{Interview} Delphine De Pauw (Team Lewis) : Les femmes, le leadership et la charge mentale

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Aujourd’hui à la tête de la branche belge de l’agence internationale de communication au sein de laquelle elle a débuté sa carrière, Team Lewis, Delphine De Pauw est un témoin parfait de l’évolution d’un secteur majoritairement composé de femmes et très bon exemple de « caring management ».

Delphine De Pauw a passé 14 ans au sein de l’agence Team Lewis et est passée pas tous les postes avant d’avoir l’opportunité de devenir Managing Director. Elle considère que cette évolution lui a permis de développer une forme de management bienveillant : « Je suis aujourd’hui à la tête d’une équipe bilingue d’une trentaine de personnes majoritairement composée de femmes qui font constamment en sorte de se tirer vers le haut. Ma priorité est de parvenir à trouver l’équilibre entre les impératifs du monde du business tout en parvenant à ménager mes équipes en étant à l’écoute de leurs besoins. » PUB a rencontré Delphine le 08 mars, à l’occasion de la journée des droits de la femme, et nous en sommes sortis plus qu’inspirés.

Dans Team Lewis, il y a Team. À quel point le collectif, la bonne entente et coordination est-elle importante lorsque l’on travaille chez vous ?

Delphine : C’est très important. Pour moi l’équipe c’est tout. Il n’y a pas de place pour l’égo chez nous. La vie d’agence c’est rude, donc on doit rester solidaires. Je fais très attention aux dynamiques entre collègues, à la bonne entente. C’est important pour servir nos clients le mieux possible aussi évidemment.

Quelle est la répartition homme/femme chez Team Lewis ?

Delphine : 1/3 d’hommes et 2/3 de femmes. C’est une répartition qui s’est faite naturellement. La com attire plus les femmes en général, je pense que ça commence dès les études. Je trouve que c’est très important d’avoir une mixité et un équilibre au sein des équipes. En cette journée des droits de la femme, j’ai envie de dire aussi que c’est très important d’avoir des hommes dans l’agence.

Avez-vous une personnalité qui vous inspire, une lecture inspirante qui vous guide au quotidien ? 

Delphine : Je n’ai pas une seule personne en tête, mais j’aime beaucoup les podcasts de femmes entrepreneures, des CEO,… qui racontent leur parcours, les challenges qu’elles ont rencontré et les solutions qu’elles ont mis en place, c’est très inspirant pour moi. En interne, on a beaucoup de femmes qui ont des rôles de leadership, comme ma N+1 et ma N+2. Ce sont des femmes qui sont depuis longtemps dans l’entreprise, qui sont mamans, elles sont inspirantes et j’espère le devenir autant qu’elles. 

Lorsque l’on sait tout ce que c’est d’être une femme en 2023, qu’on occupe un poste à responsabilités avec la gestion d’effectifs mais également une vie personnelle à 100 à l’heure, ressentons nous une charge mentale parfois excessive ? Comment faites-vous afin de gérer cela au mieux ?

Delphine : Oui le plus gros challenge, ce n’est pas la to-do list, c’est la charge mentale. Il faut être organisé pour pouvoir gérer tout ça et ce n’est pas facile tous les jours, on ne va pas se mentir. Il y a des jours où ça ne va pas et dans ce cas-là, j’ai appris à me dire que « demain était un autre jour ». Je suis de nature perfectionniste, mais ça il faut lâcher aussi. On ne peut pas l’être tout le temps, il faut savoir quand l’être et quand il faut être efficace. Ma mère et mes beaux-parents m’aident beaucoup, mon mari a pris un congé parental pour s’occuper de nos enfants. Et puis en tant que femme, on a tendance à plus vite culpabiliser quand on fait quelque chose, ou qu’on ne fait pas assez, mais il faut se dire que le plus important c’est de faire de son mieux. Il faut solutionner les problèmes quand ils surviennent et pas les anticiper, sinon on se rend malade.

Delphine, c’est quoi pour vous le « Caring Management » ? Dans quelles mesures est-il présent dans la manière dont vous gérez vos équipes ?

Delphine : C’est trouver le bon équilibre entre le business, car on est une agence à gérer et c’est important, et l’humain. Nous on ne vend pas de produits, mais des services. Si les gens ne se sentent pas bien chez nous, les services ne seront pas bons. C’est très important d’encadrer nos équipes, de les coacher, d’avoir des one-to-one chaque semaine, … On consacre beaucoup de temps à l’humain. J’ai eu la chance d’avoir beaucoup de bons managers dans ma carrière et j’ai essayé de prendre le meilleur en chacun d’eux et d’intégrer ça dans ma façon de manager aussi. J’essaie de manager les gens comme moi j’aimerais être managée. J’ai l’impression que ça fonctionne… Les gens ont, la plupart du temps, besoin d’être entendus et rassurés. Notre CEO dit souvent qu’en tant que leader, il faut plus être et moins faire. C’est ce que j’essaie d’appliquer. 

Vous avez réussi à mettre en place une telle forme de management au bout de presque 15 ans au sein de TL ? Pensez-vous que ça aurait été plus facile de prendre ce genre de décisions si vous aviez été un homme ? 

Delphine : Non, je ne pense pas qu’un homme aurait eu plus facile ou plus difficile. Ce n’est pas un concept qui a été mis en place du jour au lendemain. C’est un processus en constante évolution, c’est quelque chose qui a évolué dans ma façon de faire donc c’est très personnel je pense. Chez Lewis, j’ai eu beaucoup de chance que le fait que je sois une femme n’influence en rien mon pouvoir décisionnel. Je me rends compte que j’ai été très privilégiée de ce côté-là car ce n’est pas comme ça partout malheureusement … 

Avez-vous déjà rencontré des difficultés en tant que femme au cours de votre parcours professionnel ? Si oui, lesquelles ?

Delphine
 : Oui quelque fois mais rien de très relevant, des petits incidents quoi. Je le fais savoir quand ça me déplaît, comme quand on me coupe la parole ou quelque chose comme ça. Je n’ai pas eu à faire à beaucoup de sexisme dans ma carrière, c’était toujours « tu travailles bien, tu as les qualités et on te reconnaît. » Et c’est un luxe que peu de gens ont…

Aujourd’hui, on a une fondation Lewis qui soutient le mouvement He for She des Nations Unies et on fait une étude mondiale sur les femmes et comment ça évolue dans le monde. L’étude de cette année porte sur les femmes dans les STEM (Science, Technology, Engineering et Mathematics) et là c’est une toute autre histoire évidemment… C’est beaucoup plus difficile pour les femmes dans ces milieux-là qui ont moins de modèles féminins, reçoivent moins d’opportunités, … Ce rapport me rappelle à quel point j’ai de la chance car ce n’est pas une évidence pour tout le monde. 

Aujourd’hui, vous êtes Managing Director, pensez-vous qu’il est toujours compliqué pour une femme d’atteindre un poste à responsabilités ?

Delphine : De nouveau, je pense que ce n’est pas une évidence et que ça dépend des secteurs. Mais il y aussi le fait qu’une femme qui n’a pas 100% des skills demandés pour un poste, ne postule pas alors qu’un homme le fera dès qu’il a 50% de ces skills. C’est une question de confiance en soi. Beaucoup de femmes ont le syndrome de l’imposteur. C’est triste parce que les femmes ont beaucoup à offrir dans des rôles de leadership. Et puis, il y a aussi le privé qui joue. Dès qu’il y a des enfants, beaucoup de femmes se mettent en part-time, c’est moins évident d’aller dans des rôles à responsabilités.

Allez-vous mettre en place des choses concrètes pour les droits de la femme au sein de TL ? Et en particulier le 08 mars ? 

Delphine : Chez nous c’est quelque chose de structurel, on ne va rien mettre en place de particulier, parce que c’est la journée de la femme. On essaie, dans le day-to-day, de voir au cas par cas. J’ai des collègues qui viennent de plus loin, qui sont mères, et qui restent à la maison quand ça ne va pas. On essaie de voir comment on peut soutenir nos équipes au quotidien, parfois c’est de la flexibilité, parfois du développement personnel, des congés, … On essaie de faire ce qu’il faut pour offrir cette opportunité aux femmes d’être dans des rôles de leadership. C’est un tout qui fait que c’est un environnement très agréable pour une femme de travailler et d’évoluer.
Certaines entreprises donnent des promotions parce que c’est la journée de la femme, c’est horrible, ils n’ont rien pigé ! On ne va pas donner une carte avec « félicitations, vous êtes une femme » ce serait horrible je pense (rires).

Profitons de ce 08 mars, avec vous un message particulier à faire passer ?

Delphine : Aux femmes, je leur dirais de croire en elles, de poursuivre leurs rêves et de foncer. Je reste convaincue qu’il faut plus de femmes dans des rôles de leadership.

Aux hommes, qui ne le font pas déjà, je leur demanderais de soutenir les femmes autant qu’ils peuvent car on a vu aussi dans le rapport que ce n’est pas toujours dans leurs priorités. Mais il y a des hommes, notamment ceux qui m’entourent, qui me font constater que c’est possible.

Les mentalités changent, surtout chez les jeunes générations, je reste optimiste. Il y a beaucoup de bonnes choses qui se passent dans le monde malgré tout. C’est triste qu’un jour comme le 08 mars soit nécessaire, mais c’est bien que ça continue car il y a encore des choses à changer.