaborations renforcent la capacité du CIM à établir des normes de qualité dans la mesure d'audience. « Nous participons aux audits de Google et Amazon pour en comprendre les failles et les forces, » a déclaré Deridder, soulignant l'importance de développer des solutions locales pour lutter contre la fraude numérique.

Par ailleurs, le CIM fait partie intégrante de la Coalition Européenne de Mesure des Audiences, qui vise à établir des standards communs pour la mesure des audiences à travers l'Europe, garantissant ainsi une approche unifiée et fiable.

Une mission élargie

La nouvelle vision du CIM inclut le rôle de "fournisseur de solutions", développant des bases de données pour l’analyse du contexte médiatique et la valeur des influenceurs. Parallèlement, le CIM discute de son rôle potentiel en tant que Joint Industry Committee (JIC) dans le cadre de l’European Media Freedom Act, créant un code de conduite pour la mesure des audiences.

Deridder explique que le CIM a toujours eu comme slogan « crédibilité dans les médias » et qu'il souhaite conserver cette réputation. Cependant, de nombreuses valeurs communicatives se sont ajoutées, comme l'inclusivité, la co-créativité et une connexion constante avec les acteurs du secteur. « Nous jouons désormais un rôle actif dans ces aspects, » a-t-il ajouté, soulignant l'importance de ces valeurs dans la mission actuelle du CIM.

Des mesures d’audiences plus que belges

Stephan Lameire rappelle que « les défis actuels de la publicité numérique nécessitent une adaptation rapide et proactive des acteurs locaux pour rester compétitifs dans un marché globalisé. » Il s’agit de l'importance de passer d’une approche centrée sur les médias à une approche centrée sur le consommateur, pour fournir aux annonceurs des informations précises sur la manière d'atteindre leurs cibles sur différentes plateformes.

Le soutien à l’innovation apporté par les pouvoirs publics joue également un rôle clé pour de telles ambitions. Le projet XMM, soutenu par le gouvernement flamand, a permis aux acteurs des médias du Nord de faire un grand pas en avant dans la mesure cross-média. Les groupes de médias francophones ont élaboré un projet similaire avec le CIM pour le marché francophone, qui pourrait bénéficier d’un soutien de la part des gouvernements wallons et de la communauté. Lameire insiste également sur la nécessité d'assurer une concurrence équitable entre acteurs locaux et internationaux, et de lutter contre les faux comptes et la fraude pour une mesure publicitaire plus objective.

Perspectives financières et résultats attendus

Selon les estimations du CIM, les impacts financiers de ces initiatives s'annoncent prometteurs, avec un potentiel d'apport publicitaire atteignant 140 millions d’euros en moyenne si toutes les mesures sont mises en œuvre efficacement. La mise en place d'une mesure intégrée est cruciale pour renforcer la confiance des annonceurs, ce qui pourrait entraîner une augmentation significative des investissements publicitaires. En effet, « les marques sont plus susceptibles de dépenser lorsqu'elles ont accès à des données fiables et transparentes, » souligne Deridder, en précisant l'importance d'une approche rigoureuse dans la mesure des audiences.

De plus, les entreprises investissant dans des mesures de qualité peuvent s'attendre à un retour sur investissement accru, surtout dans un environnement aussi concurrentiel. Loerke insiste que « nous devons démontrer la valeur de chaque euro dépensé en publicité, » car cela est essentiel pour attirer les budgets des annonceurs. La collaboration entre les acteurs de l'industrie et les régulateurs est également clé, car elle pourrait générer une plus grande sécurité juridique pour les investissements publicitaires, incitant ainsi les marques à allouer davantage de budget à des campagnes mesurables et efficaces.

Retrouvez également l'interview de Stefan Loerke par Luc Suykens ici : 

L’organisation de cette première édition du State of the Union 2024 était celle du CIM et du Conseil de la Publicité / Raad voor Reclame et leurs partenaires pour l’évènement :  GfK/NIQ, Puilaetco, Deloitte et PUB.